Musée

Paris a son grand musée de la Seconde Guerre mondiale

Par Isabelle Manca · Le Journal des Arts

Le 5 septembre 2019 - 807 mots

PARIS

À l’heure du 75e anniversaire de la Libération de Paris, le musée consacré à l’événement a ouvert dans le pavillon Ledoux, dans un lieu symbolique. La muséographie, riche et vivante, a été complètement repensée.

Paris. Jeudi 22 août c’était l’affluence des grands jours à Paris. Presse artistique, magazines d’histoire, quotidiens et télévisions s’étaient donné rendez-vous place Denfert-Rochereau pour couvrir un événement rare : l’ouverture d’un nouveau musée dans la capitale. En effet, plus qu’un déménagement, c’est une véritable métamorphose que s’est offert le « Musée de la Libération de Paris – Musée du Général-Leclerc – Musée Jean-Moulin ». C’est bien simple, pratiquement tout a changé, à l’exception de son nom à rallonge ; une appellation guère compatible avec la tendance actuelle du branding mais qui témoigne d’une histoire singulière.

Le musée originel inauguré pour le cinquantenaire de la Libération abritait ainsi sous le même toit deux structures : d’un côté un mémorial consacré au maréchal Philippe Leclerc de Hauteclocque et à la Libération, de l’autre un musée dévolu à Jean Moulin. L’établissement pâtissait de cette organisation en deux parcours étanches empêchant une vision d’ensemble de cette période complexe. Il souffrait plus encore d’un emplacement confidentiel car il était perdu sur la dalle de la gare Montparnasse dans un édifice austère. Ce double handicap nuisait à la fréquentation du site puisqu’il drainait péniblement 14 000 visiteurs les meilleures années. Ce qui en faisait le musée municipal le moins fréquenté de la capitale, alors même que la Seconde Guerre mondiale est l’une des périodes les plus populaires de l’histoire contemporaine et que les autres musées spécialisés sur le sujet attirent un public massif.

Un musée accessible et incarné

Pour lui donner la visibilité qu’il mérite, la Ville de Paris a décidé de le localiser dans un lieu central et historiquement pertinent. Le musée se déploie désormais dans le pavillon Ledoux face aux très touristiques Catacombes et sur la place traversée par la 2e DB du général Leclerc, au-dessus du PC de Rol-Tanguy (le chef des FFI d’Île-de-France). Cerise sur le gâteau, cet abri secret d’où a été téléguidée l’insurrection de Paris se dévoile pour la première fois au public et propose une visite en « réalité mixte », qui devrait particulièrement séduire les adolescents et jeunes adultes.

Plus accessible géographiquement, le musée l’est aussi intellectuellement grâce à un parcours totalement refondu, résolument lisible et pédagogique. Le circuit propose ainsi un contenu très riche multipliant les outils didactiques. Cartels développés, panneaux de salle, extraits de films, cartes interactives et dispositifs multimédia rythment la visite et la rendent très vivante, tout en évitant l’écueil de la cacophonie. Le nouveau parcours fait par ailleurs le pari payant de la simplicité et de l’incarnation. Il déroule en effet un fil chronologique clair, rappelant les principaux épisodes des années 1930 à la Libération, en s’appuyant sur le destin des protagonistes de la période. « Tout en conservant le général Leclerc et Jean Moulin comme ligne directrice, nous voulions ouvrir davantage le propos en racontant la trajectoire d’autres acteurs de ce moment historique à travers des objets signifiants témoignant de leur engagement, mis en valeur par une scénographie sensible », explique Sylvie Zaidman, directrice de l’établissement.

Ce parti pris se traduit par un accrochage très « incarné » présentant relativement peu de pièces puisque le musée n’expose que 300 objets, documents, archives et œuvres d’art sur les 7 000 que comptent ses collections. Ces pièces triées sur le volet sont sublimées par une scénographie efficace et immersive. « Le défi était de créer des ambiances et de faire ressentir des sensations au visiteur pour lui faire comprendre que cette histoire se déroule dans des temporalités et des géographies distinctes, grâce à l’utilisation de codes couleurs et la création d’atmosphères différentes », résume la scénographe Marianne Klapisch. Les salles basses de plafond du pavillon Ledoux ont ainsi été traitées dans des tonalités sourdes pour accueillir les objets narrant la Résistance, suggérant ainsi la sensation de confinement et d’oppression vécue par ces clandestins. À l’opposé, la salle évoquant la progression de la colonne Leclerc dans le désert se déploie dans un espace aéré et lumineux tandis que la section consacrée à la Libération est carrément installée dans un puits de lumière pavoisé restituant la liesse de l’événement.

Le circuit met en avant des pièces qui frappent par leur importance historique ou leur pouvoir d’évocation. Impossible ainsi de rester de marbre devant la combinaison de Moulin, sa collection de tableaux exposée dans la galerie qui lui servait de couverture, ou encore face à la vareuse et à la canne de Leclerc ou à l’inattendue selle de dromadaire d’un Touareg faisant partie de la colonne du général. Le parcours ménage par ailleurs des effets spectaculaires comme le surgissement d’un drapeau floqué d’une croix gammée, ou l’installation multimédia narrant l’Exode. Soixante-quinze ans jour pour jour après la Libération, Paris dispose enfin de son grand musée de la Seconde Guerre mondiale.

Musée de la Libération de Paris – Musée du Général-Leclerc – Musée Jean-Moulin,
place Denfert-Rochereau, 4, av. du Colonel Henri Rol-Tanguy, 75014 Paris, du mardi au dimanche 10h-18h, entrée libre, www.museeliberation-leclerc-moulin.paris.fr

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°528 du 6 septembre 2019, avec le titre suivant : Paris a son grand musée de la Seconde Guerre mondiale

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