Rétrovision

1867, l’empereur Maximilien est fusillé au Mexique

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 24 mai 2017 - 777 mots

En peignant « L’exécution de Maximilien », Manet mettait Napoléon III en accusation sans savoir que les États-Unis en étaient aussi responsables.

TRAHISON - La construction par Donald Trump d’un mur entre le Mexique et les États-Unis n’est que la dernière péripétie des relations étroites qu’entretiennent les deux voisins. Dès son indépendance, l’ancienne colonie espagnole fut une proie facile pour les États-Unis. En 1848, une guerre aboutit à l’annexion de territoires mexicains, futurs États américains de Californie, du Nevada, de l’Utah, de l’Arizona, du Colorado et du Nouveau-Mexique.

Depuis longtemps, des Français étaient installés au Mexique. En 1838, Louis-Philippe avait envoyé d’ailleurs des bateaux au large de Veracruz pour soutenir des compatriotes se disant financièrement lésés par les désordres politiques du pays. La flotte était repartie avec une reconnaissance de dettes signée par le gouvernement. Mais, fait remarquer Alain Gouttman dans son livre, La Guerre du Mexique (Perrin), « ce précédent aurait pu être médité plus tard avant qu’une autre expédition vers le Mexique ne fût décidée, en 1861-1862, par le cabinet des Tuileries ». Car c’est de nouveau sous prétexte de faire honorer une dette qu’elle fut entreprise.

Eugénie à la manœuvre
Depuis l’indépendance, la guerre civile sévissait. Deux partis républicains se disputaient le pouvoir et l’exerçaient successivement ou parallèlement. L’un était libéral, sous la présidence de Benito Juárez, et l’autre conservateur. Il n’y avait quasiment pas de monarchistes, mais un mauvais génie, José Manuel Hidalgo y Esnaurrízar, persuada en 1857 la très pieuse impératrice Eugénie qu’un important parti de Mexicains réclamait un roi catholique et l’intervention d’une armée étrangère pour le mettre sur le trône. Or, depuis 1845, Louis-Napoléon Bonaparte réfléchissait au projet de construction d’un canal reliant l’Atlantique au Pacifique, idée caressée aussi par les Américains. Un pied au Mexique serait un avantage dans la guerre commerciale qui se profilait.

Si l’empereur était indécis, l’impératrice sut lui forcer la main. Le souverain autorisa qu’on se serve de son nom pour approcher le frère de l’empereur d’Autriche, Maximilien de Habsbourg, et lui proposer la place d’empereur du Mexique. Un débarquement permettrait aussi de forcer le pays à s’engager au paiement de la dette extérieure, interrompu par Juárez. Le duc de Morny, qui avait manœuvré pour obtenir l’expédition, battit des mains : il trempait dans « l’affaire Jecker », une opération bancaire se soldant par une créance énorme sur l’État mexicain.

La parachutage de Maximilien
Napoléon III décida donc d’engager ses troupes dans un Mexique dont il ignorait tout, pour aider un peuple qui ne demandait rien, à installer à sa tête un souverain qu’il n’avait pas choisi. En janvier 1862, les Français, qui débarquèrent sur une terre où ils se croyaient attendus comme des sauveurs, ne rencontrèrent que le vague intérêt d’une partie de la population. S’il s’était renseigné un tant soit peu avant, Napoléon III aurait su que le Mexique était plongé dans une anarchie totale et que la corruption, la violence et le pillage y régnaient. Le ministre de France, Alphonse Dubois de Saligny, ne résista qu’un temps à ce climat délétère et  finit par trahir son lointain empereur en s’enrichissant autant que possible. Quant aux militaires, sous le commandement de François Bazaine, ils firent face à une guérilla farouche. Alain Gouttman, qui réhabilite le futur chef de l’armée du Rhin, rappelle que ce conflit fut un théâtre d’héroïsme (comme celui de la Légion à Camerone) autant que de sauvagerie.
En mai 1864, arrivèrent Maximilien et son épouse Charlotte. Entouré de manipulateurs, l’empereur était inconséquent, idéaliste et paranoïaque. De Charlotte, son propre frère dirait plus tard qu’elle était mue par « l’excessif désir d’être la souveraine de n’importe quoi et n’importe où ». Lorsque Napoléon III se décida à rapatrier ses troupes, Maximilien, entre deux chasses aux papillons et aux belles Mexicaines, avait réussi à mettre dans le  chaos un pays presque pacifié à son arrivée. Charlotte traversa l’Atlantique pour exiger l’aide de la France : après un départ d’Amérique mystérieux, elle s’avéra folle une fois sur le vieux continent et finit enfermée. De son côté, Maximilien, engagé dans des tractations secrètes, crut probablement avoir négocié avec Juárez son exil pour l’Europe, où il est possible qu’il ait envisagé d’accéder à la succession de son frère à la tête de l’Autriche. Il se laissa donc capturer, mais fut fusillé le 19 juin 1867.

La France apprit la nouvelle pendant l’Exposition universelle. Mal renseignés, les républicains, dont Victor Hugo et Édouard Manet, rendirent Napoléon III responsable de cette issue malheureuse et le peintre représenta plusieurs fois Maximilien devant le mur de son exécution. Les grands vainqueurs, conclut Alain Gouttman, furent les Etats-Unis, qui avaient soutenu Juarez en sous-main et, comme le Secrétaire d’État de l’époque, William Seward, se flattaient d’avoir « mis fin au dernier assaut lancé pour établir la domination monarchique européenne sur le continent américain .»

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°480 du 26 mai 2017, avec le titre suivant : 1867, l’empereur Maximilien est fusillé au Mexique

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