Accueil du public

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 27 mai 2005 - 980 mots

Villeneuve-d’Ascq, Orsay et Strasbourg progressent notablement par rapport à l’an dernier. Le Musée de Picardie à Amiens engrange les fruits de sa politique à l’égard de tous les publics.

Sans surprise, les blockbusters parisiens, le Louvre (1er), Orsay (3e) et le Centre Pompidou (4e), se disputent la tête du peloton en termes d’accueil. Ces établissements y consacrent d’ailleurs de grands moyens humains, avec respectivement 950, 281 et 100 employés affectés à cette tâche.
La mise sur orbite surprenante de certaines institutions est à mettre au crédit d’événements spéciaux. La dynamique de Lille 2004, capitale européenne de la culture, a ainsi propulsé le Musée d’art moderne de Villeneuve-d’Ascq en deuxième position dans le classement. L’opération lui a en effet apporté des crédits supérieurs à sa manne habituelle. Si le budget annuel pour les expositions est généralement de 550 000 euros, ce musée a bénéficié de 1,7 million d’euros pour la seule exposition « Mexique-Europe, allers-retours, 1910-1960 ». Cette enveloppe lui a permis de mettre en place des rencontres-débats, des livrets gratuits et de systématiser les audioguides. « On a surtout travaillé notre réseau de publics, et joué sur 60 actions satellites avec des partenaires pour donner une base durable de visiteurs », indique Joëlle Pijaudier-Cabot, sa directrice.
Le palmarès valorise aussi les structures récemment créées ou rénovées, comme le Musée des arts et métiers (Paris), Guimet (Paris), le Musée Matisse du Cateau-Cambrésis, les Abattoirs de Toulouse ou le Musée d’art et d’industrie de Roubaix. Inauguré en 1998, le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg jouit ainsi d’un meilleur positionnement (4e) que les musées d’archéologie (16e) et des beaux-arts (17e) de la ville. Outre le fait qu’il bénéficie de 60 % du budget des musées municipaux, les différences architecturales entre leurs sites expliquent aussi ce
décalage. Les contingences, liées au caractère historique du palais Rohan abritant le Musée des beaux-arts, pénalisent la lisibilité du parcours de visite.
De telles contraintes se retrouvent aussi dans les châteaux-musées comme Fontainebleau, Versailles ou Écouen. Pour pallier ces difficultés, le château de Fontainebleau (11e) a notamment mis au point depuis 2001 un livret d’accueil pour les visiteurs à mobilité réduite. Plus généralement, depuis deux ans et demi, l’accent se porte sur l’amélioration de l’accueil des handicapés, avec
notamment la création de visites tactiles pour les non-voyants.
Si la logique de service est inscrite dans les mentalités, le confort de visite reste en jachère. À titre
indicatif, la moitié des musées du palmarès ne dispose pas de cafétéria. Le Musée Matisse du
Cateau-Cambrésis (20e) a pourtant fait du bien-être sa devise.
« Les œuvres sont exposées avec beaucoup d’espace entre elles, les pièces ne sont pas très grandes. On a des volumes raisonnables, intimes. On a mis des fauteuils et des tapis pour le confort de visite », égrène Dominique Szymusiak, directrice du musée. Les salles sont aussi dotées de bornes multimédia.

Accueil des scolaires
Les outils individuels comme les audioguides ou les fiches dament souvent le pion aux formules des visites en groupe. « On arrive peut-être à une ère où les gens survolent les propositions et nécessitent moins de contacts prolongés », observe Sylvie Barrère, chargée de l’animation culturelle au capcMusée d’art contemporain de Bordeaux (19e). Son établissement réfléchit d’ailleurs à la mise en place d’audioguides. Une orientation dictée sans doute par la réduction drastique du personnel dédié
à l’animation culturelle.
L’interactivité n’est pas totalement remisée, comme en témoigne le « Jeu de l’œil », jeu de rôle lancé depuis avril au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, ou les « Ateliers andragogiques » initiés depuis février au CAPC. Mais la participation du visiteur est surtout le fer de lance des musées d’art et d’histoire ou d’archéologie, en bonne place dans le classement. « Par rapport aux musées traditionnels, les musées archéologiques ont ce côté interactif, didactique qui plaît au public, confirme Patrick Paillet, directeur du Musée d’Argentomagus de Saint-Marcel, dans l’Indre (13e). Derrière la sculpture, on essaie d’expliquer comment elle a été fabriquée. On essaie de faire vibrer l’homme derrière l’objet. C’est moins théorique et plus pratique. »
Pour les agglomérations à l’image ingrate, excentrées ou économiquement sinistrées, l’accueil est un enjeu vital. La municipalité du Havre l’a sans doute compris en dotant le Musée Malraux (24e) d’un budget de 61 845 euros (1) pour l’animation culturelle. Le musée s’est ainsi équipé d’un guide des collections pour les enfants, d’audioguides pour les expositions et, depuis l’an passé, pour la collection. La fidélisation est le maître mot du Musée de Picardie à Amiens (7e). Un abonnement annuel, lancé depuis dix ans, a permis d’en doubler la fréquentation. « Notre souhait est de montrer que le musée n’est pas seulement fait pour les touristes ou les enfants, mais pour chacun, comme un cinéma ou un théâtre », déclare Mathieu Pinette, directeur de l’établissement.
Comme le renouvellement du bassin des visiteurs adultes est difficile, l’accueil scolaire reste le cheval de bataille le plus fréquent. Il est vrai que les écoles représentent entre 40 et 60 % de la fréquentation de certains établissements. « Il faut que la première visite soit pour les enfants une aventure qui les marque toute leur vie, s’enflamme Dominique Szymusiak. Il ne peut pas y avoir de ratage. » De son côté, le château de Fontainebleau cherche à séduire les adolescents avec l’opération « 10 000 jeunes à Fontainebleau », pilotée par la direction des Musées de France. Il prévoit aussi, d’ici septembre, la création de trois salles supplémentaires pour l’accueil des scolaires. L’énergie portée sur ce public est d’autant plus accrue que l’Éducation nationale se décharge massivement sur les musées pour la formation artistique des jeunes. Encore faudrait-il qu’elle laisse les institutions libres de composer le programme pédagogique. Mais les différents entre académies et musées peuvent hypothéquer la pérennité de l’animation scolaire dans certaines institutions, notamment bordelaises.

(1) Ce chiffre est toutefois inférieur aux 68 961 euros consentis l’an dernier.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°216 du 27 mai 2005, avec le titre suivant : Accueil du public

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