De la collection à l’édition d’occasion

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 16 décembre 2005 - 887 mots

Le jeune marché français du design, porté par le mobilier de Prouvé et de Perriand en vente publique, laisse une petite place aux meubles de seconde main, qui attirent une clientèle fonctionnant au coup de cœur.

Depuis les toutes premières ventes parisiennes, en 1999-2000, consacrées au mobilier d’après guerre, le marché du design a pris un formidable essor. Toutes les maisons de ventes aux enchères parisiennes qui s’intéressent à l’art du XXe siècle ont monté leur département design. Locomotive de ce marché, le mobilier français des années 1950 caracole en tête avec de grands noms, à l’exemple de la Bibliothèque Plots (éd. Steph Simon, circa 1956) de Charlotte Perriand, adjugée 150 661 euros le 7 novembre à Drouot (SVV Camard), ou des 46 862 euros atteints chez Artcurial le 24 novembre par le prototype de la chaise Palette de Jean Prouvé, star incontestée de la période.
Même duo victorieux chez Christie’s à Paris le 1er décembre où une table de forme libre de Perriand accompagnée de ses six tabourets et un escalier roulant signé Prouvé ont respectivement été
adjugés 247 200 et 191 200 euros. « Ce qui marche bien dans le 1950, c’est le haut de gamme (les pièces rares ou exceptionnelles, les prototypes) boosté par une clientèle américaine », rapporte Bertrand Cornette de Saint Cyr. « A contrario, les prix pour le moyen de gamme et le courant se tassent, souligne Fabien Naudan, expert chez Artcurial. Dans notre dernière vente, un bureau de Prouvé modèle Antony, cédé 2 096 euros, se vendait 3 500 euros il y a quelques années. Demain, il vaudra peut-être 1 500 euros. »

Acier inoxydable
Le mobilier 1970 français constitue l’autre tendance en forte hausse, exception faite des pièces en mousse ou en plastique. Depuis trois ou quatre ans, les collectionneurs n’ont d’yeux que pour les objets en métal. « Un marché plus élégant et luxueux », constate Fabien Naudan. Un lampadaire en acier inoxydable de Maria Pergay s’est envolé à 17 882 euros le 23 novembre chez Artcurial. Même son de cloche chez Christie’s où des assises et des tables en acier inox de Maria Pergay ont été adjugées entre 8 400 et 31 200 euros à Paris le 1er décembre. Selon Bertrand Cornette de Saint Cyr, « plusieurs noms reviennent dans cette nouvelle mode du mobilier en acier : Maria Pergay, Willy Rizzo, Michel Boyer, et François Monnet – dont nous avons vendu une table basse le 10 octobre 2005 pour 2 286 euros. Mais la tendance est sensible même sur des pièces anonymes telle une étagère murale en acier poli partie pour 4 813 euros dans la même vente ».

Design pour tous
Les salles de ventes, outre les collectionneurs, attirent des particuliers souhaitant se meubler. Les maisons de ventes y proposent, en seconde main, des pièces toujours éditées, et ce, dans une proportion qui excède rarement 10 % du contenu total de la vente. Ce mobilier d’occasion accessible pour quelques centaines d’euros est dirigé vers les ventes « Intérieurs » chez Christie’s et dispersé dans les ventes courantes d’arts décoratifs du XXe siècle chez Tajan. En bon état, il coûte moitié moins cher que dans le commerce. « C’est vrai que ce type de clientèle est en légère augmentation. Ces acheteurs ne viennent pas forcément avec une idée en tête, mais fonctionnent aux coups de cœur », lance Bertrand Cornette de Saint Cyr. « Le mobilier américain des années 1950 marche bien. Les prix sont raisonnables. Et pour ceux qui, par exemple, ne peuvent pas s’offrir la très rare version de 1947 du fameux fauteuil Rar “édition Zenith” de Charles Eames avec piétement criss-cross [« entrecroisé »] (4 933 euros, le 24 novembre), il y a l’édition courante actuelle à 400 euros en vente publique. On peut y travailler dedans toute la journée tant on y est très bien assis », indique Fabien Naudan.

Bonnes affaires sur eBay
Dans la même vente, un particulier s’est offert un bureau simple de 1952 en bois et piétement acier de George Nelson pour 1 850 euros.
Yann Desombre, directeur de la galerie Meuble et Fonction, à Paris, récemment appelé comme consultant pour les ventes de design de la SVV Digard, croise le même public en boutique et à Drouot : « Ils vont en magasin s’acheter des meubles fonctionnels de salle à manger et, pour leur salon, rapporte des enchères un fauteuil de [Pierre] Paulin qui est aussi comme une sculpture dans l’espace. »
Pour la clientèle bourgeoise de Versailles, l’expert Axel Rajon, spécialisé dans le mobilier 1980-2000, propose des pièces uniques ou de petites séries signées Dubreuil, Garouste & Bonetti, du groupe italien Memphis, des designers anglais Ron Arad ou de Mark Brazier-Jones. Il offre également du mobilier contemporain d’artistes comme Christophe Tallec ou des pièces à plus large diffusion appartenant aux grands classiques du design, à l’instar de la chaise Coste de Philippe Stark à 500 euros pièce. Enfin, Internet, et notamment eBay, occupent une place de plus en plus grande sur ce marché. D’après les professionnels, on y ferait même de bonnes affaires.

SVV VERSAILLES ENCHÈRES - Nom de l’expert : Axel Rajon - Nombre de lots : 150 - Estimation totale : 200 000 euros SVV DIGARD - Nom de l’expert : Yann Desombre - Nombre de lots : 240 - Estimation totale : 250 000 euros

- DESIGN, vente le 19 décembre à Drouot, SVV Digard, 9, rue Drouot, 75009 Paris, tél. 01 48 24 43 43, www.auction.fr/cp/digard - ARTS DÉCORATIFS DU XXe SIÈCLE, DESIGN, CRÉATIONS ORIGINALES, le 18 décembre, SVV Versailles Enchères, hôtel des Chevau-Légers, 3, impasse des Chevau-Légers, 78000 Versailles, tél. 01 39 50 69 82, www.chevaulegers.auction.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°227 du 16 décembre 2005, avec le titre suivant : De la collection à l’édition d’occasion

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