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Christian Biecher et le french look

L'ŒIL

Le 1 février 2001 - 562 mots

Après avoir choisi les couleurs pimpantes et juteuses du Petit Café du Passage de Retz, Christian Biecher vient d’être nommé cette année lauréat de la Carte Blanche du Via 2000 avec sa collection Intérieursupermoderne. Il s’adonne aujourd’hui aux couleurs douces, confort avant tout, dans les deux restaurants les plus dans le vent de ce début d’année. Plutôt pastel dans le restaurant Korova, rue Marbeuf, où le rose thé des plateaux des tables en corian (le matériau le plus chic et tactilement sensuel du moment) joue avec le gris perle, le vert mousse, le crème des fauteuils (Poltrona Frau) et les lampes en verre de Murano pour un éclairage subtil. Plutôt aquatique, bleu et sable, dans le restaurant de la boutique de mode Joseph, rue Saint-Honoré. Les restaurants branchés design deviennent un best très trendy de ce nouveau phénomène appelé french look mais qui ne correspond pas vraiment à grand chose. Les restaurants veulent en tout cas être branchés et les magasins de mode branchés veulent avoir un restaurant, comme Colette ou Armani... La tendance est à la pluridisciplinarité des sens. Biecher a gardé son faible pour les formes rondes (flaque lumineuse au plafond du Korova, coins arrondis, colonnes, aquarium en forme de gyrophare, le tout baignant dans un halo bleu). Ses points forts, que l’on retrouve chez Joseph, sont la luminosité, la souplesse de l’espace et la translucidité. On se croirait immergé au fond de la mer, impression donnée par le jardin intérieur installé en sous-sol comme une bulle et par les tons lumineux bleus. L’éclairage est partout primordial. Impossible de ne pas comprendre que ce qui intéresse Biecher, c’est la globalité de l’environnement. Et de citer comme par hasard Alvar Aalto et Gio Ponti (nous rajoutons Royère pour le ludisme sous-jacent). Biecher est un vrai architecte. Etudes avec l’architecte Ciriani à Paris-Belleville, puis sept années en stage chez Tschumi pour lequel il va même travailler un an à New York. Un apprentissage pour le moins conséquent, dont il a gardé la rigueur et dont il s’est échappé par une esthétique assez décontractée, quand il ne répond pas à des commandes chic. Ainsi, dans l’exposition-salon créée chez Néotu, les meubles sont beaucoup plus rigolos, avec petits fauteuils bicolores en mousse, le cœur sur la tranche : « Avec un côté pointu et un côté arrondi. Trop pointu
c’est agressif, trop arrondi c’est ennuyeux ». Un peu des deux et on obtient un cœur. Les rangements sont translucides et acides avec des battants qui ferment grâce à des aimants comme les boutons-pression des mythiques caracos d’Agnès B. Tout semble un peu sur pilotis. « J’aime les choses qui flottent », dit-il. On sent aussi qu’il aime décliner la gamme des containers. Ses projets sont alléchants. Une maison individuelle sur l’île Saint-Germain « habillée » d’un patchwork de trois variétés de bois différents, une chaîne de cafés au Japon, un nouveau concept de grand magasin
à Tokyo et, toujours dans la même ville, un petit immeuble commercial dans le quartier d’Ahoyama, des poignées de porte et des tringles à rideaux pour un fabricant allemand... On a beaucoup glosé
au dernier Salon du Meuble de janvier à Paris sur le thème de l’interdisciplinarité. Christophe Pillet a même émis l’idée qu’aujourd’hui les architectes étaient des designers et les designers des architectes... Biecher, dans ce cas, en serait la démonstration vivante.

PARIS, galerie Néotu, jusqu’au 10 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°523 du 1 février 2001, avec le titre suivant : Christian Biecher et le french look

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