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Christian Langlois-Meurinne : « Réaffirmer que l’art n’est pas une activité pour fortunés »

Président de la Société des amis du MAMVP

Le Journal des Arts

Le 29 septembre 2015 - 1077 mots

L'homme d'affaires et collectionneur Christian Langlois-Meurinne préside la Société des amis du Musée d’art moderne de la Ville de Paris depuis 2012.

Christian Langlois-Meurinne est dirigeant-actionnaire de la société d’investissement IDI. Collectionneur et passionné d’art, l’homme d’affaires a été élu à la présidence de la Société des amis du Musée d’art moderne de la Ville de Paris (MAMAVP) en 2012, avec pour mission de soutenir le musée dans sa politique d’acquisition.

Pourquoi vous être engagé dans la Société des amis du Musée ?
Y a-t-il eu un déclic ?

Le déclic a été la personnalité du directeur du musée, Fabrice Hergott, la qualité de sa programmation et de ses équipes. Surtout le besoin d’essayer de l’aider à accomplir les ambitions qu’il a pour ce musée. Le MAMVP appartient à la Ville de Paris, on sait tous qu’il y a un contexte budgétaire difficile pour les municipalités à l’heure actuelle. Il faut donc que les sociétés des amis aident les structures muséales à développer leurs collections. J’ai trouvé que cela valait la peine d’aider le MAMVP, un musée à l’architecture magifique, aux collections intéressantes, un passé très fort, un rayonnement important. Cela peut être un phare pour Paris. Je crois à cette ville, j’aime cette ville. Je suis contre le dénigrement systématique en matière culturelle, Paris est un pôle important, source d’inspiration pour l’avenir et les artistes.

400 000 euros annuels de budget d’acquisitions consentis par la Ville pour le MAMVP, c’est peu. Que faites-vous en plus ?
Nous sponsorisons quelques expositions, mais nous préférons nous concentrer sur les acquisitions, dans une perspective plus durable. La société des amis essaye de tripler le budget d’acquisition : le but est que les amis apportent deux euros quand la ville en apporte un dans le budget. Cela ferait 400 000 euros de la Ville, plus 800 000 euros collectés par les amis, amenant un budget d’acquisition d’environ 1,2 million d’euros. C’est encore notoirement insuffisant. Au prix du marché de l’art, le musée ne peut pas ambitionner d’acheter les pièces les plus chères. On peut espérer séduire des collectionneurs et les convaincre d’offrir des pièces onéreuses, cela arrive de temps en temps, fort heureusement. Ce constat nous oblige à acheter « pointu », des œuvres significatives mais pas les artistes les plus côtés au monde. Le pari est de découvrir les artistes en amont, acquérir les futures œuvres majeures de notre époque pour les présenter à l’avenir.

C’est dans ce but que vous avez créé des comités d’acquisitions spécialisés ?
Oui, trois comités : création contemporaine, photographie et international. Pour les diriger, nous avons fait appel à des férus d’art et pour la création contemporaine, deux tiers des membres ont moins de quarante ans. Ce sont des gens qui viennent par passion, pas par mondanité, dont l’intérêt est d’améliorer le musée.

Comment se déroule le processus d’acquisition ?
Il y a une double série de propositions. Les membres de nos comités suggèrent les conservateurs aussi et il y a un premier tri d’œuvres agréées par le musée. Ensuite, les membres des comités votent sur ses choix. Nos membres ont une vraie force de proposition, ils apportent un œil différent, parfois venu de l’étranger. Il y a une interaction fertile entre amateurs passionnés et professionnels scientifiques, qui échangent et dialoguent entre eux. Le dialogue est essentiel entre mécènes et musée. Les mécènes ont un regard enthousiaste,    personnel, affectif sur l’art, et se nourrissent du travail des professionnels des musées, qui de leur côté, peuvent s’ouvrir à la spontanéité des propositions.

Les sociétés des amis sont-elles l’apanage de gens fortunés ?
Non, pas du tout. Nous avons 600 membres, avec un don moyen de 200 euros environ. Ils ont un accès privilégié au musée, des visites d’expositions, des ateliers d’artistes. On propose un nombre très important de manifestations. Ce sont des gens intéressés par la vie quotidienne du musée, par ses actions culturelles. Pour le mécénat, c’est différent : nous avons un ticket d’entrée au minimum à 5 000 euros par an, déductible des impôts pour les résidents français à hauteur de 66 %. Nous avons à ce jour 80 mécènes.

À l’instar du projet du Louvre d’acquérir en commun avec le Rijksmuseum deux tableaux de Rembrandt, pensez-vous que ce type d’acquisition est appelé à se renouveler ?
Sur le papier, je trouve cela très bien. Après, cela pose des questions d’ordre technique sur les assurances, les transports, les prêts entre musées qui sont au-delà de mes compétences ! Nous étions assez partisans, à la Société des amis, de réfléchir à la possibilité d’acheter des œuvres avec d’autres institutions – pour des œuvres comme celles de Tacita Dean par exemple, qui ne sont pas présentées en permanence et qui sont assez chères. Mais je sais que cela pose d’énormes questions administratives et financières. C’est plus simple à dire qu’à faire !

Vous nourrissez-vous de l’exemple de la philanthropie à l’américaine ?

Pas suffisamment. Ils sont très en avance sur nous, dans leur manière d’englober tout le monde dans la vie des musées, riches et moins riches. Mais nous avons créé des liens outre-Atlantique. Pour les Américains qui viennent visiter le musée, le MAMVP est très beau, les collections riches, mais l’écrin nécessite des améliorations pour prétendre entrer dans les standards des grands musées internationaux. Par exemple, nous allons offrir, avec le comité international, l’éclairage nocturne des façades du musée. L’édifice va être visible concrètement dans la nuit, d’ici fin 2016. Cela va stimuler l’entretien du musée et, littéralement, son rayonnement pour inciter tout un chacun à le garder le plus beau possible.

La fiscalité en France est-elle favorable au mécénat ?
Pour les personnes physiques, oui. La défiscalisation des dons est très utile : nos reçus fiscaux s’appliquent dans toute la Communauté européenne. Le mécénat augmente : nous avons créé un comité suisse et un comité américain qui permettent de bénéficier de déductions dans leurs pays d’origine. Mais je m’attriste du fait que les musées municipaux, sous prétexte qu’ils ne sont pas nationaux, ne puissent pas recevoir de dations. Lorsque le Centre Pompidou reçoit des œuvres considérables par ce biais, nous ne pouvons pas nous enrichir de cette manière, c’est regrettable. C’est une cause que je m’apprête à défendre auprès des pouvoirs publics.

Que pensez-vous des souscriptions publiques ?
Le MAMVP n’en a pas encore fait. On réfléchit à leur existence dans la création contemporaine, moins médiatique pour un large public. Exposer des œuvres, faire voter le public, faire participer tous les visiteurs à l’acquisition. Ce n’est encore qu’au stade de la réflexion, mais toutes les actions qui peuvent attirer l’attention et la générosité du public sont bonnes à prendre. Réaffirmer que l’art n’est pas une activité pour gens fortunés : les ruisseaux font les grandes rivières !

Légende photo

Christian Langlois-Meurinne. © Idi.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°442 du 2 octobre 2015, avec le titre suivant : Christian Langlois-Meurinne : « Réaffirmer que l’art n’est pas une activité pour fortunés »

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