Royaume-Uni - Patrimoine

L’atelier de Kurt Schwitters en Angleterre va être vendu

Par Alexandre Clappe · lejournaldesarts.fr

Le 19 octobre 2022 - 587 mots

LAKE DISTRICT / ROYAUME-UNI

La grange-atelier était le dernier « Merzbau » existant de l’artiste allemand exilé en Angleterre pendant la guerre.

La Merz Barn (« grange Merz ») de l'artiste allemand Kurt Schwitters (1887-1948) dans le nord-ouest de l’Angleterre, va être vendue. Faute de financement public suffisant, le site fermera le mois prochain et sera probablement cédé à un promoteur immobilier, malgré les dons d'artistes connus tels que Bridget Riley, Antony Gormley, Damien Hirst et Tacita Dean.

Issu du mouvement dada, Schwitters est considéré comme le pionnier du pop art et de l’art conceptuel par ses collages d'objets trouvés et de déchets. Il a inspiré le travail de ses contemporains comme les sculpteurs Barbara Hepworth et Henry Moore. Né à Hanovre (Allemagne) en 1887, Schwitters a étudié l'art à l’académie de Dresde aux côtés d'Otto Dix et participé aux avant-gardes à Berlin au début du siècle dernier. 

Se détournant de la peinture traditionnelle en 1918, il développe un travail fondé sur l’assemblage et le collage de matériaux trouvés dans la rue : affiches, journaux, billets de bus, morceaux de tissus, boutons… Rejeté par le club dada de Berlin pour cause d'engagement chez le rival expressionniste, il fonde un mouvement parallèle qu’il nomme Merz, suite au découpage d’une affiche d’une banque de commerce, « Kommerzbank » dont il ne garde que les lettres centrales pour un de ses tableaux-collages. 

Célébré pendant la République de Weimar, Schwitters fuit en 1937 le régime nazi, qui le considère comme un « artiste dégénéré ». Il s’exile en Norvège puis au Royaume-Uni en 1940, où il est d’abord interné dans des camps parce qu’allemand. Il s’installe finalement dans le Lake District en 1945 et entreprend d’y créer un Merzbau, une habitation conçue à partir d’objets trouvés, après ceux qu’ils avaient réalisés à Hanovre et en Norvège, dont il ne reste plus rien aujourd’hui. 

Il transforme alors la grange qui lui sert d’atelier dans le petit village d’Elterwater, insérant des objets dans les murs de ciment. Ce projet ambitieux est resté inachevé à la mort de l'artiste en 1948 et la maison s’est progressivement abîmée. Dans les années 1960, le mur le plus complet avait été transféré à la Hatton Gallery de Newcastle. Restée ouverte au public grâce au soutien de l'Arts Council England et à des dons d'artistes la grange est devenue un site patrimonial apprécié de la région.

Mur de la Merz Barn de Kurt Schwitters transféré à la Hatton Gallery. © Newcastle University
Mur de la Merz Barn de Kurt Schwitters transféré à la Hatton Gallery.
© Newcastle University

Ian Hunter et Celia Larner, qui entretenaient la Merz Barn depuis 2006 abandonnent aujourd’hui la partie. Respectivement âgés de 75 et 85 ans, ces deux passionnés de l’artiste ont fondé ensemble le Littoral Arts Trust afin de protéger la grange mais ne peuvent bénéficier éternellement du soutien financier de l'Arts Council England. Ils se résignent à mettre en vente la propriété de 5 hectares. « C'est un moment vraiment douloureux pour nous, a déclaré Ian Hunter au Guardian. C'est un site tellement important, tellement apprécié par de nombreux artistes. Mais nous n'avons plus d'argent et nous devrons mettre en vente l'ensemble du domaine. »  

Jusqu'à il y a quelques mois, ils espéraient protéger le site des appétits immobiliers, essayant sans succès de mettre en place un consortium pour l’acheter. En 2017, le trust avait refusé 350 000 £ d’un promoteur car il n'y avait aucune garantie que l’identité culturelle et historique de la Merz Barn soit protégée. « Nous avons déjà reçu l'intérêt de nombreux acheteurs qui veulent utiliser le terrain, poursuit M. Hunter. Le mieux que nous puissions faire est de mettre en place une convention restrictive qui, nous l'espérons, préservera la grange de la destruction ».

Thématiques

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque