Claude Berri sous les projecteurs

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 4 novembre 2005 - 1026 mots

La dispersion de la belle collection de clichés du cinéaste et producteur crée l’événement de la saison à Paris. Millon et associés, Artcurial et Tajan complètent ce tir groupé dédié à la photographie.

Le collectionneur Claude Berri, l’un des seuls Français à avoir réuni un ensemble très important de photographies, mettra en vente plus de cent vingt tirages le 19 novembre à Paris sous le marteau de Christie’s, en marge du salon Paris Photo (lire p. 16). « S’il s’est gardé quelques souvenirs, Claude Berri cède les pièces majeures qui constituent l’essentiel de sa collection », indique l’expert Philippe Garner. Concentrée sur les œuvres de la première moitié du XXe siècle, la plupart abstraites, l’ensemble, constitué en une dizaine d’années, recense des pièces importantes qui ont suscité un grand intérêt lors de leur présentation chez Christie’s à New York. Il s’agit notamment de plusieurs rayographies de Man Ray des années 1920, d’un ensemble de clichés d’Edward Steichen retraçant les évolutions formelles et techniques de l’artiste et des images emblématiques surréalistes de la Poupée de Hans Bellmer. L’œuvre phare est une rayographie de Man Ray de 1925, dans un état de conservation excellent, estimée 200 000 à 300 000 euros. Elle fut offerte en 1940 au Museum of Modern Art (MoMa) de New York par le mécène James Thrall Soby, qui l’avait lui-même reçue des mains de l’artiste. Un tirage argentique colorié à l’aniline de 1935 de la célèbre Poupée désarticulée de Bellmer, estimé 100 000 à 150 000 euros, et un tirage des Trois Pommes (vers 1920) de
Steichen abordant une nouvelle approche de l’objet cadré serré, estimé 80 000 à 120 000 euros, font partie des temps forts de la vente. « Les estimations sont correctes et attractives, tout en tenant compte de la progression des prix pour la photographies du XXe siècle, comme l’ont encore témoigné les dernières ventes à New York », souligne l’expert, qui avoue avoir été « touché par un autoportrait de 1927 de Claude Cahun [estimé 25 000 euros] et emballé à 100 % par la série “Graffiti” de Brassaï [estimée autour de 3 000 euros l’épreuve] qui a révélé la photographie à Claude Berri et marqué les débuts de sa collection ».

Des découvertes et une vente militante
À côté de cet événement, la vente organisée à Drouot par la SVV Millon et associés réjouira les amateurs de la photographie du XIXe siècle. En effet, ils pourront miser sur quelques découvertes alléchantes, tel un fonds inédit d’une quarantaine de vues sur papier ciré de Louis Alphonse Davanne, tirées de son voyage en Italie en 1853, estimées 1 500 à 3 000 euros pièce. « À part trois tirages qui sont à la Bibliothèque nationale de France, tous les autres sont inconnus », souligne l’expert Christophe Gœury. Ce dernier a aussi déniché plusieurs albums de voyages intéressants, comme l’Atlas anthropologique des peuples du Ferghanah (dont un exemplaire se trouve au Musée de l’homme à Paris) par le photographe hongrois Charles Eugène Ujfalvy de Mezö-Kövesd, fruit d’une expédition scientifique française en Russie, en Sibérie et dans le Turkestan en 1879, estimé 2 500 euros. La partie XXe siècle du catalogue ne manquera pas non plus de piquant, puisqu’elle rassemble exclusivement des photos collectées par l’ADIDAEPP (Association de défense des intérêts des donateurs et ayants droit de l’ex-Patrimoine photographique) afin de récolter des fonds pour la poursuite de son action en justice contre l’État ; car, selon un porte-parole de l’association, celui-ci « ne respecte pas ses engagements de conservation, de mise en valeur et de diffusion des fonds qui lui ont été donnés depuis 1983 ». Une cinquantaine de photographes vivants ou représentés par leurs ayants droit ont donné pour cette cause un ou deux clichés. On trouvera notamment : L’Homme de la nuit (1939), célèbre image de René-Jacques, estimée 600 euros ; un portrait de Louis de Funès (1966) par Roger Corbeau, dédicacé, estimé 150 euros ; un tirage postérieur signé des Animaux supérieurs (1954) de Doisneau, estimé 3 000 euros ; une rare Solarisation (1970) de Marcel Bovis, estimée 1 500 euros ; Moi, le cheval, un tirage postérieur signé de Sabine Weiss appartenant à la série de 1954 sur des enfants en Espagne, estimé 1 000 euros ; Le Carnaval de Bâle (1977) par Martine Franck, estimé 1 000 euros ; ou l’une des fameuses images du procès de Nuremberg en 1946, prise par le Russe Evgueni Khaldei (don de Mark Grosset, ancien directeur de l’agence Rapho), estimée 800 euros.

Estimations soutenues
Chez Artcurial, le 21 novembre, il sera question d’une centaine d’autochromes (premières photographies en couleurs mises au point par les frères Lumière en 1904), vendues entre 500 et 5 000 euros pièce et dont le lot vedette est une plaque autochrome montrant Claude Monet devant sa maison à Giverny (vers 1920) attribuée à Étienne Clémentel et estimée 5 000 euros. Dans la vente du lendemain vouée aux maîtres du XXe siècle, toujours chez Artcurial, Brassaï sera à l’honneur avec un illustre cliché paru dans le livre Paris de nuit (1932) et intitulé La Môme Bijou. Ce tirage argentique, annoncé d’époque, est proposé sur une estimation très (trop) soutenue de 40 000 euros.
Enfin, la vente programmée à Drouot par la maison Tajan le 28 novembre conclura la saison sur un ensemble de plus de trois cent cinquante tirages argentiques de 1924-1925, estimé 6 000 euros, sur le mythique parcours de la Croisière noire organisée par Citroën.
La vente comporte aussi deux nus à l’hôtel Negresco pris en 1975 et 1985 par Helmut Newton, estimés 5 000 euros pièce.

COLLECTION CLAUDE BERRI - Expert : Philippe Garner - Nombre de lots : 123 - Estimation totale : 2,5 à 3,5 millions d’euros PHOTOGRAPHIES 23 novembre (Millon) - Expert : Christophe Gœury - Nombre de lots : 125 - Estimation totale : 150 000 euros TRÉSORS DE « L’ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL », PHOTOGRAPHIE - Expert : Grégory Leroy - Nombre de lots : 100 autochromes et 200 photos - Estimations totales : 100 000 et 550 000 euros PHOTOGRAPHIES 28 NOVEMBRE (TAJAN) - Expert : Serge Kakou - Nombre de lots : 80 - Estimation totale : 100 000 euros

- COLLECTION CLAUDE BERRI, vente le 19 novembre, Christie’s, 9, avenue Matignon, 75008 Paris, tél. 01 40 76 85 85 ; exposition : du 16 au 19 novembre, www.christies.com - PHOTOGRAPHIES, vente le 23 novembre, Drouot-Richelieu, SVV Millon & associés, tél. 01 42 54 16 83 ; exposition : les 22 et 23 novembre, www.millon-associes.com - TRÉSORS DE « L’ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL » (comprenant 100 autochromes), vente le 21 novembre, PHOTOGRAPHIE, vente le 22 novembre, Artcurial, hôtel Dassault, 7, rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris, tél. 01 42 99 20 20 ; exposition : du 18 au 21 novembre, www.artcurial.com - PHOTOGRAPHIES, vente le 28 novembre, Drouot, SVV Tajan, tél. 01 53 30 30 30 ; exposition : les 27 et 28 novembre, www.tajan.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°224 du 4 novembre 2005, avec le titre suivant : Claude Berri sous les projecteurs

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