Degas en suspens

L’affaire Gutmann-Searle renvoyée à Chicago

Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1996 - 468 mots

Les poursuites engagées par les héritiers de Friederich Gutmann – assassiné avec sa femme par les nazis en 1943 – pour récupérer un monotype d’Edgar Degas ayant autrefois appartenu au fils du fondateur de la Dresdner Bank devront désormais trouver une solution à Chicago, où habite Daniel Searle, l’actuel propriétaire de l’œuvre. L’instruction pourrait cependant ne pas déboucher sur un procès, des sources proches des deux parties indiquant qu’elles seraient en quête d’un accord à l’amiable.

NEW YORK (de notre correspondant) - La plus importante affaire de restitution d’œuvre d’art jamais exposée devant une cour de justice américaine vient d’être renvoyée des tribunaux de New York à ceux de Chicago (lire le JdA n° 28, septembre 1996). Les héritiers de Friederich Gutmann demandent que Daniel Searle, par ailleurs administrateur de l’Art Institute de Chicago, leur restitue Paysage avec cheminées (1890) au motif que ce monotype rehaussé de pastel a été saisi par les nazis en 1943, à Paris. De son côté, Searle soutient qu’il a acheté cette œuvre de bonne foi au collectionneur Emile Wolfe, en 1987, pour la somme de 850 000 dollars.

Lors de cette transaction, le marchand d’art Margot Pollins Schab représentait Wolfe, tandis que Searle était assisté par Douglas W. Druick, conservateur du département de Peinture européenne à l’Art Institute de Chicago et commissaire de l’exposition Degas actuellement présentée dans ce musée. Margot Pollins Schab a prétendu qu’elle ignorait que le pastel soit passé entre les mains de marchands nazis, en dépit du fait que le nom de Hans Wendland, bien connu pour ses opinions pro-hitlériennes, ait figuré dans l’historique du tableau.

L’Art Institute intéressé
Les lois en vigueur dans l’État de l’Illinois pourraient conférer un léger avantage à Daniel Searle. À Chicago en effet, la prescription concernant les actions en revendication prend effet à partir du moment où les héritiers Gutmann (anglicisé aujourd’hui en Good­man) auraient raisonnablement dû le localiser. Alors qu’à New York, la même loi s’applique à partir du moment où une réclamation concernant une œuvre d’art a été déposée et s’est vu opposer une fin de non-recevoir. Les avocats de Searle essaieront donc de prouver que les Goodman n’ont pas fait preuve d’une diligence suffisante pour rechercher le pastel, puisque celui-ci figurait dans le catalogue raisonné des monotypes de Degas établi par Eugenia P. Janis et publié à Cambridge (Massa­chusetts) en 1968. Les héritiers Gutmann devraient alléguer pour leur part que leur enquête a été entièrement menée en Europe, où ils supposaient que le tableau se trouvait, alors qu’il avait quitté le continent européen depuis les années cinquante.

Par ailleurs, un certain nombre d’informations nouvelles concernant la vente ont été rendues publiques. Il a ainsi été révélé que l’Art Institute avait cherché à acquérir le Degas à l’origine, Searle l’ayant finalement acheté quand le musée n’avait pu réunir les fonds nécessaires.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°31 du 1 décembre 1996, avec le titre suivant : Degas en suspens

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