Peinture ancienne : les risques pris ont payé

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 9 décembre 2013 - 898 mots

LONDRES (ROYAUME-UNI) [09.12.13] - On le croit fragile mais les bons résultats des ventes de Londres prouvent qu’une fois encore, le marché de la peinture ancienne reste solide. Des estimations plutôt élevées n’ont pas découragé les acheteurs.

De bons résultats ont couronné les ventes de fin d’année à Londres de tableaux anciens, avec un total de près de 75 millions de livres récoltées en trois ventes du soir (90 millions d’euros). Mais cette année, la surprise n’est venue ni de Christie’s, ni de Sotheby’s ; comme en décembre 2012 où un dessin de Raphaël, une Tête de jeune apôtre était adjugé 29,7 millions de livres (36,6 millions d’euros) ; mais de Bonhams, qui détenait de loin le plus beau tableau. Portrait de François-Henri d’Harcourt, de Fragonard a été adjugé 17,1 millions de livres (20,5 millions d’euros), nouveau record mondial pour l’artiste et tableau ancien le plus cher payé dans le monde pour l’année 2013. Issue de la célèbre collection du Docteur Rau, le produit de la vente ira au bénéfice de l’UNICEF. Quoiqu’il en soit, « les risques pris ont payé, ce qui prouve que le marché est vraiment très fort », commente Eric Turquin, expert.

Du côté de Sotheby’s, 33,5 millions de livres frais compris ont été récoltés lors de sa vente du soir du 4 décembre, dépassant presque l’estimation haute fixée à 33,3 millions de livres. Sur les 48 lots proposés, 35 ont trouvé acquéreur. Concernant les adjudications des œuvres phares, sans grand étonnement elles sont restées dans la fourchette de leurs estimations. Les deux vues de Venise, très classiques, de Canaletto, La Place Saint Marc et le Pont Rialto, estimée 8 à 12 millions de livres la paire, ont été adjugées 9,6 millions de livres. Un sort identique était réservé au Portrait d’homme en noir, de Frans Hals, vendu 2,9 millions de livres pour une estimation de 2 à 3 millions ainsi qu’au Paysage d’hiver avec des patineurs sur une rivière gelée traversant un village, de Aert van der Neer, de même estimation, acquis pour 2,6 millions de livres. Deux surprises, cependant. L’une concerne un intriguant Portrait d’homme, par Rubens, estimé correctement 400 000 à 600 000 livres et qui s’est envolé à 3,2 millions de livres, plusieurs collectionneurs russes poussant les enchères jusqu’à ce qu’un collectionneur privé nord-américain l’emporte. Le marché a donc cru en la réattribution de l’œuvre au grand maître flamand telle qu’elle l’était au XIXe siècle mais qui lors de sa vente en décembre 2003 chez Christie’s Paris, était présenté comme étant du cercle de Rubens. Notons que c’est cet artiste qui détient le record pour un tableau ancien en vente publique, avec le Massacre des innocents, vendu en juillet 2002 chez Sotheby’s Londres (49,5 millions de livres). L’autre surprise, Lucrèce, de Lucas Cranach l’Ancien, un panneau circulaire de 15 centimètres de diamètre, « un vrai bijou, dans un état merveilleux », selon Eric Turquin, s’est vendu 1 million de livres, sur une estimation de 300 000 à 500 000 livres.

La veille, Christie’s totalisait 21,8 millions de livres frais compris, un peu en dessus de son estimation basse de 20 millions de livres et loin derrière son estimation haute de 27,5 millions de livres. Sur les 46 lots proposés, 33 ont trouvé preneur, soit 72 % de lots vendus. Son oeuvre phare, Un Port de la Méditerranée au lever du soleil avec l'embarquement de Sainte Paule pour Jérusalem, de Claude Lorrain (1600-1682), s’est vendu 5 millions de livres, dans la fourchette haute de son estimation, record mondial pour l’artiste. « C’est un tableau admirable, surtout pour sa lumière au premier plan et la couleur de l’eau, même s’il manquait un peu de contenu au second plan. Je n’avais pas vu de Claude Gellée dans cet état-là depuis très longtemps », commente Eric Turquin. Un Portrait d’homme avec une épée, de Rembrandt et atelier, estimé 2 à 3 millions de livres, a été adjugé 2,5 millions de livres, un prix qui peut paraitre un peu faible pour un Rembrandt, mais élevé pour un tableau dont l’attribution a été longuement discutée ces dernières années.

Quant aux deux tableaux de Pieter Brueghel le Jeune, Le Piège à oiseaux, (est 800 000 à 1 million de livres), un peu usé, et le Paiement de la dîme, tous deux ont trouvé preneurs, respectivement à 1,2 et 1 million de livres. Cette version du Paiement de la dîme a obtenu un prix moins élevé que la version, certes plus ancienne, adjugée chez Artcurial le 13 novembre dernier pour 1,6 million d’euros soit 1,3 million de livres, record mondial pour l’artiste. Déception tout de même pour l’admirable nature morte de Jan Davidsz De Heem, pas vu sur le marché depuis 50 ans mais « gâchée par une estimation trop haute », selon Eric Turquin (est. 1,5 à 2,5 millions de livres). Sans doute, la maison de ventes s’est laissé emporter par le résultat de Fleurs dans un vase en verre vendu 3 millions de livres en juillet 2013 à Londres.

CHRISTIE'S, 3 DECEMBRE (VENTE DU SOIR)

Expert : Georgina Wilsenach
Total : 21,8 millions de livres
Estimation : 20 à 27,5 millions de livres
Nombre de lots : 46
Taux de vente : 72 %

SOTHEBY'S, 4 DECEMBRE (VENTE DU SOIR)

Expert : Andrew Fletcher
Total : 33,5 millions de livres
Estimation : 22,2 à 33,3 millions de livres
Nombre de lots : 48
Taux de vente : 72,9 %

Légende photo

Jean-Honoré Fragonard, Portrait de François-Henri d'Harcourt, huile sur toile, estimation : 15 000 000 livres, vente du 5 décembre, Bonham's, Londres. © Bonham's.

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