Art contemporain - Disparition

Disparition de Jacques Villeglé : l’affiche en deuil

Par Henri-François Debailleux · lejournaldesarts.fr

Le 8 juin 2022 - 590 mots

PARIS

Jacques Villeglé, qui a consacré sa carrière aux affiches lacérées et à son alphabet socio-politique est décédé à 96 ans.

Jacques Villeglé. © Photo Tadzio, Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, février 2021
Jacques Villeglé.
© Photo Tadzio, février 2021
Courtesy Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois,

Jacques Villeglé, de son vrai nom Jacques Mahé de la Villeglé, est décédé à Paris, dans la nuit de lundi 6 à mardi 7 juin 2022, à l’âge de 96 ans, dans la maison médicalisée où il était entré après s’être cassé le col du fémur le 21 novembre dernier, deux jours avant la cérémonie qui devait le décorer en tant que Commandeur des Arts et des Lettres. Une maison médicalisée située dans le Marais, tout près de son domicile et à deux pas du Musée Carnavalet, comme un symbole pour celui qui avait fait de Paris et de ses rues son atelier à ciel ouvert. 

Il était né le 27 mars 1926 à Quimper. Il s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de Rennes en 1946 où il rencontre Raymond Hains (1926-2005) qu’il retrouve en 1947 aux Beaux-Arts de Nantes et ce jusqu’en 1949, date à laquelle les deux compères « montent » à Paris. Dès l’année suivante, Villeglé commence son travail sur les affiches lacérées qui va l’occuper pendant plus de 50 ans, selon un processus immuable : « J’attends que les affiches soient lacérées et je les prends au moment où je trouve que la lacération est bonne. Ce n’est qu’une fois chez moi que je les recadre, ce qui est un point essentiel du travail. Et là je redécoupe en fonction de la partie qui m’intéresse », nous avait-il confié il y a quelques années. 

Celui qui, plus tard, va s’autobaptiser « le Lacéré anonyme », flâne pour choisir ses affiches par thèmes « Les mots », « Sans lettres, sans figures», « Graffitis politiques », etc. et devient le premier, avec ses amis Raymond Hains, Mimmo Rotella, François Dufrêne, à faire rentrer les images de la rue (voire du métro) dans les salons bourgeois. En 1960, il se retrouve également aux côtés d’Yves Klein, comme l’un des pionniers des Nouveaux Réalistes.

Au printemps 2021, la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois avait organisé sa 12e exposition personnelle (dont l’une « Pénélope » avec Raymond Hains). Elle était la première entièrement consacrée à son « Alphabet socio-politique », le second volet de son œuvre, moins connu que les affiches, mais tout aussi important et de la même source : la rue. A cette occasion, il nous avait raconté qu’en février 1969, il avait découvert sur les murs du métro de la station République une inscription écrite en protestation de la venue du président  Nixon, dont le nom était écrit avec des flèches et symboles. Il nous précisait en outre : « J’avais un frère malade qui est mort prématurément et mes parents l’avaient inscrit dans une école par correspondance dont le slogan était : si vous savez écrire, vous savez dessiner. En plus de cela, à l’âge de 16 ans je suis tombé sur un livre de 1926, c’est-à-dire l’année de ma naissance, qui m’a fait découvrir l’importance de l’écrit dans les peintures cubistes. J’ai ainsi été très tôt ouvert et attentif à l’écriture ». Villeglé va mettre dix ans pour mettre en place son alphabet composé de signes, symboles, idéogrammes et se consacrait principalement à cette partie de son œuvre depuis une vingtaine d’années.

L’artiste, avec son humour pince sans-rire, son chapeau éternellement vissé sur la tête et une affabilité légendaire, aura une exposition à la Chapelle Saint-Sauveur de Saint-Malo cet été et une autre au SOMA, Séoul Olympic Museum Of Art (Corée du Sud) dès septembre prochain.

Jacques Villeglé. © Photo Tadzio, Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, février 2021
Jacques Villeglé.
© Photo Tadzio, février 2021
Courtesy Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois,

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque