Restitutions - Suisse

Berne renonce à une quarantaine d’œuvres du legs Gurlitt

Par Ingrid Dubach-Lemainque, correspondante en Suisse · lejournaldesarts.fr

Le 13 décembre 2021 - 664 mots

BERNE / SUISSE

Le musée refuse d’entrer en possession de 38 œuvres parmi les 1 600 léguées par le fils du controversé marchand.

Kunstmuseum de Berne. © Kunstmuseum de Bern, 2014, CC BY-SA 4.0
Kunstmuseum de Berne.

Alors que le Kunsthaus de Zurich qui doit faire face à des interrogations croissantes sur la provenance d’œuvres de la donation Bührle, s’apprête enfin à rendre public les termes de l’accord qui le lie à la Fondation Bührle, le Kunstmuseum de Berne, quant à lui, continue à jouer la carte de la transparence avec un legs qui aurait pu se révéler bien plus embarrassant encore, celui de Cornelius Gurlitt. Achevées le 30 juin dernier, les recherches de provenance sur cette collection aux origines douteuses ont été rendues publiques vendredi 10 décembre par le musée bernois. 

En affinant le code couleur qui distinguait des œuvres « vertes » (non spoliées) et « rouges » (ayant pu être des œuvres spoliées par les nazis), l’équipe de chercheurs bernois a établi que 28 œuvres du legs ainsi que 246 œuvres d’artistes issus de la famille Gurlitt avaient une provenance certaine. 

9 œuvres sont en revanche catégorisées comme spoliées par le régime national-socialiste et ont déjà été restituées à leurs propriétaires par la République fédérale d’Allemagne en accord avec le Kunstmuseum bernois. 

Pour 1 091 œuvres, désignées comme « vertes-jaunes », l’historique n’a pu être établi de manière satisfaisante pour la période 1933-45 mais elles sont dégagées de tout soupçon de spoliation et pour 29 d’entre elles, qualifiées de « jaunes-rouges », des indices ou circonstances suspectes invitant à garder la prudence. 

Le musée renonce à entrer en possession de ces 29 œuvres les confiant à la République fédérale d'Allemagne « pour autant que la situation n’exige plus de nouvelles recherches, qu'aucune revendication ne soit faite et qu'aucun ayant droit potentiel ne soit susceptible de se manifester »

Deux œuvres d’Otto Dix datées de 1922 (Dompteuse et Dame dans la loge) ont fait l'objet d'une demande de restitution et seront rendues par le musée aux héritiers et descendants des collectionneurs spoliés. 

Un legs encombrant

Au décès du fils du marchand d’art prisé des cercles nazis et d’Hitler lui-même, Hildebrandt Gurlitt, en mai 2014 à Munich, le Kunstmuseum de Berne avait appris avec gêne et surprise que la « Fondation Kunstmuseum Bern » avait été désignée par testament comme son unique héritière par Cornelius. 

Considéré dans un premier temps comme un cadeau empoisonné, ce legs Cornelius Gurlitt, riche de 1 600 œuvres modernes de qualité, issues en partie de la succession Hildebrandt Gurlitt, accepté par le musée en 2014, s’est révélé finalement une chance pour le musée des beaux-arts bernois de se positionner en modèle en matière de recherche de provenance. 

Pour Nina Zimmer, la directrice du musée, « la gestion de l'héritage de Cornelius Gurlitt a été et reste pour le Kunstmuseum Bern un immense défi. Je suis particulièrement heureuse d’avoir vu naître ces dernières années tous ces réseaux et coopérations internationales en ce qui concerne la recherche de provenance. Nous avons encore de nombreuses tâches à accomplir ».

Après avoir laissé quelques années le soin à l’Allemagne de procéder aux vérifications de provenance sur la base d’un accord passé avec le pays en 2014, le Kunstmuseum Bern a créé en 2017 un département consacré à ces questions qui effectua des recherches sur les œuvres d'art dites « dégénérées » du Fonds Gurlitt et travaille depuis 2019 en collaboration avec le Centre de recherche « Art dégénéré » de l'Université de Hambourg. 

Le public aura également dès à présent accès à une base de données documentaire sur chaque œuvre (sur le site gurlitt.kunstmuseumbern.ch - seulement en allemand et en anglais pour le moment). 

Pour clôturer ces recherches, une exposition complète de la donation Gurlitt sera organisée au Kunstmuseum de Berne à l’automne 2022 (du 16 septembre 2022 au 15 janvier 2023). Cet ensemble qui comprend des travaux sur papier d’art moderne allemand, des tableaux et dessins d’art français du XIXe siècle, des œuvres d’Asie de l’Est ainsi que des statuettes archéologiques sera présenté au public pour la première fois. 

Thématiques

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque