Parti pris

Changer les conditions de l’art en France

Le Journal des Arts

Le 14 septembre 2001 - 895 mots

Pourquoi, après trois ans d’interruption, décider en mars dernier de renouer dès cet automne avec l’idée de réunir en congrès interprofessionnel l’ensemble des acteurs de l’art contemporain ?

L’urgence, d’abord, à ce qu’à l’approche des élections législatives et présidentielles, ils se mobilisent et se dotent, à l’échelle de la France et de l’Europe, d’une meilleure visibilité politique, économique, sociale et culturelle. Qu’au-delà des singularités, des divergences ou même des clivages, ils tentent de formuler une parole commune en vue de constituer un interlocuteur de poids et d’interpeller le politique sur la situation préoccupante des arts plastiques en France. En témoigne l’actualité la plus récente : le constat déconcertant de leur presque disparition des débats politiques aux dernières élections municipales ; l’absence de consultation des artistes et des professionnels lorsque sont discutés à l’Assemblée nationale des projets de lois aussi essentiels (EPCC) que problématiques (projet de loi sur les musées) ; la nécessité d’une condamnation, ferme et d’une seule voix, des cas de censure avérés qui fleurissent ici et là, et dont une presse généraliste – avide de polémiques – préfère se faire l’écho plutôt que d’informer sur la création vivante ; enfin, la situation critique du marché de l’art doublée de celle – inquiétante – du peu de visibilité de l’art français à l’étranger.

À cette urgence d’une mobilisation répond de façon non moins primordiale la nécessité d’ouvrir le débat au sein même du milieu de l’art. En offrant une plate-forme d’échange à l’ensemble des acteurs de l’art contemporain, l’objectif de ce 3e Cipac est d’interroger la structure et le fonctionnement interne d’un secteur d’activité : tenter d’en clarifier les statuts et les enjeux au regard de l’évolution générale de l’économie de notre société. Alors que le paysage de l’art contemporain apparaît en pleine mutation, ce congrès choisit délibérément de recentrer la réflexion et le débat autour des approches, des pratiques et des réalisations des artistes vivants eux-mêmes. Intitulé “L’art, des artistes et des professions – Changer les conditions de l’art en France”, il souhaite explorer les différents liens entretenus par les artistes avec les professionnels, ainsi que la manière dont leur travail et leurs initiatives influencent et transforment, voire redéfinissent, la nature même et l’exercice de chacun des métiers spécifiques à la sphère de l’art contemporain. Initié en toute indépendance, il entend être le congrès de tous ses acteurs eux-mêmes : qu’ils soient artistes, élus, enseignants, galeristes, directeurs de centres d’art, de musées, de Frac ou d’écoles d’art, responsables de bibliothèques ou d’artothèques, éditeurs ou critiques d’art, médiateurs ou responsables associatifs, commissaires-priseurs, collectionneurs, régisseurs, restaurateurs d’œuvres ou encore représentants de l’État et des collectivités territoriales ; qu’ils appartiennent ou non à une organisation professionnelle membre du Cipac ou qu’ils viennent d’autres champs artistiques proches comme le spectacle vivant, l’architecture ou l’audiovisuel.

C’est en effet de la rencontre et des échanges engagés avec les syndicats de plasticiens, de nombreux collectifs et associations d’artistes ainsi qu’avec l’ensemble des organisations professionnelles du milieu de l’art qu’ont été dégagées les priorités sur lesquelles se concentreront la réflexion et le débat. Elles ont ensuite été développées en amont au sein de près de quinze ateliers préparatoires qui se prolongeront jusqu’en octobre, rassemblant plus d’une centaine de participants. De cette méthodologie, attachée à la mise en chantier d’un travail de fond exigeant, découle le choix d’articuler ce congrès autour de séances plénières communes à tous les congressistes. Elles tenteront de nourrir la réflexion sur ces questions élaborées au cours de ce processus et d’en clarifier les enjeux :

- S’interroger sur le statut général d’une activité en tant que profession et reconsidérer la place de l’artiste au sein même de ce secteur d’activité ;
- Inscrire le milieu de l’art dans un contexte qui dépasse la seule sphère culturelle en élargissant le cercle de ses partenaires à des organismes tel l’Unesco ou plus encore à des tutelles comme le ministère de l’Emploi et de la Solidarité dont dépend étroitement l’économie sociale de l’art aujourd’hui ;
- Évaluer, au regard de l’évolution des pratiques, les besoins des artistes en termes de moyens de production et repositionner l’artiste en tant qu’acteur économique en considérant les conditions d’application du droit d’auteur à l’heure des nouvelles technologies et des nouvelles conceptions de l’œuvre ;
- Dresser une cartographie des nouveaux équilibres qui se profilent entre l’institution, le marché et l’apparition de réseaux alternatifs ;
- Mesurer la participation du secteur privé à l’économie artistique afin d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de penser une politique fiscale adaptée et incitative en matière d’art contemporain ;
- Réaffirmer, au moment de la mise en œuvre d’une réforme par le ministère de l’Éducation nationale, toute l’importance d’une politique en faveur de l’éducation artistique ;
- Questionner enfin, dans un contexte de déconcentration culturelle, la responsabilité politique de l’artiste, la responsabilité artistique de l’élu et la responsabilité de citoyen de chacun, et interpeller directement tous les partis politiques, invités à définir la place qu’ils accordent à l’art et à la culture dans leurs programmes électoraux.

Telle est l’ampleur de la tâche et ni ces ateliers préparatoires, ni ces deux seules journées n’y suffiront ! C’est pourquoi, conscient qu’il faut inscrire dans la durée les dynamiques de rencontre, d’échange, d’enrichissement mutuel, de recherche et de travail engagées au cours de ces quelques mois, le Cipac entend devenir dans un proche avenir un observatoire interprofessionnel de l’art contemporain.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : Changer les conditions de l’art en France

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