Retrait d’une photographie du Mois de la photo à Paris pour son caractère « incestueux »

Par Cléo Garcia · lejournaldesarts.fr

Le 5 novembre 2014 - 741 mots

PARIS [05.11.14] – La photographie de l’artiste Diane Ducruet, qui devait être présentée à la galerie Catherine Houard dans son exposition organisée dans le cadre du Mois de la photo a été décrochée après des protestations dénonçant son caractère « pédophile » et « incestueux ». Ce retrait, perçu dans les milieux artistiques comme une censure, suscite de fortes réactions.

Avant même l’ouverture de son exposition « L’intime comme illusion », organisée dans le cadre du Mois de la Photo à Paris, la galerie Catherine Houart a choisi de décrocher une de ses photographies sous la pression de sept lettres anonymes et de quelques réactions sur les réseaux sociaux, a révélé Rue89. Les auteurs des plaintes demandant le retrait de l’œuvre reprochent à celle-ci un caractère « pédophile » et « incestueux ».

La photographie en question est signée Diane Ducruet, une artiste dont une partie du travail se concentre depuis une quinzaine d’années sur les relations familiales, comme le reflète son site internet. Il s’agit d’un quadriptyque intitulé Mother and Daughter II, représentant, en quatre prises de vue de tailles différentes, l’étreinte des deux corps nus de l’artiste et sa fille, formant une masse confuse de membres entrelacés. L’artiste décrit cette œuvre au Monde comme une « figure chimérique, inspirée par la mythologie ». « On voit les deux corps qui s’affrontent, à la fois en lutte et en fusion, mais dans le calme, sans hystérie, les poings ne sont pas serrés, les muscles ne sont pas tendus », poursuit-elle.

Les protestations ne concernent cependant pas la photographie qui figure sur le carton d’invitation de l’exposition et qui n’est d’ailleurs pas présentée à la galerie. Cette photographie, cadrée cette fois sur les visages de l’artiste et de sa fille, les montre face à face, se tenant par les épaules : la mère y couvre de sa bouche le visage entier de sa fille.

En déplacement à l’étranger, la galeriste Catherine Houart aurait, après la réception de sept lettres anonymes, consulté le directeur de la Maison Européenne de la Photographie (MEP) Jean-Luc Monterosso , et aurait sur ses conseils décidé de décrocher l’œuvre de Diane Ducruet. La galerie ayant accepté au dernier moment d’héberger à titre gracieux cette exposition groupée qui devait originellement se tenir dans une autre galerie, qui avait entre-temps fait faillite, n’aurait pas eu son mot à dire dans le choix des œuvres et n’a donc pas voulu « courir le risque » que des personnes viennent détruire l’œuvre, « surtout dans une exposition dont nous ne sommes pas responsables des œuvres. »

Jean-Luc Monterosso dément dans Rue89, toute intervention dans la décision de décrocher l’œuvre et rappelle que « les expositions présentées dans les lieux labellisés par Le Mois de la photo relèvent de l’entière responsabilité du commissaire de l’exposition et du responsable du lieu dans lequel l’exposition est présentée ». Catherine Houard, dont la galerie a été contactée par Le Journal des Arts, n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet.

Mais ce retrait fait place à une autre controverse que celle qui l’a provoquée : la galerie et la MEP sont accusés de censurer les artistes. Adressant sur son blog une lettre ouverte à Jean-Luc Monterosso, la photographe Marie Docher s’indigne: « Que la MEP soutienne une telle décision pourrait laisser croire que vous ne soutenez pas les artistes qui sont dans votre catalogue et acceptez la censure vulgaire et répugnante de quelques personnes. » Elle suggère à la galerie et à la MEP de revenir sur la décision : « Vous qui défendez les photographes, il est encore temps de le prouver en exposant l’œuvre censurée à la MEP, en bonne place, durant tout le Mois de la Photo, et en expliquant clairement pourquoi vous le faites. Nous sommes persuadés que vous avez à cœur de défendre la liberté d’expression et la liberté de travailler. »

Diane Ducruet a confié à Rue89 ne pas comprendre « comment une galeriste et un responsable d’une institution censée promouvoir le travail des artistes, ont pu, sans la moindre menace, sur la simple demande d’anonymes, et sans réellement connaître mon travail passé et présent, décider de décrocher une œuvre. » Elle se défend sur les accusations de pédophilie et d’inceste en interprétant celles-ci comme « des peurs ou des fantasmes ». « Ça ne m’intéresse pas de rentrer dans ce débat », explique-t-elle.

Diane Ducruet ainsi que les autres artistes exposés à la Galerie Catherine Houard seront sur place le 8 novembre 2014.

Légende photo

Diane Ducruet, Mother & Daughter II, 2014, digital work, serie in progress. © Diane Ducruet Art Works / www.dianeducruet.com

Carton d'invitation de l'exposition de groupe « L’intime comme illusion » à la galerie Catherine Houard dans le cadre du Mois de la photographie ; la photo de Diane Ducruet est en haut à gauche.

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