Faux - Restitutions

Des mosaïques restituées au Liban seraient de vulgaires copies

Par Louise Wagon · lejournaldesarts.fr

Le 24 novembre 2023 - 553 mots

GRENOBLE

Les mosaïques restituées récemment au Liban par les États-Unis seraient des contrefaçons inspirées d’œuvres célèbres.

La mosaïque des géants de la Villa Romana del Casale aurait servie de modèle pour les fausses mosaïques restituées au Liban © Wilson44691, 2013, CC0 1.0
La mosaïque des géants de la Villa Romana del Casale aurait servie de modèle pour les fausses mosaïques restituées au Liban.

Selon Djamila Fellague, Maîtresse de Conférences en histoire de l’art, archéologie et antiquité à l’Université de Grenoble, les autorités de New York ont restitué, en septembre 2023, de fausses mosaïques romaines au Liban, dans le cadre d’une opération de restitution d’antiquités volées.

Selon l'universitaire, huit des neuf mosaïques sont des contrefaçons « relativement faciles à détecter ». « La recherche et la comparaison iconographique conduisent très rapidement à l’identification des modèles utilisés pour les [fausses] mosaïques », explique-t-elle lors d’une conférence sur le sujet, jeudi 23 octobre. Elle en a conclu que « les originaux sont des œuvres bien connues dans des sites archéologiques ou des musées en Sicile, en Tunisie, en Algérie et en Turquie ». Par exemple, une des mosaïques représentant un géant aurait été copiée sur une section de célèbres mosaïques de la Villa Romana del Casale en Sicile, un site du patrimoine mondial de l’Unesco. Une autre, représentant le dieu marin Neptune et la reine Amphitrite, emprunte beaucoup à un original trouvé à Constantine et conservé au Louvre depuis le milieu du XIXe siècle.

Djamila Fellague soupçonne qu’un atelier de mosaïque de faussaires était situé quelque part au Proche-Orient, probablement dans les années 1970 et 1980, « à en juger par d’autres pièces qui ont refait surface sur le marché de l’art ».

Ces soupçons sont soutenus par un autre expert, Christos Tsirogiannis, conférencier invité à l’Université de Cambridge, qui trouve également les œuvres peu convaincantes. « Même si vous n’êtes pas un expert, si vous mettez le faux à côté de la mosaïque authentique, vous voyez à quel point ils sont similaires, mais aussi à quel point la qualité n’est pas si bonne », a-t-il expliqué au Guardian. Selon lui, les faussaires auraient commis l’erreur de copier des mosaïques bien connues, qui ont été largement photographiées par des touristes et qui sont disponibles sur Internet et dans les publications universitaires.

Le bureau du procureur de Manhattan avait ordonné la saisie des œuvres dans l’entrepôt de Georges Lotfi et avait annoncé le rapatriement des antiquités au Liban le 7 septembre dernier. Georges Lotfi coopérait avec le bureau du procureur de New York, en sa qualité de lanceur d’alerte qui dénonçait les vendeurs illicites d’œuvres d’art et de trésors pillés ou falsifiés. Il a fait l’objet, en 2021, d’une enquête judiciaire pour vol d’antiquités, au terme de laquelle les États-Unis avaient émis un mandat d’arrêt à son encontre, en mars 2022. Il est accusé du vol de 24 objets antiques dont la propriété est revendiquée par le Liban et qui sont évalués à plusieurs millions de dollars. Cinq d’entre eux auraient été sortis du Liban pendant la guerre civile, soit entre 1975 et 1990.

Selon Djamila Fellague et Christos Tsirogiannis, trop de pièces ont été rendues à la hâte et souvent avec des expertises sommaires, voire inexistantes. Un porte-parole de la DA a nié ces accusations auprès du Guardian : « Pour que ces antiquités puissent être rapatriées, un tribunal a dû évaluer nos preuves, qui comprenaient une analyse d’experts sur leur authenticité et des détails importants sur la façon dont elles ont été trafiquées illégalement. Le tribunal a conclu, sur la base des preuves – que ces personnes n’ont pas –, que les pièces sont authentiques. »

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