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Centre Pompidou : « Un modèle économique difficilement soutenable »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 23 avril 2024 - 870 mots

PARIS

La Cour des comptes affirme que le Centre est dans une situation difficile pour porter les travaux et l’ouverture du site de Massy.

Centre Pompidou. © Julien Fromentin
Centre Pompidou.
© Julien Fromentin

Alors que ses comptes ne sont déjà pas glorieux, le Centre Pompidou doit faire face à deux investissements majeurs risqués : les travaux sur le bâtiment de Piano & Rogers, et la construction des réserves à Massy. Voici en résumé ce que l’on retient du récent rapport de la Cour des comptes qui couvre la période 2013-2022, soit le mandat de trois présidents : Alain Seban, Serge Lasvignes et Laurent Le Bon

La situation économique du Centre avant sa fermeture en 2024 est effectivement tendue. D’un côté, il enregistre depuis dix ans une érosion de sa fréquentation, autant pour les collections permanentes que pour les expositions temporaires. La Cour note en particulier un déficit de visiteurs étrangers par rapport aux musées du Louvre et d’Orsay. Il en résulte une baisse des recettes de billetterie qui passe d’une moyenne de 15 millions d’euros avant le Covid à 12,6 millions en 2022, et sans doute moins en 2023 en raison de la longue grève de la fin de l’année dernière. Cette baisse est en théorie compensée par l’augmentation de la vente d’expositions clé en main, d’ingénierie culturelle et les redevances pour les Centre Pompidou Provisoires (CPP à Málaga, Shanghaï et Bruxelles) : 10,4 millions d’euros en (2016) et 14,5 millions d’euros (2022). Cependant les magistrats notent que pour positives qu’elles soient, ces activités internationales ne sont pas forcément très rentables. Selon des chiffres de 2019 du cabinet de conseil McKinsey, le taux de marge des CPP ne serait que de 45 % (le Centre Pompidou a dû recourir à un cabinet de conseil car il ne tient pas de comptabilité analytique de ces projets). 

Côté dépenses, la situation n’est guère plus sous contrôle. Notamment en raison de l’importance de la masse salariale (1 045 agents) qui ne cesse gonfler : 116 millions d’euros en 2022 et la Cour pense qu’elle va continuer à croître de 1 million d’euros par an. Au passage, elle relève plusieurs avantages dérogatoires accordés à certains agents (comme, par exemple, la pause repas comptabilisée dans le temps de travail) qui représentent au total un surcoût de 20 postes. De sorte que l’État doit mettre de plus en plus souvent la main à la poche : sa subvention qui était de 65,4 millions d’euros en 2005 a été de 78,2 millions d’euros en 2022. En conclusion, sa capacité d’autofinancement est nulle.

Trouver 168,7 M€ avant 2025

C’est dans ce contexte que l’établissement public doit gérer les travaux et les coûts liés à la fermeture provisoire du Centre et ceux liés à la construction et au fonctionnement du Centre Pompidou francilien. Les magistrats regrettent que le débat entre travaux en site ouvert et travaux en site fermé ait duré trop longtemps. Il relève que la décision de Laurent Le Bon de repousser la fermeture après les Jeux olympiques et de profiter des travaux pour réorganiser les espaces intérieurs (ce que n’avait curieusement pas envisagé son prédécesseur) augmentent considérablement les coûts. Le coût proprement dit des travaux techniques est ainsi passé de 210 millions d’euros en 2021 à 262 millions, qui sont entièrement financés par l’État. Ce qui n’est pas le cas de ce que la Cour appelle le schéma directeur culturel, qui doit être financé sur fonds propres. Or, sur les 207 millions d’euros que va coûter ce schéma culturel, seuls 39 millions ont été acquis. Le président du Centre s’est engagé à trouver l’argent qui manque ou à renoncer à certains projets en fonction des financements obtenus qui ne peuvent venir que du mécénat. Le compte à rebours a commencé : il doit avoir trouvé les 168,7 millions d’euros manquant avant début 2025, au plus tard, pour statuer sur les travaux conservés. Cela va être compliqué.

Le Centre francilien de Massy sera ouvert au public

Dans le même temps, le Centre doit financer le site de Massy. Si la Cour admet qu’il est une sage décision de regrouper toutes les réserves externalisées en un lieu unique en propre, elle regrette que le Centre ait choisi la formule d’un partenariat public privé (PPP). Elle se félicite que les collectivités locales aient mis la main à la poche, mais a des doutes sur le jeu à sommes nulles de l’opération. En théorie, les économies réalisées sur les locations externalisées devraient compenser les loyers versés aux partenaires, mais dans la réalité le Centre devra trouver 58 millions d’euros entre 2027 et 2051. Il est vrai que non seulement le site de Massy va offrir un confort de travail plus important pour la régie des œuvres, mais aussi offrir 2 500 mètres carrés d’espaces culturels ouverts au public. C’est d’ailleurs à cette condition que les collectivités locales ont accepté d’apporter des subventions.

En résumé, nonobstant la course contre la montre pour financer le projet culturel des travaux, le Centre va devoir fortement augmenter ses ressources propres pour financer ses nouvelles dépenses. À moins qu’il ne diminue sa masse salariale. C’est ce que suggèrent à demi-mot les magistrats qui relèvent que 139 agents vont partir à la retraite pendant la fermeture. L’occasion de revoir le mode de fonctionnement à la réouverture.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°632 du 26 avril 2024, avec le titre suivant : Centre Pompidou : « Un modèle économique difficilement soutenable »

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