Grande-Bretagne

Délai de grâce pour les Trois Grâces

Un Getty pourrait chasser l’autre

Le Journal des Arts

Le 1 septembre 1994 - 675 mots

Le Victoria and Albert Museum et la National Gallery of Scotland ont trois mois supplémentaires pour recueillir les 800 000 livres sterling manquantes pour acquérir l’œuvre de Canova, et empêcher ainsi son départ vers les États-Unis.

LONDRES - Le nouveau secrétaire d’État au ministère du Patrimoine, M. Stephen Dorrell, a reporté au 5 novembre sa décision concernant l’autorisation d’exportation demandée pour Les Trois Grâces. Ce délai supplémentaire de trois mois succède à celui de six mois qui avait expiré le 5 août.

Pour conserver la statue, la Grande-Bretagne doit acquitter une somme égale au prix de vente de 7,6 millions de livres (68,4 millions de francs) convenu entre le Getty Museum et la société Fine Art and Investment Display, ayant son siège aux îles Caïmans, qui a acheté l’œuvre en 1984.

John Paul Getty II offre un million
Créant la surprise, John Paul Getty II – qui vit en Angleterre – a annoncé le 12 août qu’il souhaitait verser 1 million de livres dans le cadre de la souscription lancée pour le maintien de l’œuvre de Canova en Angleterre. Le directeur de la National Gallery of Scotland, Timothy Clifford, ayant déclaré que ce geste s’expliquait par les mauvaises relations que John Paul Getty II entretenait avec son père, le milliardaire a menacé de retirer son offre, mais l’a finalement maintenue après les excuses du directeur.

Le Victoria and Albert Museum et la National Gallery of Scotland, qui se sont engagés chacun à hauteur de 1,1 million de livres sterling, cherchent donc maintenant à récolter les 800 000 livres manquantes. Dans le cas du Victoria and Albert Museum, 550 000 livres seront prises sur le budget d’acquisitions pour 1994-1995, et la même somme sur celui pour 1995-1996. Le National Art Collections Fund doit verser 500 000 livres et le National Heritage Memorial Fund a promis 3 millions de livres à condition que le Victoria and Albert Museum réunisse un montant équivalent.

Deuxième tentative d’exportation
C’est la seconde fois que les propriétaires de la statue demandent l’autorisation d’exporter le chef-d’œuvre de Canova à Malibu. En 1990, elle avait été reportée de six mois afin que le Victoria and Albert Museum puisse recueillir des fonds en faisant appel à la générosité publique. Malgré l’échec de cette initiative, les négociations entre le Getty et les vendeurs s’étaient interrompues et la statue était restée en réserve depuis juin 1991.

Les Trois Grâces est une œuvre classée, que la Commission d’examen à l’exportation des œuvres d’art estime d’une extrême importance pour le patrimoine britannique. Commandé à Antonio Canova par le sixième duc de Bedford en 1814, le groupe en marbre fut installé dans le Temple des Grâces construit tout spécialement à Woburn Abbey en 1819. "Les Trois Grâces ne peuvent en aucun cas quitter le pays, déclarait Paul Williamson, directeur du Département de sculpture au Victoria and Albert Museum.

C’est la sculpture la plus importante pour laquelle on ait sollicité une autorisation d’exportation depuis 1952, date de la création de la commission. Son statut "classé" est très rare – il touche à l’histoire des collections anglaises du début du XIXe siècle – et, si elle sort du pays, l’œuvre n’a aucune chance de retrouver un jour son emplacement originel à Woburn."

M. Williamson note une volonté plus marquée de conserver la sculpture qu’il y a un an, et déplore qu’on ne puisse utiliser à cette fin les recettes de la Loterie nationale (lire l’article ci-dessous) : "Nous nous ridiculiserons aux yeux de la postérité si Les Trois Grâces quittent le pays trois mois avant que n’afflue l’argent de la Loterie."

M. John Walsh, directeur du Getty, a reproché aux pouvoirs publics de compromettre la position de Londres comme centre du marché de l’art en modifiant trop souvent les règles de sortie des œuvres d’art : "De toute évidence, notre confiance dans l’équité du système d’autorisations à l’exportation britannique était mal placée", a-t-il déclaré. Les propriétaires de la statue demandent quant à eux, par l’entremise de leur avocat de Genève, Luc Hafner, que les tribunaux déclarent la décision du gouvernement contraire à la Constitution.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : Délai de grâce pour les Trois Grâces

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