Dans un marché de l’art mondial dynamique, la France fait du surplace

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 11 mars 2015 - 1065 mots

PARIS [11.03.15] - Venant compléter les données déjà communiquées par Artprice, le Conseil des Ventes Volontaires et le rapport d’Art Economics pour TEFAF dressent un portrait morose du marché de l’art en France, alors qu’il se porte plutôt bien à l’échelle mondiale.

Le marché de l’art mondial, tous canaux confondus, a progressé de 7,5 % pour s’établir à 51,2 milliards d’euros. La progression est un peu moindre que l’an dernier (8,1 %) mais elle permet d’effacer les plongeons consécutifs à la crise financière de 2008-2009 et d’établir un nouveau sommet. Selon Clare McAndrew de Art Economics qui rédige depuis maintenant 7 ans ce rapport commandé par la foire TEFAF, ce sont surtout les Etats-Unis ( 10 %) et plus encore la Grande-Bretagne ( 17 %) qui alimentent la croissance. La Chine, elle enregistre une baisse de 0,5 % et pèse du même poids que la Grande-Bretagne (22,4 % pour la première et 21,9 % pour la seconde), loin derrière les Etats-Unis (38,8 %). Les Etats-Unis sont donc, de loin et encore pour de nombreuses années la première place du marché de l’art.

La France ne semble pas tirer parti de ce contexte favorable, puisque selon Art Economics, son marché de l’art n’a augmenté que de 1 % pour s’établir à 3 milliards d’euros. Son poids dans le marché mondial perd 0,1 point : 5,9 %. Elle est cependant la quatrième place de marché dans le monde.

Les chiffres totaux d’Art Economics doivent cependant être relativisés compte tenu de la méthodologie employée. Alors que pour le canal des ventes aux enchères les données sont fournies par Artnet et par AMMA (Art Market Monitor of Artron, une société chinoise) et sont la somme des milliers d’adjudications, les ventes des marchands (galeries et antiquaires) sont collectées par un questionnaire en ligne adressé à 6 000 marchands auxquels répondent 13 % des intéressés. Il faudra s’accommoder encore longtemps de l’opacité des données des marchands qui représentent pourtant plus de la moitié des ventes, 52 % selon Art Economics. Le rapport apporte cependant cette année un éclairage intéressant sur le poids des salons dans l’activité des marchands et confirme ce que l’on pressentait : les antiquaires et galeries réalisent 40 % de leurs ventes dans les foires. Une tendance lourde corrélée à la multiplication des foires importantes dans le monde. Elles étaient 55 en 2000 et sont maintenant au nombre de 180.

L’art contemporain tire la croissance mondiale des enchères
Il faut donc se tourner vers les ventes aux enchères pour disposer d’informations plus précises sur les objets vendus, en gardant en tête que ce canal de vente ne pèse que la moitié (48 %) du marché de l’art. C’est le canal qui progresse le plus vite en 2014 : 9 %. Le poids des pays est sensiblement modifié lorsque l’on ne prend en compte que les ventes publiques. La Chine consolide sa deuxième place (31 % de parts de marché) car les maisons de ventes chinoises sont beaucoup plus développées (70 % du marché chinois contre 52 % dans le monde) que les antiquaires ou galeries. Les Etats-Unis conservent cependant la première place (35 %) tandis que la Grande-Bretagne est sur la troisième marche du podium avec 20 % du marché mondial des ventes aux enchères. Le poids de la France est plus faible encore dans le canal des ventes aux enchères : 5 %.

Artprice qui analyse le seul segment des ventes de Fine Art (peintures, sculptures, estampes, photographies), soit un peu moins de la moitié des ventes aux enchères d’art et Art Economics (Artnet et AMMA) constatent l’un et l’autre une stagnation voire une baisse des ventes aux enchères en Chine. Art Economics estime que le total des ventes aux enchères en Chine a baissé de 1 % en monnaie locale mais a augmenté de 1 % en euros. Artprice indique une baisse de 5 % du produit d’adjudication de Fine Art en Chine. Il est à noter qu’Artprice a revu à la hausse le produit d’adjudication en Chine pour 2013. Estimé à 4,078 milliards de dollars l’an dernier, le chiffre d’affaires Fine Art de la Chine (incluant désormais Taiwan) pour 2013 a été réévalué à 5,95 milliards de dollars dans le rapport 2015.

La croissance des ventes aux enchères est tractée par l’art contemporain qui progresse nettement plus vite que tout le canal : 19 % contre 7 % pour toutes les ventes aux enchères. Le poids de l’art contemporain ne cesse de progresser puisqu’il pèse maintenant 48 % des ventes aux enchères de Fine Art soit 24 % du total des ventes aux enchères. Les ventes aux enchères d’art moderne ont moins progressé que tout le canal (6 % contre 7 %), tandis que les ventes aux enchères d’art impressionniste se sont mieux comportées : 10 % comme les ventes aux enchères de peintures anciennes : 11 %.

Les ventes aux enchères en France piquent du nez
Le Conseil des Ventes Volontaires (CVV) qui a maintenant bien compris l’intérêt de communiquer au plus vite les chiffres que lui donnent toutes les maisons de ventes, confirme la morosité du marché français des ventes aux enchères qui a baissé de 1,1 % en 2014 (1,254 milliard d’euros). Hors ventes courantes, joaillerie, vins et voitures, la baisse est plus importante encore : -5 %. Les bons résultats de Sotheby’s France ( 13 %) et d’Artcurial ( 6 %), malgré la contreperformance de Christie’s (-4 %) avaient laissé penser en fin d’année que le marché français se maintenait. Mais si le CA des 20 premiers opérateurs a augmenté de 1 %, celui des 354 autres a baissé. A l’instar des ventes à Drouot qui ne cessent de perdre du terrain. Alors que l’hôtel des ventes parisien détenait 59 % du marché total en 2005, son poids a chuté à 35 % en 2014, perdant encore 3 points par rapport à 2013. La baisse est plus marquée en province puisqu’elle atteint -9 %, tandis que les ventes de gré à gré elles aussi décrochent (-9 % également). Si le CVV fait remarquer la stabilité du nombre d’opérateurs, il pointe cependant le mouvement continue de concentration : les 20 premiers opérateurs réalisent 59 % du chiffre d’affaires ( 2,3 points).

Les chiffres d’Artprice sont encore plus sombres pour les ventes aux enchères en France de Fine Art. La société de Thierry Ehrmann estime la baisse à près de 10 %.

Malgré l’optimisme de la présidente du CVV, Catherine Chadelat, qui invitait les journalistes ce matin lors de la présentation des résultats à regarder positivement les résultats de la France, le tableau qui se dessine pour l’année 2014 n’est pas très rieur à l’aune de la situation mondiale.

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Catherine Chadelat - Présidente du Conseil des Ventes Volontaires - 2012 - © courtesy Conseil des Ventes Volontaires

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