À Bâle, une foire pour le meilleur de l’art mondial

Œuvres monumentales et pièces abordables tentent de séduire collections publiques et privées

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 13 juin 2003 - 1009 mots

“La meilleure foire du monde.”? C’est en ces termes que les galeristes, collectionneurs et directeurs d’institution parlent le plus souvent de la foire d’art moderne et contemporain de Bâle. Du 18 au 23 juin, deux cent soixante-dix galeries y présenteront les œuvres d’environ 1 500 artistes. Mais, au-delà du nombre, c’est surtout la qualité des pièces présentées qui est impressionnante, servie par une logistique sans faille.

Quelques jours après l’inauguration de la Biennale de Venise s’ouvrira la trente-quatrième édition de la Foire de Bâle, qui compte bien cette année encore profiter de la proximité des dates pour attirer un très grand nombre de collectionneurs. Cinquante mille personnes avaient visité la foire en 2002, une année riche avec la Documenta de Cassel. “Les grands collectionneurs qui ne vont pas dans les foires viennent ici en masse”, souligne Samuel Keller, le directeur de la Foire de Bâle. L’organisation par Art Basel en décembre dernier d’une seconde foire à Miami (lire le JdA n° 159, 22 novembre 2003) a également permis de séduire de nouveaux clients américains et sud-américains, inconnus jusqu’alors. Des dizaines de ces collectionneurs devraient ainsi arpenter les allées de la “Messe”, l’un des premiers “effet Miami”, selon Samuel Keller.
Neuf cent trente galeries ont cette année frappé à la porte de la Foire de Bâle, et moins d’un tiers ont obtenu le sésame pour le salon d’art moderne et contemporain. Le plateau proposé est extrêmement varié puisque sont présentes des galeries des cinq continents, de l’art le plus contemporain aux classiques de l’art moderne. Les grandes capitales artistiques que sont Paris, Berlin, Londres, New York, Cologne ou Zurich sont évidemment bien représentées, mais figurent également des exposants venant d’Australie (Sarah Cottier, Roslyn Oxley9), du Japon (Tomio Koyama), de Chine (ShanghART), d’Amérique du Sud (Fortes Vilaça, Brésil) et, pour la première fois, d’Afrique avec The Goodman Gallery de Johannesburg, qui proposera des œuvres d’artistes tels que William Kentridge ou David Goldblatt. Parmi les pays qui comptent le plus de participants se retrouvent sans surprise l’Allemagne (58), les États-Unis (54 galeries), la Suisse (39), la France (24), la Grande-Bretagne (22) et l’Italie (16). La sélection a été rude et, parmi les galeries françaises présentes l’an dernier, certaines ne participent pas à l’édition 2003, à l’exemple de Hussenot, Bordas, Vallois ou Woolworth, ou de la galerie Jennifer Flay pour cause de fermeture (lire le JdA n° 172, 30 mai 2003).

Trois Français pour les “Statements”
Souvent considérée comme une foire haut de gamme, ne proposant que des pièces de musée, les organisateurs d’Art Basel tentent cette année de rectifier le tir sur la base d’un sondage réalisé lors de la dernière édition dans allées du salon. Selon les chiffres obtenus, 27 % des œuvres exposées sur les stands seraient proposées à un tarif inférieur à 5 000 euros, soit, selon Samuel Keller, “un prix accessible pour de nombreux collectionneurs privés”. C’est le cas d’un grand nombre d’éditions, dont le secteur bénéficie cette année d’un réaménagement et de l’arrivée de nouvelles galeries, comme Pace Prints (New York) et The Lapis Press (Los Angeles).
Tirant les conclusions du succès grandissant de la photographie, les marchands spécialisés dans ce médium – dont le secteur réservé n’existe plus depuis deux ans –, ont l’honneur d’être présentés au rez-de-chaussée parmi l’élite des galeries et à côté de l’art moderne. Parmi ceux-ci seront présents Berinson (Berlin), Jane Corkin (Toronto), Johannes Faber (Vienne), Fraenkel (San Francisco), Hamiltons (Londres), Kicken (Berlin), Hans P. Krauss (New York), Françoise Paviot (Paris), Esther Woerdehoff (Paris) et Zabriskie (New York).
Dans le secteur “Statements”, accueillant dix-sept projets de jeunes artistes, la création hexagonale est très bien représentée avec trois propositions. Chez Michel Rein (Paris), Saâdane Afif expose un ensemble de maquettes inspirées de l’Unité d’habitation du Corbusier, mais également des sculptures en terre cuite, dans une réflexion sur l’opposition ville-campagne, ou culture-nature. Poursuivant son travail sur un monde vidé de toute présence humaine, Nicolas Moulin propose des images de notre planète desséchée, telle qu’elle pourrait apparaître dans des dizaines de millions d’années. À côté d’un globe terrestre, ces photographies et vidéos ont été retouchés par l’artiste suivant une technique expérimentée précédemment. Quant à Kader Attia (galerie Kamel Mennour, Paris), qui expose également à la Biennale de Venise, cet artiste né en France dans une famille d’origine algérienne présente une projection d’images qui font le lien entre les deux cultures. Les “Statements” réuniront encore les œuvres de Monika Sosnowska (Foksal Gallery Foundation, Varsovie), déjà remarquée à la dernière édition de Manifesta, à Francfort en 2002, du Belge Jan de Cock (Fons Welters, Amsterdam) ou de Catherine Sullivan (Catherine Bastide, Bruxelles).

Baromètre du marché de l’art contemporain
Autre secteur d’importance, “Art Unlimited” réunit dans la vaste Halle 1 un ensemble de pièces monumentales ou de vidéos qu’il serait difficile de présenter dans l’espace réduit d’un stand. Cette année, Richard Serra (m Bochum, Bochum) a créé spécialement pour “Unlimited” une sculpture monumentale de quarante tonnes, Single Double Torus. Cette pièce est composée de deux segments circulaires incurvés qui se touchent à leurs extrémités. Autre œuvre phare de cette section, Assortment (The Trunks, Human Objects), installation de Paul McCarthy (Hauser & Wirth, Zurich), comprend dans six coffres les accessoires dont s’est servi l’artiste au cours de dix années de travail, de 1973 à 1983. Figurent également, parmi les artistes de “Unlimited”, Ugo Rondinone (Galerie Hauser & Wirth & Presenhuber, Zurich), Olaf Breuning (Arndt & Partner, Berlin), Christian Boltanski (Marian Goodman, Paris-New York), George Segal (Mitchell-Innes & Nash, New York), Wolfgang Laib (Chantal Crousel, Paris), Navin Rawanchaikul (Air de Paris, Paris), Anthony Gormley (Thaddaeus Ropac, Paris-Salzbourg) ou Anish Kapoor (Lisson, Londres).
Avec ce plateau de qualité, il ne reste plus qu’à attendre les collectionneurs. La Foire sera en effet un bon baromètre du marché de l’art moderne et contemporain après la chute des ventes due à la guerre en Irak. “Depuis quelques semaines, les galeries marchent bien”, assure Samuel Keller. Espérons que Bâle confirmera cette tendance.

Art Basel

Du 18 au 23 juin, Messe Basel, Halle 2 et 1, Messeplatz, Bâle, tlj 11h-19h, 11h-18h le 23 juin, www.artbasel.com, catalogue, 55,- CHF

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°173 du 13 juin 2003, avec le titre suivant : À Bâle, une foire pour le meilleur de l’art mondial

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