Alerte d’incendie à la BnF

L'ŒIL

Le 1 juillet 2003 - 553 mots

L’installation de l’INHA (Institut national d’histoire de l’art) dans le « Quadrilatère Richelieu », outre les problèmes cruciaux de répartition des espaces entre l’Institut et les départements de la Bibliothèque nationale de France restés sur place (Cartes et plans, Estampes et photographie, Manuscrits, Monnaies, Médailles et Antiques), à cette heure résolus, pose maintenant celui des priorités. L’INHA – dont personne ne met bien sûr en question la nécessité mais dont on souligne, à la BnF, qu’il ne doit pas se faire au détriment du patrimoine existant – doit réunir prochainement sous sa tutelle, dans les locaux de la rue de Richelieu, la Bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques Doucet, la Bibliothèque centrale des musées nationaux, les collections d’imprimés de l’École nationale supérieure des beaux-arts, et celles de l’École des chartes.
Les arbitrages favorables à l’INHA rendus sous le gouvernement Jospin ont été aujourd’hui revus. Il s’agit maintenant de mieux répartir les moyens devenus rares entre de nouveaux déploiements et les besoins des départements existants. Il semble surtout inenvisageable de surseoir aux travaux de rénovation dont la « vieille » BnF a un cruel besoin, et surtout à la mise aux normes de l’installation électrique actuelle. La BnF court, n’en doutons pas, un sérieux risque d’incendie, que laisse en effet craindre l’état de vétusté des armoires électriques, tant au département des Estampes qu’à celui des Manuscrits. Et ce n’est pas, dit-on, le seul bâtiment en danger du fait d’une installation électrique trop ancienne : un incendie à l’hôtel Matignon en 2001, causé par un feu d’origine électrique, a détruit de précieuses pièces de mobilier du xviiie siècle ainsi que deux peintures du Louvre qui y étaient mises en dépôt.
La rue de Richelieu fonctionne encore en très grande partie en 110 volts, avec des « plombs » en céramique blanche dont on se demande si l’administration ne doit pas les commander spécialement. La floraison des ordinateurs pour le personnel et des portables des chercheurs, les multiples branchements, tirages de lignes et transformateurs font craindre le pire aux conservateurs, qui voient déjà, comme dans un cauchemar, un second Lunéville se profiler – mais un Lunéville multiplié par mille, qui serait une catastrophe à l’échelle de l’humanité : que l’on pense simplement aux réserves de dessins et d’estampes de la BnF où figurent les plus grands maîtres (Dürer, Goya, Degas, Bonnard...), que l’on pense aux manuscrits précieux, chefs-d’œuvre de l’enluminure ou de la pensée. Le « Quadrilatère Richelieu » renferme plus de vingt millions d’objets, dont quinze pour le seul département des Estampes et de la photographie qui figure parmi les fonds les plus riches et les plus précieux du monde, avec ceux du British Museum de Londres et de l’Albertina de Vienne.
La rénovation du « Quadrilatère Richelieu » devient donc plus qu’urgente. La vétusté, la dangerosité des installations électriques est patente. Jean-Jacques Aillagon, sensibilisé par une visite faite à l’été 2002, a mentionné dans les priorités de sa conférence de presse d’octobre suivant la mise en sécurité du site. Pourtant l’indispensable rénovation ne bénéficie pas encore des moyens budgétaires nécessaires, et les conservateurs font remarquer, avec amertume, qu’ils ont tiré les sonnettes d’alarme dès 1989. La mise aux normes des installations électriques a été chiffrée il y a quelques années à 140 MF (soit environ 21,3 millions d’euros), somme bien modeste au regard des enjeux.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : Alerte d’incendie à la BnF

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque