Claude Berri, s’amuser, encore...

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 25 mars 2008 - 605 mots

L'art n’a pas poussé le maître des lieux hors de chez lui. Ni musée, ni show room, l’appartement parisien de Claude Berri préfère la lumière à la couleur et apprivoise les œuvres sans effet de hiérarchie ni sacralisation.

Sa passion pour les artistes, partout, tout le temps
Les œuvres sont partout, sans jamais forcer la voix : sur les murs, au-dessus d’une porte, dans la montée d’escalier, sur un guéridon signé Jean Prouvé ou au coin d’une étagère. Ici la trace d’un emplacement en attente d’une nouvelle humeur d’accrochage, là une série de dessins érotiques de Patti Smith posés au sol, ou un grand dessin de Tatiana Trouvé tout juste revenu d’une exposition à Nice et simplement adossé à une table en bois clair. Celui qui confesse s’être déjà levé la nuit pour s’improviser de solitaires expositions de Dubuffet s’est fait un nid à l’image de la relation qu’il entretient avec les œuvres : mobile, sensible, directe et insatiable.
Il y a les récentes ardeurs – lumineuse et profonde toile noire de Thierry de Cordier, dessins de Tacita Dean, Rex le cochon tatoué de Wim Delvoye, et une suspension précaire toute d’allumettes assemblées par l’Indienne Hema Upadhyay. Et il y a les essentiels – Berri se réveille avec ses quatre Morandi, travaille avec une série de dessins sous mescaline de Michaux à portée d’œil et vit avec un incomparable ensemble de toiles de Ryman.
« C’est sans aucun doute le travail qui décrit le mieux ce qui le bouleverse, et la manière sensible dont il regarde l’art, raconte Aurélia Chabrillat, sa plus proche collaboratrice aux commandes du nouvel Espace Claude Berri. Rencontrer une œuvre peut d’ailleurs le mettre dans un véritable état d’excitation, sourit-elle. Son œil est sûr, immédiat et, quand il est séduit par le travail d’un artiste, il n’est pas rare qu’il lui faille presque compulsivement se mettre en quête d’un ensemble. »

Dans les années 1980, l’art prend le pas sur le cinéma
Minimales, charnelles et chargées de lumière, les toiles blanches de Ryman sont à l’image de sa collection. Elles font irruption dans la vie de Claude Berri à la fin des années 1980, alors que l’art gagne manifestement du terrain sur le cinéma. Brièvement apprenti fourreur dans les pas de son père, Berri a déjà fait le figurant, l’acteur, le scénariste, le cinéaste et s’est taillé un costume de plus gros producteur du cinéma français. Il est celui que l’on remercie. « J’en ai agacé plus d’un avec mon goût du public et du succès », s’amuse-t-il dans son Autoportrait publié en 2005. Mais il vend un bout de cette vie-là. Assez en tout cas pour se laisser guider par l’art, ouvrir un espace d’exposition rue de Lille et bâtir une collection majeure. « On ne m’a pas appris à me retenir », confesse-t-il.
Guidé par son œil et quelques rencontres décisives – le marchand Leo Castelli, Marc Blondeau ou plus récemment le galeriste Georges-Philippe Vallois –, Claude Berri se risque avec appétit à l’art actuel. Sans fibre jeuniste, affichant sa méfiance à l’égard de la froideur théorique, l’élan s’est amorcé avec McCarthy et le mène aujourd’hui à la scène indienne aussi bien qu’à la production d’œuvres de Loris Gréaud ou de Gilles Barbier avec qui il inaugure son nouveau lieu. « J’ai l’impression que ma vie commence, écrit-il. Je me suis bien amusé, je m’amuse encore, je voudrais bien encore m’amuser. »

Biographie

1934
Naissance à Paris.

1970
Achat de sa première gouache de Magritte.

Années 1980
Commence une activité soutenue de collectionneur.

1991
Ouverture de Renn Espace à Paris.

2003
Président de la Cinémathèque.

2008
Ouverture de l’Espace Claude Berri à Paris.

- À voir : « Gilles Barbier, le cockpit, le vaisseau, ce qu’on voit depuis le hublot », Espace Claude Berri, 4, passage Sainte-Avoye Paris IIIe, jusqu’au 10 mai 2008. Entrée libre.

- À lire : C. Berri, Autoportrait, Léo Scheer, 250 p., 17 euros, 2005.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°601 du 1 avril 2008, avec le titre suivant : Claude Berri, s’amuser, encore...

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