Rétrospective

C’est arrivé cet été

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 30 août 2016 - 2080 mots

Dans un été marqué par les attentats, la tentative de putsch militaire en Turquie et tout récemment le séisme en Italie, le monde de l’art n’a pas fait de pause.

Les Picasso disparus : un marchand d’art mis en examen
6 juillet - PARIS Olivier Thomas, le marchand d’art mis en cause dans le scandale des dizaines d’œuvres qui auraient disparu d’un box loué chez Art Transit à Gennevilliers par la fille de Jacqueline Picasso, a été mis en examen pour abus de confiance, escroquerie et recel. Il a été laissé en liberté. Cette inculpation fait suite à celle déjà prononcée pour recel par la juge parisienne Isabelle Rich-Flament, en septembre 2015, à l’encontre de son ami genevois Yves Bouvier, qui a vendu la plupart de ces œuvres au collectionneur monégasque Dmitri Rybolovlev. Olivier Thomas a redit son innocence devant la juge. Yves Bouvier lui aussi proteste de son innocence, ce qui n’avait pas empêché la juge de lui imposer une caution d’un montant inhabituel dans une affaire instruite pour vol et recel, 27 millions d’euros.

La loi « Création et patrimoine » promulguée
7 juillet - PARIS Le président de la République a promulgué la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine quelques jours seulement après la réunion de la commission mixte paritaire qui a réglé très vite les derniers désaccords entre les deux chambres, ouvrant la voie à une large adoption. Critiqué par certains pour son « manque de souffle », le texte, largement amendé par les parlementaires, souvent avec l’accord du gouvernement, est très technique. Le Journal des Arts a publié sur son site Internet une série d’articles mettant en évidence ce qui va changer pour les auteurs, les archéologues, les architectes, les élus…

Orlan déboutée de ses demandes formées contre Lady Gaga

7 juillet - PARIS Le TGI de Paris a considéré que le clip musical du single « Born This Way » (2011) de Lady Gaga ne comprenait pas de contrefaçons d’œuvres d’Orlan (notamment Bumpload (1989) et Woman with Head (1996). La plasticienne est même condamnée à verser 20 000 euros à la chanteuse et sa maison de disques au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal de grande instance a en effet estimé qu’une installation artistique, assimilée ici à de l’art conceptuel, était irréductible à ses seuls éléments physiques et que la demanderesse ne pouvait pas faire abstraction du message porté, « essentiel à la compréhension de l’œuvre ». En juin 2013, Orlan avait assigné la chanteuse américaine en contrefaçon, parasitisme et atteinte au droit à l’image, avec une demande en réparation de 23 millions d’euros. Elle a fait appel du jugement du TGI.

Londres envisage le retour des frises du Parthénon
11 juillet - ROYAUME-UNI Deux cents ans jour pour jour après l’acquisition des marbres d’Elgin actée dans une loi votée par le Parlement britannique afin de les confier au British Museum, le député Mark Williams (Libéraux-Démocrates gallois) a déposé une proposition de loi au Parlement britannique. Celle-ci vise à « prendre des mesures pour le transfert de propriété et le retour à la Grèce des frises du Parthénon ou marbres d’Elgin acquises par le Royaume-Uni en 1816, et pour amender en conséquence le British Museum Act 1963 ». La seconde lecture du texte aura lieu à la chambre basse du Parlement (House of Commons), le 20 janvier 2017.

Le putsch perturbe le Comité du patrimoine mondial
17 juillet - ISTANBUL Initialement prévue du 10 au 20 juillet à Istanbul, la 40e session du Comité du patrimoine mondial s’est achevée prématurément, le 17 juillet, pour se conformer aux protocoles de sécurité des Nations unies. Après avoir été interrompus le 16 juillet en raison de la tentative de putsch lors de la nuit du 15 au 16 juillet, les travaux du Comité ont repris le 17 juillet pour la journée. Dans ce climat agité, 21 nouveaux sites ont été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, portant à 1 052 le nombre de sites labellisés. Parmi les 12 sites culturels, l’inscription de « L’œuvre architecturale de Le Corbusier (voir illustration ci-contre). Une contribution exceptionnelle au Mouvement moderne », une candidature portée par la France mais réunissant l’Allemagne, l’Argentine, la Belgique, l’Inde, le Japon et la Suisse, a été particulièrement applaudie. S’ajoutent également 6 sites culturels (la candidature de la France pour la chaîne des Puys d’Auvergne n’a pas été retenue) et trois sites mixtes. Huit sites ont par ailleurs été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril.

Collection Gurlitt : 91 soupçons de spoliation
18 juillet - BERLIN Le groupe d’experts internationaux chargé par le gouvernement fédéral allemand d’enquêter sur la provenance des œuvres de la collection Gurlitt a remis un rapport intermédiaire. Parmi les 502 œuvres analysées (sur les 1 500 œuvres de la collection), les experts font état de « soupçons accrus de spoliation » sur 91 œuvres. Près de 2 400 archives ont également été mises en ligne. Par ailleurs, la cour d’appel devrait décider de débouter ou non en septembre la cousine de Cornelius Gurlitt, laquelle conteste le testament qui avait désigné le Musée des beaux-arts de Berne, en Suisse, légataire de l’ensemble de ses biens.

Le trafic des biens culturels par Daech serait limité
20 juillet - PARIS Selon le rapport d’une mission parlementaire remis cet été au président de l’Assemblée nationale, les revenus tirés par Daech (acronyme arabe de l’organisation État islamique) du trafic des biens culturels seraient secondaires. Les députés soulignent en effet la faible valeur individuelle des objets pillés (pièces de monnaies, céramiques courantes…), tandis que les œuvres plus importantes sont invendables sur le marché légal compte tenu de la notoriété de ces pièces et de la sensibilisation des marchands et musées sur les provenances. Le rapport blanchit également les ports francs d’un éventuel commerce illégal d’objets assyriens et mésopotamiens. Pour autant, les députés estiment qu’il ne faut pas baisser la garde et que des malfaiteurs peuvent stocker des œuvres volées pendant de longues années dans l’espoir de les revendre un jour.

Fleur Pellerin part dans le privé

25 juillet - PARIS L’ancienne ministre de la Culture a monté sa propre entreprise, « Korelya »,  qui accompagnera les investissements coréens en France dans les nouvelles technologies. Si de nombreux fonctionnaires se mettent en disponibilité afin de revenir dans le public dans le cas où l’aventure dans le privé tourne mal, l’énarque a quitté la Cour des comptes et la fonction publique. « J’aime à penser que je ne fais pas supporter à la collectivité le prix de ma tranquillité dans une aventure entrepreneuriale qui est avant tout un choix et un défi personnels », explique-t-elle dans sa lettre de démission adressée au président François Hollande.

La corrida exclue du patrimoine immatériel français
28 juillet - PARIS Le Conseil d’État a rejeté le pourvoi de deux organisations pro-corrida, qui contestaient la décision, prise en 2015, de la cour administrative de Paris de radier cette pratique de l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France. La corrida figurait sur cet inventaire (distinct de celui de l’Unesco) depuis 2011. La liste actuelle comprend environ 300 types de savoir-faire (dentelle d’Alençon), pratiques rituelles (procession de la Saint-Michel à La Ciotat) ou festives (divers carnavals). La corrida est ainsi définitivement radiée de cet inventaire.

Fréquentations variables dans les expositions
Juillet - PARIS Déjà pénalisées par une baisse de la fréquentation touristique à Paris – de plus de 6 % selon les derniers chiffres du Comité régional du tourisme –, les grandes expositions parisiennes qui se terminaient en juillet ont enregistré des résultats variables selon l’attractivité des affiches. Le Grand Palais annonce ainsi des scores médiocres (« Seydou Keïta » a attiré trois fois moins de monde qu’« Helmut Newton » en 2012), voire très mauvais pour « Carambolages » et « Amadeo de Souza-Cardoso ». La RMN peut néanmoins se consoler avec « Les chefs-d’œuvre de Budapest » au Musée du Luxembourg, qui a accueilli autant de visiteurs que « Les Tudor » l’an dernier. Le Musée d’Orsay a eu plus de succès avec « Le Douanier Rousseau » qui enregistre une fréquentation comparable à « Pierre Bonnard » en 2015. Il est vrai que le Douanier « parle » davantage au grand public. (Voir tableau ci-dessous)

Pas de jeu Pokémon Go dans les lieux de commémoration
5 août - MONDE
À la suite de l’engouement suscité par le jeu Pokémon Go, des dizaines de sites de commémoration à travers le monde ont interdit leur accès aux joueurs. Le Musée Auschwitz-Birkenau, en Pologne, a été l’un des premiers à demander à Niantic (ancienne start-up de Google qui développe l’application) la suppression de la géolocalisation de l’ancien camp sur la carte du jeu : « Nous jugeons ce genre de pratique déplacée. C’est ici que des milliers de gens ont souffert […] Nous voulons sensibiliser d’une manière générale tous les producteurs de jeux au respect de la mémoire des victimes », avait déclaré un porte-parole du musée. Le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe à Berlin, le Mémorial de la Paix de Hiroshima ou Dôme de Genbaku, le Mémorial du 11-Septembre à New York, le Musée du Mémorial de l’Holocauste à Washington ou encore le Musée du génocide khmer ou prison Tuol Sleng au Cambodge lui ont emboîté le pas. Le 5 août, c’était au tour de l’Ossuaire de Douaumont (Meuse), monument érigé à la mémoire des soldats de la bataille de Verdun de 1916, de requérir la suppression du « Pokéstop » présent virtuellement sur le lieu.

Bill Pallot toujours en prison
Août - OSNY
Bill Pallot, l’expert en mobilier de la galerie Didier Aaron, a passé l’été à la prison d’Osny-Val-d’Oise. La juge instruisant le trafic de sièges imités du mobilier royal ayant été mutée, il lui faut attendre octobre avant de pouvoir être à nouveau auditionné. En juin, il avait avoué avoir produit cinq lots de siège ou de paires, « par jeu ». Depuis, son ami l’expert Guillaume Dillée ainsi qu’Hervé Aaron sont venus en France livrer leur version aux enquêteurs. Ayant déjà conduit à la mise en examen de l’antiquaire Laurent Kraemer, l’enquête s’est élargie à plusieurs autres professionnels, annonçant un scandale jamais vu sur le marché du mobilier.

Disparitions
L’ornithologue suisse Luc Hoffmann (1923-2016), cofondateur du Fonds mondial pour la nature (WWF), est décédé le 21 juillet à l’âge de 93 ans en Camargue, où il était installé depuis plus de soixante ans. Héritier des laboratoires pharmaceutiques bâlois Hoffmann-Laroche (aujourd’hui Roche), Luc Hoffmann était un grand mécène dans la région : il a notamment financé la Fondation Van Gogh, ouverte en 2014 à Arles. Sa fille, Maja Hoffmann, est à l’initiative de la Fondation Luma, dont l’édifice conçu par Frank Gehry devrait ouvrir en 2018 à Arles.
L’artiste français Bernard Dufour (1922-2016) est décédé ce même 21 juillet à l’âge de 93 ans dans sa demeure de Foissac, en Aveyron. Ingénieur agronome de formation, il avait commencé sa carrière de peintre dans les années 1950 après avoir été repéré par le galeriste Pierre Loeb. D’abord tourné vers l’abstraction, Bernard Dufour s’est rapidement orienté vers la figuration : ses représentations de femmes nues, dans des versions particulièrement « sexuées », ont marqué les esprits. Il était également photographe, écrivain et critique d’art, auteur d’une quinzaine d’ouvrages.
Le 23 juillet, c’est l’artiste indien Syed Haider Raza (1922-2016) qui s’est éteint à New Dehli, à l’âge de 94 ans. Il avait intégré l’École des beaux-arts de Paris en 1950 et avait accompli en France une grande partie de sa carrière. En 2008, il avait même donné une partie de sa collection à la ville de Gorbio dans le sud de la France où il disposait d’une résidence secondaire. Avec ses amis du Progressive Artist Group qu’il cofonde en 1948, Raza peut être considéré comme l’introducteur de la modernité en art en Inde. Il bénéficiait d’une reconnaissance internationale, l’une de ses toiles s’était vendue 2,3 millions de livres en 2010 (2, 8 M€).

Le sculpteur russo-américain Ernst Neïzvestny (1925-2016), chef de file des sculpteurs non conformistes soviétiques, connu pour ses œuvres monumentales et pour la relation paradoxale qu’il a nouée avec le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, est mort le 10 août à New York à l’âge de 91 ans. L’artiste, installé aux États-Unis à partir de 1977, a notamment réalisé le Masque de la tristesse en hommage aux victimes du stalinisme, un monument dédié aux mineurs du Kouzbass, et L’Arbre de la vie installé à Moscou.

Rectificatif
Dans l’article « Nouveau départ pour le Musée Rimbaud » paru dans le JdA no 460 (24 juin 2016), les chiffres communiqués induisent en erreur. En 2014, le pôle Rimbaud a accueilli 5 447 visiteurs (2 236 sur les six premiers mois), mais à cette période seule la Maison des Ailleurs était ouverte, le Musée étant fermé pour travaux. En 2013, alors que le Musée Rimbaud n’était pas encore en travaux, il a accueilli 11 391 visiteurs (4 486 sur les six premiers mois), la Maison des Ailleurs, 8 018 visiteurs. En 2015-2016, à  la suite de sa réouverture le 20 octobre 2015, le Musée Rimbaud a reçu 11 328 visiteurs (8 305 sur les six premiers mois), soit 17 907 visiteurs sur l’ensemble du pôle Rimbaud.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°462 du 2 septembre 2016, avec le titre suivant : C’est arrivé cet été

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