Justice

Bataille d’expertise

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 2007 - 557 mots

Le Wildenstein Institute devra inclure une œuvre de Van Dongen dans le catalogue raisonné de l’artiste.

PARIS - L’arrêt rendu par la 1re chambre de la cour d’appel de Paris le 2 mai 2007 est une petite révolution puisqu’il condamne l’association Wildenstein Institute, sise à Paris, à inclure un authentique tableau de Kees Van Dongen dans le catalogue raisonné en préparation de l’œuvre de l’artiste.
L’affaire remonte à 1991. Un frère et une sœur héritent de leur mère Hiver à Cannes, huile sur toile signée Van Dongen, acquise lors de la Biennale des antiquaires de Paris en 1986 auprès de la galerie Brame & Lorenceau. Ils demandent aux marchands de l’authentifier en vue de sa vente à une galerie japonaise, vivement intéressée, mais qui sollicite auprès des vendeurs un dossier complémentaire. Ils obtiennent un certificat de la veuve du peintre en 1998 et une attestation d’un ancien conservateur en chef des musées nationaux précisant à la fois les conditions d’exposition du tableau au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1968 et l’origine de la propriété. Ils recueillent également les propres convictions d’expert de la galerie Brame & Lorenceau. En dépit de toutes ces garanties, le comité Van Dongen siégeant au Wildenstein Institute refuse à plusieurs reprises de faire figurer cette œuvre dans le catalogue raisonné qu’il prépare sur le peintre – « après étude et en l’état actuel de nos connaissances », écrit-il dans un avis daté du 20 octobre 1998. Même si le comité prend soin de préciser que « le présent avis n’est pas une appréciation portant notamment sur l’authenticité, l’attribution, la propriété ou l’état de l’objet », il plane désormais un doute quant à son authenticité. Les propriétaires du tableau portent alors l’affaire en justice. Campant sur sa position, le Wildenstein Institute, qui se dit « libre de ses opinions », déclare « faire œuvre d’expert et ne s’[être] jamais prononcé sur l’authenticité du tableau ». Il n’a pas souhaité dévoiler le motif pour lequel il refusait d’inclure l’œuvre dans le catalogue raisonné en préparation. « Cette position est tout à fait hypocrite et correspond à une stratégie destinée à asseoir leur pouvoir et assurer leur communication », commente Me Daphné Juster, l’avocate des plaignants.
« L’œuvre a été exposée du vivant de l’artiste au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1968, en présence de sa femme et de sa fille », note l’expert judiciaire, Marie-Hélène Grinfeder, dans son rapport datant de 2005 qui retrace les ventes successives jusqu’à la dernière transaction en 1986. Ce document mentionne que la veuve de l’artiste a reconnu l’œuvre lorsqu’elle lui a été présentée par la galerie Brame & Lorenceau et que les droits de reproduction de son image sont perçus par la succession Van Dongen. L’expert a donc conclu à l’authenticité de l’œuvre. Reconnaissant le rôle déterminant du Wildenstein Institute sur l’œuvre de Van Dongen et son marché, la cour a pour la première fois retenu sa responsabilité fautive, l’a condamné à des dommages et intérêts d’un montant de 2 000 euros ainsi qu’au règlement de l’intégralité des frais de justice et d’expertise. Elle a contraint par ailleurs l’organisme à inclure le tableau authentifié dans le catalogue raisonné de l’artiste en préparation. Pour Me Juster, « le Wildenstein Institute n’a désormais plus le droit de vie et de mort sur les œuvres vendues sur le marché de l’art international. Il ne pourra plus émettre un avis non justifié sans se retrouver confronté à la justice ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°269 du 16 novembre 2007, avec le titre suivant : Bataille d’expertise

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