Lyon

Artiste recherche atelier

La gestation difficile d’une politique d’aide à la création

Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1994 - 733 mots

Avec la création par la Délégation aux arts plastiques (DAP) de procédures d’aide à la construction d’ateliers d’artistes, certaines villes de province, comme Marseille, ont permis à de nombreux artistes de rester, voire de s’installer dans le centre ville. D’autres, comme Lyon, où les artistes sont pourtant nombreux, paraissent avoir manqué le coche.

LYON - L’idée séduisante d’aider les artistes à rester en ville connaît quelques vicissitudes à Lyon. En effet, alors que le Développement social urbain (DSU) estime qu’il faut que "l’artiste soit ouvert sur son quartier", la DRAC répond qu’on ne peut utiliser les artistes à des fins sociales : "La politique DSU est très bien pour la Croix-Rousse, mais il est clair que les artistes ne sont pas des animateurs."

Les réalisations tardent à se concrétiser : 4 ateliers ont été livrés sur les pentes de la Croix-Rousse (2 sont prévus d’ici la fin de l’année, et 3 pour 1995). Lassés d’attendre, certains artistes sont partis ailleurs, souvent dans les municipalités de la périphérie lyonnaise. Francheville, par exemple, a réaménagé le Fort du Bruissin à leur intention. Pour les lithographes d’Alma, installés dans cette petite agglomération, "c’était la seule solution pour survivre. Nos conditions de travail sont meilleures parce qu’on est à la campagne, mais on se coupe peu à peu de nos clients et de la vie culturelle de la ville".

Les pentes de la Croix-Rousse
Les artistes lyonnais sont réduits au départ car leur quartier d’élection – les pentes de la Croix-Rousse – est en pleine mutation. De tradition artisanale et de petite industrie, les pentes sont devenues, depuis la cessation d’activité quasi totale des soyeux lyonnais, "un quartier de mixité sociale : on y trouve aussi bien des cadres supérieurs que des immigrés au chômage ou des artistes" explique Jean-Pierre Vialay du DSU. Ces derniers représentent plus de 2 % de la population active, et la moitié d’entre eux sont des plasticiens. Un engouement qui s’explique par l’originalité des anciens ateliers-appartements des canuts, qui sont naturellement bien adaptés à leurs exigences. Ils sont très hauts de plafonds, souvent plus de 4 m, et très clairs en raison de l’activité de tissage.

Mais ce quartier, qui surplombe le centre ville, suscite d’autres convoitises, plus lucratives. "On a chassé les plus pauvres, et notamment les artistes, à la périphérie par des opérations de promotion immobilière", explique Corinne Le Neun, conseillère aux arts plastiques à la DRAC. Pour tenter de limiter ce processus, un programme de préservation du quartier est mis en place.

À ce programme à caractère essentiellement social, est associée une opération de rénovation d’ateliers. Opportunément, ce projet se trouve conforté par la politique menée par la DAP, dont le budget pour la construction d’ateliers est passé de 6,5 millions de francs en 1990 à 16,5 millions de francs en 1993, avec 1,240 millions de francs pour la région Rhône-Alpes.

échange de bons procédés
Le montage des opérations repose sur des financements croisés. L’entrepreneur reçoit une subvention pouvant aller jusqu’à 200 000 francs (la DRAC versant 80 000 francs, les autres partenaires donnant le restant) pour aménager un local, généralement le rez-de-chaussée aux normes d’un atelier – normes précisées dans un cahier des charges élaboré par des architectes à l’initiative de la DAP –. Cet atelier sera ensuite loué à un artiste en échange d’un loyer plafonné à 1 500 francs par mois pendant dix ans.

Les ateliers sont attribués pour deux ans maximum : "L’idée, c’est de donner un coup de pouce, mais pas d’installer l’artiste. Quand on n’a que deux ans, on crée dans l’urgence et c’est parfois très productif, comme on a pu le voir pour les ateliers éphémères à Paris" explique Daniel Dhéret, directeur de la Condition des Soies, un centre social qui milite pour le maintien des artistes sur les pentes de la Croix-Rousse.

La collaboration entre les différentes parties se fait par un échange de bons procédés : les opérateurs immobiliers y ont vu la possibilité de remédier au problème de la désaffection des rez-de-chaussée en raison de la fin du petit commerce de proximité, le DSU celle de "préserver la richesse sociologique du quartier", et la DRAC "d’impulser une politique artistique d’aide à la création". Mais ces procédures sont complexes : la solution du problème passe probablement par "des opérations moins lourdes, comme des aménagements de friches industrielles" estime Corinne Le Neun, lesquels "pourraient être gérés par une association indépendante" suggère Daniel Dhéret.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Artiste recherche atelier

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