Politique

Éditorial

Jacques Chirac et son mentor

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 3 octobre 2019 - 378 mots

Politique. Jacques Chirac considérait Georges Pompidou comme son père en politique et l’on peut se demander s’il ne l’a pas également pris comme modèle.

Un ouvrage co-édité récemment par les Archives nationales, sous la direction de Christine Manigand et Vivien Richard (Dans l’intimité du pouvoir. La présidence de Georges Pompidou, éditions Nouveau monde, 2019) invite à la question, au moins sous l’angle du rapport à l’art.

Tous deux ont mis en avant leurs racines rurales (la Corrèze pour l’un, l’Auvergne pour l’autre) pour jouer, voire surjouer la proximité avec les gens. Et tous deux, à un moment ou à un autre, ont affiché leur goût pour la culture savante. C’est précisément dans le choix divergent de ce moment qu’il est difficile d’envisager une filiation.

Georges Pompidou a toujours laissé transparaître sa passion pour la poésie. Il ne pouvait cependant pas faire autrement ; normalien, professeur de lettres au lycée Henri IV, il a même publié, en 1961, une Anthologie de la poésie française. En 1969, interrogé sur l’affaire Gabrielle Russier (une professeure qui se suicide après avoir entretenu une liaison avec un de ses élèves), il répond par des vers d’Aragon. Cette séquence avait à l’époque profondément marqué l’opinion publique (l’ouvrage révèle qu’elle avait été préparée). Il ne cachait pas non plus son intérêt pour l’art contemporain et le design, témoignant d’une « obsession de la modernité » selon Chirac. Soit dit en passant, si la postérité lui reconnaît à jamais ce tropisme pour la création, incarné par « Beaubourg », elle devrait aussi reconsidérer le souvenir de l’exposition injustement critiquée de 1972 au Grand Palais.

Jacques Chirac, on l’a dit et redit, a longtemps caché son amour pour les arts non occidentaux. Autant les Français entretenaient et entretiennent encore un rapport familier avec les arts premiers africains (l’héritage colonial), autant les civilisations chinoises et japonaises leur sont éloignées au point de lever un soupçon sur ceux qui les apprécient plus que de raison. Là où Georges Pompidou pouvait sans risque collectionner les Nouveaux Réalistes et afficher ses goûts, Jacques Chirac craignait peut-être d’apparaître comme un promoteur de cette mondialisation qui fait si peur dans les terroirs. On peut formuler l’hypothèse qu’il aurait aimé mettre ses pas dans ceux de son mentor, mais la nature de ses affinités électives l’en a empêché.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°530 du 4 octobre 2019, avec le titre suivant : Jacques Chirac et son mentor

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