Foire

Art Basel, la force tranquille

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2012 - 679 mots

La 43e édition de la première foire d’art contemporain a une nouvelle fois fermé ses portes sur un bilan très positif en termes d’affluence et de chiffre d’affaires. Si les grandes galeries étaient satisfaites, le rythme était plus sage et les découvertes plus rares. L’heure n’est pas à la prise de risques.

BÂLE - Ce fut l’une des très rares propositions « osées » de la 43e édition d’Art Basel, qui s’est tenue du 14 au 17 juin, l’une des plus élégantes en tout cas : dans l’agitation d’une foire, la galerie Helga de Alvear (Madrid) a consacré à Ettorre Spalletti l’intégralité de son stand, au sol aussi blanc que les cimaises, où peintures et sculptures roses ou bleues obligeaient à ralentir le rythme afin de forcer la contemplation.

Tout comme lors de la dernière édition d’Art Basel Miami Beach et des principaux salons des mois écoulés, c’est l’absence de prise de risque, en des temps économiquement toujours chahutés et incertains, qui prédominait cette année sur les stands. On le sait, l’incertitude n’est pas l’amie des marchés quels qu’ils soient, fussent-ils leaders en leur domaine. Ainsi l’atmosphère était-elle toujours à la prudence et pas à l’insolence ou à l’expérience. Rares étaient ceux ayant conçu leurs propositions avec un peu de relief, à l’instar de Herald St. (Londres), où Nick Relph exposait les moulages dorés des quatre roues d’une voiture de sport, 1900-2000 (Paris) avec un stand très « sexualisé », Eva Presenhuber (Zurich) présentant un solo show de Doug Aitken, ou Neugerriemschneider (Berlin) engageant un dialogue entre Sharon Lockhart et la chorégraphe israélienne Noa Eshkol, auteure en 1958 d’un système de notation des mouvements, qui lui a inspiré son dernier film.

Plaisirs tranquilles
Le marché de l’art pourtant se porte toujours bien, très bien même, ainsi qu’en ont témoigné les très bons volumes de ventes globalement rapportés par les quelque trois cents enseignes participantes qui, dans une atmosphère professionnelle, ont pu servir des collectionneurs toujours nombreux à arpenter les allées sans céder à la précipitation. José Kuri (Kurimanzutto, Mexico) relevait ainsi « un autre rythme, moins de folie et des clients prenant le temps de discuter. » Pour sa part Florence Bonnefous (Air de Paris, Paris) notait un nouvel intérêt en provenance des marchés émergents, de plus en plus fortement présents sur le salon : « de nombreux visiteurs chinois, russes ou des pays de l’Est qui auparavant ne s’arrêtaient que chez les galeries les plus puissantes ; ils n’achètent pas encore mais viennent désormais se renseigner, ce qui est nouveau. »

Sans bouder son plaisir, il y avait de quoi repartir heureux après avoir bourse déliée, et ce à tous niveaux. Pour les plus fournies, la direction à suivre était celle du rez-de-chaussée où était patente une raréfaction des valeurs établies de l’après-guerre américaine et où trônait en vedettes un stabile de Calder (Trepied, 1972) annoncé à 9,5 millions de dollars chez Helly Nahmad (New York), tandis que la galerie Marlborough (Londres, New York) réussissait un joli coup de communication avec un Rothko de 1954 proposé à 78 millions de dollars. À l’étage, on pouvait notamment flancher pour un immense diptyque de Julie Mehretu daté de 2001 chez Carlier Gebauer (Berlin), des photographies de Ian Wallace de la fin des années 1970 chez Catriona Jeffries (Vancouver) ou de beaux tableaux de Wade Guyton chez Friedrich Petzel (New York) et Gisela Capitain (Cologne) notamment. Mais, de valeurs sûres en formules éprouvées l’ensemble permettait de faire très peu de découvertes, tel le jeune peintre sud-africain Zander Blom chez Stevenson (Cape Town, Johannesburg), d’autant qu’Art Statements s’est globalement montré décevant.

S’il serait hors de propos d’encourager la vaine gesticulation, un peu plus d’audace ne nuirait certainement pas à l’image et à la qualité du salon. L’atonie relative de nombreux stands (dans leur image globale et non dans l’individualité des œuvres) devrait pousser à la réflexion les dirigeants d’Art Basel. Car si la qualité et les ventes sont toujours là, il faudrait à la foire, si elle tient à conserver sa position de locomotive, éviter un risque majeur : celui d’une progressive banalisation.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°372 du 22 juin 2012, avec le titre suivant : Art Basel, la force tranquille

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