Musée

Un nouveau souffle pour le musée de la Libération

Par Isabelle Manca · Le Journal des Arts

Le 27 février 2019 - 851 mots

PARIS

Transféré de la gare Montparnasse à la place Denfert-Rochereau, le nouveau musée consacré à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale rouvrira ses portes en août pour le 75e anniversaire de la libération de Paris.

Paris. Visibilité et lisibilité : tel est le mantra des acteurs du nouveau Musée de la Libération de Paris, qui ont égrené ces maîtres-mots lors de la visite de chantier à laquelle les journalistes s’étaient déplacés en nombre le 12 février. Et ce n’est pas faire injure au musée que de reconnaître qu’il manquait en effet de visibilité autant que de lisibilité. Musée municipal le moins fréquenté de la capitale, il n’accueillait que 10 000 visiteurs par an, et 14 000 les années de forte affluence. À sa décharge, l’établissement inauguré en 1994 ne jouissait pas d’un emplacement idéal, car il était perdu sur la dalle de la gare Montparnasse, dans un édifice évoquant davantage un bâtiment administratif qu’un musée traditionnel. L’idée de lui offrir un écrin plus adapté et central était en gestation depuis plusieurs années ; sa concrétisation a été actée par Anne Hidalgo, qui avait inscrit le projet dans son contrat de mandature. Ce chantier d’un montant de 20 millions d’euros, soit le plus important de l’ère Hidalgo après la rénovation du Musée Carnavalet, a toutefois connu quelques détracteurs, à commencer par les élus du 15e arrondissement, qui voyaient d’un mauvais œil cet établissement quitter leur giron. Le cahier des charges du nouveau musée était complexe, puisqu’il fallait un lieu plus visible, historiquement cohérent avec le propos de l’établissement et disposant d’une importante surface. Autant dire que les sites compatibles n’étaient pas légion et le musée a logiquement pris ses quartiers dans un des pavillons Ledoux sis place Denfert-Rochereau. Un emplacement significatif, puisque la place a été traversée par la 2e division blindée du général Leclerc et que le chef des Forces françaises de l’intérieur d’Île-de-France y avait installé son poste de commandement (voir encadré). Le pavillon avait par ailleurs l’avantage d’abriter des services municipaux – l’inspection générale des carrières et le laboratoire d’essai des matériaux – et donc de pouvoir être libéré rapidement.

Une identité plus lisible 

Ce transfert permet aussi de réhabiliter un patrimoine exceptionnel : les pavillons d’octroi érigés par Ledoux sous Louis XVI. Le pavillon ouest est désormais consacré au musée, tandis que son pendant oriental accueille la nouvelle entrée des Catacombes. « Ce double projet nous a permis de travailler de manière cohérente sur les deux pavillons pour mettre en valeur l’architecture de Ledoux, car cette barrière est l’une des plus complètes qui subsiste, mais aussi la moins lisible en raison de ses aménagements successifs », explique Christophe Batard architecte en chef des Monuments historiques. La corrélation entre les deux sites n’est au demeurant pas anecdotique, puisque les responsables espèrent que le musée tirera profit de sa proximité avec les Catacombes, qui drainent 500 000 personnes par an, et tablent sur une fréquentation de 80 000 visiteurs. Pour séduire ce large public le musée a d’ailleurs procédé à un indispensable aggiornamento. Le propos du musée était en effet guère lisible et son positionnement peu clair, comme le laisse supposer son nom à rallonge : Musée de la Libération de Paris-Musée du général Leclerc-Musée Jean Moulin. « À l’origine, il s’agissait deux entités séparées : d’une part, un Musée Jean Moulin et, d’autre part un mémorial du général Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris », rappelle sa directrice Sylvie Zaidman. La cohabitation de deux circuits étanches ne facilitait évidemment pas la compréhension de cette histoire. « Le public n’a plus les mêmes références historiques aujourd’hui, il faut donc le prendre par la main avec un parcours très lisible et pédagogique ; d’où l’idée d’un fil chronologique et d’un parcours montrant ce qu’a été cette guerre au travers de l’engagement de ces deux hommes. » Le parcours totalement refondu mise aussi sur une scénographie incarnée évoquant les ambiances dans lesquelles ont évolué les résistants, mais aussi la liesse populaire. Verdict le 25 août pour l’inauguration du musée à l’occasion du 75e anniversaire de la Libération de Paris.

Le PC du colonel Rol-Tanguy  

 

ANNEXE. Le nouveau musée joue à fond la carte patrimoniale. Outre le pavillon Ledoux, le visiteur pourra ainsi pénétrer dans un autre monument jamais ouvert au public : le poste de commandement (PC) du colonel Rol-Tanguy. Situé à une vingtaine de mètres sous terre dans un abri de défense passive construit en 1938, ce haut lieu de la Résistance a hélas été profondément altéré, notamment par les cataphiles, qui y ont longtemps organisé des fêtes en toute illégalité. Leurs nombreux tags ont été en partie effacés et le site a été totalement restauré. Pour conserver son atmosphère chargée d’émotion, mais aussi en raison des conditions climatiques extrêmes (100 % d’humidité), les responsables du chantier ont opté pour une scénographie minimaliste. Celle-ci se limite ainsi à quelques panneaux informatifs, des sons d’ambiance et de rares objets comme un système de ventilation d’époque utilisé pour rendre ces souterrains respirables. Le visiteur désireux d’une immersion plus complète se verra proposer une visite en petit groupe muni de dispositif de réalité augmentée.

 

Isabelle Manca

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°518 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Un nouveau souffle pour le musée de la Libération

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