Corinne Ricard

Lauréate du 11e Prix Montblanc du mécénat culturel

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 19 avril 2002 - 767 mots

Lauréate du 11e Prix Montblanc du mécénat culturel 2002 pour la France, Corinne Ricard remet tous les ans, au moment de la Fiac,
le Prix Ricard SA à un jeune artiste de moins de quarante ans qui vit et travaille dans notre pays. Elle commente l’actualité.

L’élection présidentielle est toujours un moment privilégié pour effectuer des promesses. L’une d’entre elles, cette année, concerne l’instauration de l’accès gratuit aux collections des musées publics. Qu’en pensez-vous ?
Je me méfie toujours des propositions des hommes politiques en campagne électorale. En ce qui concerne le fait de pouvoir entrer gratuitement dans les musées, je ne trouve pas que cela soit logique : au théâtre, on paye son billet, on achète ses livres... Il faut une contrepartie financière à la contemplation des œuvres. Néanmoins, les musées sont trop chers pour les familles, il pourrait exister un système d’abonnement, il faudrait que l’accès soit simplifié.

L’on parle également beaucoup d’une réforme, notamment fiscale, du mécénat. Pensez-vous que cela soit une nécessité ?
Jusqu’ici, chaque ministre de la Culture nous a promis une réforme facilitant le mécénat, en vain. On s’aperçoit que c’est de plus en plus difficile, que les contraintes administratives augmentent, que l’État est ominiprésent. Le mécénat privé est toujours plus compliqué à mettre en œuvre : résultat, les artistes français sont de plus en plus absents de la scène internationale. Aujourd’hui, nous sommes inquiets d’une proposition de Bernard Kouchner, ministre de la Santé, qui entend interdire aux marques d’alcool le mécénat culturel. Cela nous semble injustifié et, une fois de plus, pénalisant pour la France.

Certains opposent parfois mécénat d’action et mécénat de collection. Quelles sont vos préférences ?
Je pense que les deux formes de mécénat peuvent être complémentaires. Il n’y a pas à donner de préférence. Organiser des expositions, c’est formidable, mais ce qui fait le plus défaut aux artistes, c’est le moyen de produire. L’action privée pour la production doit être développée. Depuis notre engagement dans le mécénat, notre politique a comme axe principal l’aide aux artistes plutôt que la collection d’œuvres. La pièce qui est achetée pour le Prix Ricard est offerte au Centre Pompidou. Nous pourrions modifier ce processus en montant une collection de jeunes artistes, c’est effectivement un projet...

Le Prix Marcel-Duchamp vient d’être décerné. Il honore, comme le Prix Ricard SA, un artiste français. Quelle vision avez-vous aujourd’hui de la scène artistique hexagonale ?
Ces prix sont des initiatives intéressantes. Le mécénat privé est la clef du foisonnement, de la liberté. Plus il y aura de prix et plus les jeunes artistes disposeront de moyens pour créer. Comme le demandait Gauguin : “donnez-nous des murs !” Quant à la scène artistique hexagonale, les artistes sont de plus en plus actifs, ludiques, ouverts sur le monde ; ce sont des capteurs et nous les rendons au public. C’est un joli trait d’union.

Vous soutenez également le secteur “Perspectives” à la Fiac. Le monde des galeries a beaucoup évolué en France depuis une dizaine d’années. Quelle est votre perception du marché de l’art contemporain aujourd’hui à Paris ?
Le marché de l’art à Paris me semble extrêmement tonique. Les jeunes galeries ont une grande liberté, dans la façon d’exposer, rien n’est exclu par principe. J’aime cette attitude et cette ouverture permanente. Le côté critique n’existe plus. Aujourd’hui, on a envie de connaître et de dire ce qui est bien. Il y a de l’enthousiasme et de la légèreté. Cette formidable ouverture génère de multiples connivences entre les différentes disciplines artistiques. Tout le monde à envie de participer à l’aventure artistique.

Après le 11 septembre, de nombreux projets sont envisagés pour le site des deux tours jumelles du World Trade Center, reconstructions ou mémorial. Quel type de construction aurait votre préférence ?
Un mémorial encenserait l’acte de terrorisme. Reconstruire les tours manquerait de symbolique. Mais je trouve qu’il faudrait édifier deux tours, pourquoi pas en hologramme, symbole du progrès technique, à la mesure de l’homme de demain, une œuvre d’art à la fois réelle et virtuelle.

Une exposition vous a-t-elle particulièrement marquée dernièrement ?
“Les Surréalistes”, au Centre Georges-Pompidou, nous ont donné une leçon extraordinaire. J’ai une passion pour Magritte. Les Chirico sont sublimes, les Dalí, les Picasso... Chaque œuvre a été une claque. Je suis encore sous le choc de l’exposition. C’est du même ordre que la dernière exposition “Rothko” au Musée d’art moderne de la Ville de Paris.

- Corinne Ricard va consacrer les 15 000 euros du Prix Montblanc à un inventaire poétique de la jeune création française – “93 projets pour ne plus y penser”? – réalisé par l’Espace Paul-Ricard et le Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : Corinne Ricard

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