Lyon-Villeurbanne

Deux lieux pour l’art contemporain malmenés

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 798 mots

L’Espace lyonnais d’art contemporain, ELAC, à Lyon et le Nouveau musée à Villeurbanne font l’objet d’un réajustement de leurs missions. Le premier sera la base de repli du Musée d’art contemporain, en attendant l’ouverture d’un nouveau bâtiment, le second voit ses activités strictement encadrées, à la suite d’un rapport de la Chambre régionale des comptes.

LYON - L’ELAC fait actuellement l’objet d’une réorganisation brutale qui le prive de ses fonctions traditionnelles. Premier espace entièrement dédié à l’art contemporain, ouvert en 1976, l’ELAC a longtemps fait figure de pionnier à Lyon. Situé au-dessus d’une gare, son emplacement particulier lui confère une proximité exceptionnelle avec le public, qui a servi de référence à des projets de diffusion de l’art comme ceux des FRAC et des centres d’art.

Cette belle expérience semble devoir être remise en question par une récente décision du conseil municipal qui a amputé son budget de 90 %. Selon Henri Destezet, chargé de mission auprès de l’adjoint à la Culture "il s’agit de rationaliser les dépenses". En effet, le Musée d’art contemporain, devant libérer les locaux qu’il occupe pour permettre le redéploiement des collections du Musée Saint-Pierre (art ancien et classique), se repliera sur l’ELAC en attendant la livraison du bâtiment dessiné par Renzo Piano. L’ELAC n’a donc plus besoin d’un budget spécifique, puisque le Musée d’art contemporain occupe son espace.

Mais qu’adviendra-t-il de ce lieu, une fois le musée installé dans ses murs ? Le projet de la ville serait d’en faire un espace à la disposition des plasticiens de la région, notamment ceux qui s’étaient constitués en "Bac Off", lors de la dernière Biennale d’art contemporain. Quant au personnel de l’ELAC, il devrait retrouver une fonction au sein du Musée d’art contemporain. On assiste, semble-t-il, à une redistribution des lieux d’expositions en vue de soutenir les différentes facettes de la production classique. De même qu’il existe plusieurs salles de spectacle en fonction des pièces qui y sont jouées – du boulevard au théâtre expérimental –, il existera à Lyon un réseau similaire de lieux d’expositions. Une proposition qui effraye les responsables de l’ELAC, qui avouent "vivre au jour le jour" et qui regrettent qu’elle se fasse par la disparition "d’un lieu hautement symbolique".

Un rapport sévère
Le Nouveau musée a connu lui aussi une passe difficile, à la suite d’un sévère rapport de la Chambre régionale des comptes mettant en question le rapport subventions allouées (plus de 4 millions de francs par an) et niveau de l’activité (4 expositions par an, bibliothèque accessible seulement sur rendez-vous, politique éditoriale coûteuse). Par ailleurs, le rapport souligne que la collection du musée n’est pas inventoriée, que la comptabilité ne respecte pas les règles du droit public et, d’une manière générale, que les tutelles du Nouveau musée (Ville, Région,  État) n’ont pas exercé un contrôle rigoureux de l’activité.

Si l’origine de l’affaire est confuse – simple contrôle de routine ou brouille entre le maire et son adjoint à la Culture – ce rapport devait avoir pour conséquence une ferme reprise en main de l’institution, sans pour autant que la politique de soutien à l’art contemporain conduite par la ville depuis plus de dix ans ne soit remise en cause. Afin d’améliorer le niveau de l’activité, les responsables du Nouveau musée devront présenter un nouvel organigramme et un projet détaillé pour les années à venir. De plus, les tutelles ont demandé que soit établie une nouvelle convention de partenariat afin de définir les objectifs du Nouveau musée et d’assurer un meilleur contrôle des engagements de moyens. Enfin, le rôle de Jean-Louis Maubant est redéfini : il est nommé directeur artistique et est déchargé des tâches de gestion et d’administration au profit d’un co-directeur.

Pour le milieu de l’art régional, l’alerte a été chaude et les interrogations qu’elle suscite sont plus que jamais d’actualité. Alors que Jean-Louis Maubant se défend en parlant de "municipalisation rampante" et s’estime en grande partie "victime d’un conflit entre deux élus" qui souhaitent "revenir sur la politique de promotion de l’art contemporain mené par Charles Hernu", il convient de faire remarquer que sa gestion peu orthodoxe apporte de l’eau au moulin des détracteurs de l’art contemporain. En effet, le risque est grand de voir amalgamer des erreurs de gestion à une dénégation globale de l’art contemporain, ce qui risque de coûter cher aux institutions spécialisées.

Que les instances chargées du soutien à l’art contemporain adaptent les méthodes de gestion et de contrôle qui ont fait leurs preuves dans les domaines du théâtre ou de la musique apparaît aujourd’hui comme une condition de la survie du secteur. Si la jeunesse de cette politique publique expliquait en partie l’absence de contrôles rigoureux, on comprendrait mal que cette attitude se prolonge, à un moment où l’art contemporain subit des attaques idéologiques de nature à remettre en cause son existence même.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Deux lieux pour l’art contemporain malmenés

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