Italie

Domenico Fisichella, un néofasciste à la Culture

Il fait partie des cinq ministres membres de l’Alliance nationale

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 juin 1994 - 572 mots

Domenico Fisichella, professeur de science politique, membre fondateur de l’Alliance nationale néofasciste, devient à cinquante-huit ans le ministre des Biens culturels du nouveau gouvernement italien. Il succède à Alberto Ronchey, qui a occupé ce fauteuil pendant deux ans et demi.

ROME - Domenico Fisichella est considéré comme l’un des idéologues de l’Alleanza Nazionale, créée pour régénérer le MSI, héritier direct du mouvement mussolinien. Monarchiste, il n’a jamais fait mystère de ses sympathies politiques très à droite mais affirme n’admettre ni l’esprit du passé fasciste ni sa nostalgie.

M. Fisichella n’a aucune expérience en matière de biens culturels. Il était du reste candidat au poste de ministre de l’Éducation nationale. Enseignant à l’université La Sapienza de Rome et à l’Université Libre Internationale en Sciences Sociales (LUISS), auteur de nombreux ouvrages traduits en plusieurs langues dont le français - notamment Il potere nella societa industriale (Le pouvoir dans la société industrielle) et Sviluppo democratico et sistemi elettorali (Développement démocratique et systèmes électoraux), il était éditorialiste du quotidien de droite Il Tempo.

S’il souligne que "l’Italie possède le plus grand gisement culturel du monde, qu’il faut transmettre aux générations futures pour leur inspiration intellectuelle, morale et esthétique", il rappelle que les biens culturels peuvent aussi être source de revenus et "pourvoir eux-mêmes à leur entretien et à leur conservation". Il s’empresse toutefois de réaffirmer une hiérarchie nette: "Les biens culturels ont une destination avant tout spirituelle, culturelle et esthétique. On ne peut pas les utiliser comme des marchandises, même s’il faut en développer l’aspect économique afin de mieux servir leur rôle spirituel."

L’avenir de la Biennale de Venise
Domenico Fisichella devra sans doute se pencher très rapidement sur la création éventuelle d’un ministère de la Culture, qui regrouperait des secteurs aujourd’hui placés sous la tutelle de différents ministres. Ce débat, souvent relancé dans la Péninsule, semble aujourd’hui en passe de déboucher sur des décisions concrètes.

Bien que Silvio Berlusconi ait déclaré que les ministres de l’Alliance nationale "n’ont rien à voir avec le fascisme", leur présence dans le nouveau gouvernement a entraîné de vives réactions hors d’Italie. "Si j’étais au gouvernement, je refuserais de serrer la main d’un ministre qui revendique l’héritage de Mussolini", a déclaré au JdA Jack Lang. Même s’il se refuse à vouloir "donner des leçons aux Italiens" et affirme "qu’il faut respecter l’Italie", l’ancien ministre français de la Culture estime "qu’il faut quand même marquer ses distances". Mais, pour Jack Lang, dans la nouvelle situation politique italienne, "le plus grave est la concentration entre les mêmes mains du pouvoir audiovisuel et du pouvoir politique". "Il s’agit d’une dictature douce, progressive, d’une prise de pouvoir sur les consciences", affirme-t-il.

L’arrivée de M. Fisichella a des conséquences sur l’organisation de la prochaine Biennale de Venise, en 1995. Comment dans ce nouveau contexte politique, le commissaire de la Biennale - le Français, Gérard Régnier - va-t-il pouvoir évoquer les vingt années fascistes de la Biennale à travers la grande exposition devant célébrer le centenaire de la manifestation ? Plus concrètement, une telle exposition ne peut être présentée dans les traditionnels Giardini, dont les bâtiments n’offrent pas les conditions de sécurité et de climatisation nécessaires à des œuvres historiques. Le Palazzo Grassi serait plus approprié. Mais son accès suppose le déplacement d’une exposition programmée par le ministère des Biens culturels.

Le bon déroulement de l’organisation de cette exposition historique, les demandes de prêt d’œuvres en particulier, exige des décisions rapides de la part du nouveau ministre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Domenico Fisichella, un néofasciste à la Culture

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