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Président du GrandPalaisRMN

Didier Fusillier : « Notre envie est d’amener une dynamique contemporaine au Grand Palais »

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 27 octobre 2025 - 1409 mots

Après la découverte de sa nef lors des épreuves d’escrime aux JO 2024, le Grand Palais a rouvert cet été même si tous les travaux ne sont pas encore achevés. Le public était au rendez-vous, comme se réjouit Didier Fusillier, président de ce bâtiment historique. Il présente sa programmation culturelle, ainsi que son imposant budget.

Vous avez été nommé président de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais [GrandPalaisRMN] en 2023, avec pour mission de finir le chantier lancé en 2021 et de rouvrir le bâtiment au public. Les travaux sont-ils enfin terminés ?

La dernière tranche des travaux concerne en particulier le palais d’Antin et il reste toute une série de finitions, notamment les portes qu’il faut parfaitement ajuster – il y en a plus de 2000, et je ne sais combien de fenêtres. On s’est aussi rendu compte qu’il y avait des problèmes de chauffage. Les conduites d’eau, l’électricité, l’informatique, tous ces équipements n’existaient pas auparavant ; tout est neuf. Maintenant que les expositions, mais aussi les salons (FAB Paris, Art Basel Paris, Paris Photo…) ont repris, la coactivité avec un chantier est plus complexe à gérer, vu l’immensité du lieu et son caractère historique.

Le palais d’Antin accueillait, avant les travaux, le palais de la Découverte. Est-ce que ce sera encore le cas à sa réouverture ?

Le palais de la Découverte date de 1937, il a été imaginé dans le cadre de l’Exposition internationale universelle – on y entrait par le palais d’Antin, avec ses deux escaliers monumentaux. Dès 1938, étant donné l’intérêt du public pour toutes ses machines, les expériences et le planétarium, il a été décidé d’ouvrir un grand musée des sciences à Paris. On a pensé l’installer au Palais de Tokyo mais, après la guerre, celui-ci était réservé aux administrations qui assuraient la reconstruction de la France. Puis il a été envisagé de le construire là où est l’actuelle Maison de la radio. Il a fallu attendre l’inauguration du Parc de la Villette au début du premier mandat de François Mitterrand. C’est là qu’a été créée la Cité des sciences et de l’industrie. En 2009, l’établissement public français Universcience est né du rapprochement entre le palais de la Découverte et la Cité des sciences et de l’industrie. Cet ensemble n’est pas très facile à gérer du fait de l’éloignement géographique des deux lieux (8e et 19e arr.), qui nécessite deux équipes. Au moment de rouvrir totalement le Grand Palais, on peut s’interroger à nouveau sur cette configuration. Pour ma part, je suis partisan de créer des pôles forts, comme cela a été le cas avec la Philharmonie. Le palais d’Antin doit être livré début 2026, il reviendra au président de la République de décider de son affectation.

Vous avez rouvert avec une grande exposition autour des figures de Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Pontus Hulten, ainsi qu’avec une exposition d’art brut : le public est-il au rendez-vous ?

Rouvrir pile au moment des vacances d’été nous a privés des publics de scolaires mais, dès le début, les fréquentations ont été importantes, avec 2 000 ou 3 000 visiteurs par jour, et des pointes à 5 000 personnes. Même l’exposition d’art brut, a priori moins évidente, a bénéficié d’une bonne fréquentation, avec, étonnement, un public assez jeune.

Au-delà de l’effet de curiosité, comment faire revenir le public au Grand Palais ?

Nous avons inventé de nouvelles formules, dont un abonnement que j’avais testé précédemment à La Villette qui permet de visiter toutes les expositions et même d’y revenir plusieurs fois. Nous avons constaté un rajeunissement des publics. Et le succès de l’accès gratuit sur un tiers de la nef a été phénoménal. Nous avons eu des pointes de 20 000 personnes par jour pour l’installation Nosso Barco Tambor Terra d’Ernesto Neto. Ce qui est tout à fait nouveau, c’est de pouvoir entrer gratuitement et d’avoir accès à 7 000 m². Nous avons aussi beaucoup communiqué sur le thème « Donnez-vous rendez-vous au Grand Palais ». Et, en effet, le lieu devient une destination.

Quelle est aujourd’hui l’économie de ce gigantesque paquebot ?

Le budget annuel du Grand Palais est d’environ 100 millions d’euros. Sur ce montant, il nous faut trouver chaque année 83 millions d’euros de ressources propres. La nef génère des recettes grâce aux locations de son espace. Les expositions, essentielles à l’attrait du Grand Palais, ne sont pas déficitaires. Les recettes proviennent aussi de la Réunion des musées nationaux : soit 36 boutiques, des maisons d’édition, l’Agence pour la photographie, l’atelier des moulages, etc., toute une série d’activités très importantes économiquement.

S’ajoute à ce budget très lourd le prêt de 150 millions d’euros contracté sur 25 ans pour les travaux…

L’État a pris, comme c’est le cas pour tous ses grands monuments, une part importante au financement des travaux. Mais la particularité du Grand Palais, c’est qu’il a été décidé que 40 % du coût des travaux soient prélevés sur l’exploitation du bâtiment, donc près de 200 millions d’euros (avec les intérêts), soit 9 millions par an à rembourser. Or le bâtiment n’avait jamais dépassé 2 millions d’euros de résultat net par an, ce qui était déjà très bien.

Quelle est votre stratégie pour relever ce défi ?

II faut bien sûr faire venir du public. Mais aussi réaliser des économies, alors même que les charges de ce bâtiment refait à neuf ont considérablement augmenté. Il n’y avait pas d’alarme, de désenfumage ; il y avait deux ascenseurs, il y en a maintenant plus de 40… Le coût d’exploitation n’a donc plus rien à voir avec ce qu’il était. Sans parler de la facture énergétique ! Lorsqu’on pense que le Grand Palais, avec 74 000 m2, est légèrement plus grand que le château de Versailles (qui en fait 68 000), cela donne une idée de son gigantisme. Cette nouvelle économie passe donc par des coproductions avec nos partenaires (Centre Pompidou, Musée d’Orsay, Musée du Louvre…), mais aussi par des expositions que nous exportons. Cela suppose aussi d’être accompagné par des grands mécènes, comme Chanel, qui non seulement a été partenaire des travaux à hauteur de 25 millions d’euros, mais qui continue à nous soutenir, en particulier dans nos efforts pour développer les jeunes publics. Accor nous a rejoints cet été, le groupe Engie également. Quant à la Fondation Jean-Pierre Aubin, elle soutient le Palais des enfants, certaines expositions et projets artistiques.

Le Centre Pompidou a obtenu, durant sa fermeture pour travaux, l’usage de la moitié des douze galeries du Grand Palais. Est-ce une bonne chose ?

Effectivement, le Centre Pompidou dispose de six galeries : quatre sont les grandes galeries traditionnelles qui donnent sur les Champs-Élysées, et deux autres galeries du côté de la Seine – où se tient en ce moment l’exposition d’art brut. Une partie des animations dans les espaces communs, par exemple, le Salon Seine, sont également coproduites avec le Centre Pompidou. Ce travail commun est très nouveau, je considère que cela nous renforce. D’ailleurs, la gratuité dans une partie du Grand Palais rappelle l’esprit du Forum du Centre Pompidou à ses débuts.

Quels seront les temps forts de la programmation de cette fin d’année ?

Dès la mi-décembre, le Grand Palais montrera plus de 35 000 dessins de la collection du Cabinet d’art graphique du Centre Pompidou (« Dessins sans limite », du 16 décembre au 15 mars 2026). Nous avons aussi invité les artistes Eva Jospin et Claire Tabouret à investir deux galeries adjacentes. Notre envie est d’amener une dynamique contemporaine au Grand Palais. Nous avons donné le ton fin 2024 avec l’exposition de Chiharu Shiota. Nous allons aussi accueillir une exposition de Nan Goldin. Et nous sommes en discussion avec Francis Alÿs dont nous adorerions montrer le travail.

Quelle est la vocation du Grand Palais dans le paysage parisien en pleine redéfinition, avec la fermeture du Centre Pompidou, l’ouverture de la Fondation Cartier… ?

L’idée, c’est de proposer un mixte d’expositions classiques et d’événements inattendus. Au printemps prochain, l’exposition sur les dernières années de la vie d’Henri Matisse s’annonce splendide, comme celle sur Paul Cézanne avec le Musée d’Orsay. Mais le Grand Palais s’ouvre à d’autres formats : des spectacles, des concerts. Je crois beaucoup à la nuit, il y a un public de noctambules à Paris, d’autant que le Grand Palais est à proximité des Champs-Élysées. Nous avons vu le public rentrer à 2 heures du matin dans l’exposition « Dolce & Gabbana » et venir à 5 heures du matin à la patinoire éphémère l’hiver dernier.

Didier Fusillier
(né en 1959) a commencé sa carrière à Maubeuge avec la création de festivals. Il y a dirigé le théâtre du Manège, Scène nationale, avant de prendre la tête de la Maison des arts de Créteil (de 1993 à 2015). Il a piloté la programmation de « Lille, capitale européenne de la culture » en 2004, puis de Lille3000 jusqu’en 2015. Président du Parc et de la Grande Halle de La Villette à partir de 2015, il y a créé les « Micro-Folies » , réseau national de diffusion culturelle. En septembre 2023, il a été nommé président de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais (rebaptisée GrandPalaisRMN).

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°790 du 1 novembre 2025, avec le titre suivant : Didier Fusillier : « Notre envie est d’amener une dynamique contemporaine au Grand Palais »

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