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Cristiana Collu : « Je suis en quête de clarté et de présence mentale »

Le Journal des Arts

Le 28 février 2012 - 1223 mots

Cristiana Collu vient de prendre les rênes du Musée d’art moderne et contemporain de Trento e Rovereto en Italie.

Après quatorze années passées à la tête du Musée d’art de la Province de Nuoro (MAN), Cristiana Collu vient de prendre les rênes du Musée d’art moderne et contemporain de Trento e Rovereto (Mart). Elle succède à Gabriella Belli, partie diriger les musées de la ville de Venise.

Guglielmo Gigliotti : Vos études en histoire de l’art médiéval vous ont-elles aidée pour votre travail dans le domaine du contemporain ?
Cristiana Collu : Oui, elles m’ont aidée à porter un regard différent, voire plusieurs, sans préjugés et avec une grande liberté.

G. G. : Quels enseignements apportez-vous du MAN au Mart ?
C. C. : Comme tout un chacun, j’ai ma manière de faire les choses. J’apporte quatorze années d’expérience à la direction d’un musée que j’ai fondé, mes visions et mes sensibilités. Avec le MAN, on s’est trouvé, on s’est fait ensemble, mais je ne suis pas le MAN et je ne serai pas le Mart. Je n’aime pas me mettre en avant d’un musée, je préfère rester en retrait. Il ne doit pas y avoir identification, tout au plus la possibilité de laisser une empreinte.

G. G. : Quelle est la « méthode Collu » pour diriger un musée ?
C. C. : Je n’ai aucune recette. Mais j’adhère aux propos de David Thorp, directeur de la Fondation Henry Moore : « J’attends d’une institution artistique du XXIe siècle qu’elle soit flexible, sincère, démocratique, multiculturelle, contradictoire, audacieuse ».

G. G. : Vous avez été la plus jeune directrice de musée en Italie, et aujourd’hui, au Mart, vous êtes parmi les plus importantes : cela ne vous donne-t-il pas le vertige ?
C. C. : Je citerais Montaigne : « Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul ».

G. G. : Quel est le plus bel encouragement que vous ayez reçu ?
C. C. : Je l’ai trouvé en moi, et pardonnez-moi si j’ai une nouvelle fois recours à une citation : « Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force » (Saint-Paul).

G. G. : L’adjoint à la culture de la ville de Rome, Dino Gasperini vous a sollicitée pour vous proposer la direction du Musée d’art contemporain de Rome (Macro). Que s’est-il passé ?
C. C. : J’ai poliment décliné son offre. Rome, où j’ai d’ailleurs vécu de 1996 à 1997, est une ville magnifique et grande, trop grande. J’ai pensé à ma fille, Sofia, qui a 6 ans, et à la distance entre l’école et mon travail. Rovereto est d’une dimension humaine, une dimension du quotidien dont j’ai besoin.

G. G. : La direction du Mart vous suscite-elle plutôt de la joie ou de l’anxiété ?
C. C. : Je ne suis pas de ceux qui ont l’enthousiasme facile, je n’ai pas célébré ma nomination, mais je ne ressens aucune peur, tout au plus un fort sens des responsabilités. Disons que je m’efforce de trouver un équilibre, pour rester centrée en moi-même pour ainsi dire. Je suis en quête de clarté et de présence mentale.

G. G. : Votre candidature au Mart a été passée en revue par le président du conseil d’administration du musée Franco Bernabè, par Isabella Bossi Fedrigotti, la vice-présidente, et par Salvatore Settis, président du conseil scientifique : que vous ont-ils dit, et que leur avez-vous dit pour les convaincre ?
C. C. : Je m’attendais à un examen, mais cela ne fut pas le cas. La discussion a été fluide, sereine. Vous savez, je suis dans une période très heureuse de ma vie. C’est la partie la plus calme de mon être qui parlait. D’un point de vue philosophique, disons que j’étais « la chose en soi ».

G. G. : En quittant le MAN pour le Mart, vous passez de 45 000 à 300 000 visiteurs annuels, d’une collection de 600 œuvres d’art sarde, à celle de 15 000 œuvres d’art international. Comment ont évolué votre perspective et votre approche ?
C. C. : L’horizon a, sans conteste, changé. Mais, comme je le répète sans cesse, il n’y a pas de problèmes, juste des modes. L’élément quantitatif du public existe, mais pas en termes d’audience. Je ne vois pas des visiteurs, mais des personnes qui habitent un musée. Ce n’est jamais du public, mais des participants. Pour ce qui est des collections, je préfère les qualifier de patrimoine.

G. G. : Quelle est la première chose que vous avez faite en tant que directrice du Mart ?
C. C. : J’ai rencontré les personnes qui travaillent depuis des années au Mart, et en connaissent tous les rouages. L’expérience était merveilleuse, j’ai trouvé beaucoup de disponibilité et d’ouverture, d’ailleurs ils viennent d’une bonne école. Ils connaissent le musée mieux que moi, et avec eux je travaillerai bien.

G. G. : La structure opérationnelle restera identique ?
C. C. : Absolument, et je la soutiendrai. Je veux travailler avec des personnes heureuses. J’ai seulement questionné les graphistes parce que j’aimerai changer la ligne graphique, qui est l’identité du musée, et donc aussi sa substance.

G. G. : Que vous êtes-vous dit avec Gabriella Belli ?
C. C. : Elle m’a appelé après ma nomination. Elle s’en est félicitée et a été très sympathique. Que nous allons travailler ensemble est une certitude.

G. G. : Gabriella Belli a inventé et dirigé le Mart pendant vingt-deux ans, et forme une seule et même entité avec « son » musée. Elle n’est jamais vraiment partie du Mart, car elle siège toujours au conseil d’administration. Aura-t-elle une influence ?
C. C. : Non. Je lui demanderai certainement son opinion concernant des problèmes spécifiques, du moins pour avoir des informations complètes. Son point de vue me sera utile, et il est certain qu’elle voudra bien me le donner. Je suis également sûre qu’elle n’a pas la moindre intention d’être encombrante, et je ne vois rien d’envahissant dans son rôle au conseil. Le conseil d’administration de Nuoro m’a demandé de faire la même chose au MAN. Je dois bientôt décider si oui ou non, je vais siéger au conseil à Nuoro.

G. G. : Quelle sera votre programmation ?
C. C. : Je procéderai par thèmes. L’année 2012 a déjà été programmée par la direction précédente. Je proposerai au conseil d’administration et au comité scientifique un nouveau thème pour l’année 2013, et un autre pour 2014, qui approfondiront tous deux des points de vue multiples, et pas seulement par le biais d’expositions. Le Mart, comme le prouvent ses archives, est aussi un musée de recherches et d’études. Il faudra également penser au Palazzo delle Albere [satellite du Mart, dévolu aux collections fin 18e et 19e du musée, actuellement en rénovation] à Trento et à la Casa Depero [satellite du Mart, dévolu à l’art futuriste à Rovereto], à la rotation des œuvres des collections, elles aussi en rapport avec le thème de l’année, ou encore aux éventuelles coproductions avec d’autres musées.

G. G. : Plus précisément ?
C. C. : Je peux vous dire qu’il s’agira d’une orientation plus contemporaine.

G. G. : Comment dirige-t-on un musée en temps de crise ?
C. C. : Les musées sont toujours en crise. Le musée, c’est provoquer le débat. Le musée est toujours sur le fil, il n’affirme et ne conforte jamais. Il y a des choses qui n’entrent jamais en crise car elles le sont toujours par nature.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : Cristiana Collu : « Je suis en quête de clarté et de présence mentale »

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