Analyse

Y aura-t-il un « effet Madrid » ?

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 2 avril 2004 - 608 mots

Après les attentats qui ont endeuillé le monde, on peut s’interroger sur les effets de l’actualité géopolitique sur le marché de l’art.

Les trois dernières semaines ont été évidemment marquées par les attentats de Madrid. Au-delà du drame humain, on peut s’interroger sur leurs effets sur le marché de l’art.
On se souvient que le 11 Septembre avait donné un coup de froid sur les ventes si importantes du quatrième trimestre et enclenché la morosité d’un marché dont on tarde à percevoir les signes de reprise (lire ci-dessous l’entretien de Me Doutrebente). Les économistes ont cependant bien souligné que les événements géopolitiques depuis 2001 n’avaient fait qu’accompagner ou amplifier un ralentissement économique qui prenait sa source dans l’éclatement de la bulle Internet et la chute subséquente des marchés boursiers. Pour autant, le marché de l’art, par la nature des biens, est plus dépendant de l’état d’esprit ambiant. Si, selon l’adage bien connu, les boursiers « achètent au son du canon », les collectionneurs, eux, « achètent au son du clairon ».
Les éditions de Tefaf Maastricht paraissent marquées par le contexte international. L’an dernier déjà, la foire s’ouvrait en même temps que débutait la guerre en Irak. « On ne s’en sortira jamais », entendait-on chez certains exposants. Pourtant, la dix-septième Tefaf qui s’est terminée le 14 mars a semblé être plus active que l’édition précédente (lire le JdA n° 189, 19 mars 2004).
Entre-temps, Paris est redevenue temporairement la capitale du marché de l’art grâce à la Semaine du dessin. Comme au festival d’Avignon, le « in », c’est-à-dire le Salon du dessin, se laisse progressivement déborder par le « off », les expositions de galeristes et les ventes publiques spécialisées. Le Salon a indiscutablement retrouvé un second souffle avec un nouveau lieu, le palais Brongniart, parfaitement adapté à la superficie de l’exposition. La fréquentation tout autant que les ventes directes ou les prises de contact s’inscrivent en hausse par rapport à 2003. Dans une configuration plus resserrée, les 14 galeristes du Quartier Drouot qui ont organisé une exposition de dessin, précisément le 11 mars, ont obtenu des résultats contrastés. Malgré une soirée de vernissage où chacun avait fait des efforts méritoires quant à l’accueil et aux œuvres présentées, les visiteurs-collectionneurs ont été inégalement présents tout au long de la quinzaine. Peut-être eût-il fallu programmer l’événement en même temps que le salon. Enfin, le « off », ce sont également les quatre belles ventes publiques de Tajan, Thierry de Maigret, Christie’s et Piasa, au bilan plutôt satisfaisant (lire p. 24).
En définitive, à s’en tenir à la Semaine du dessin, des signes de frémissement du marché sont perceptibles, ce qui laisserait penser que le 11 mars n’a pas trop atteint le moral des acheteurs.
Reste qu’il faudra un jour mieux définir le marché de l’art, ou plus exactement, les marchés qui le composent. Les situations sont totalement différentes selon que l’on analyse l’activité des grands antiquaires parisiens ou celle des maisons de ventes, des Puces ou des galeries d’art contemporain. Pour un antiquaire spécialisé dans le mobilier de luxe XVIIIe siècle, moins coté ces temps-ci, on compte plusieurs galeries qui proposent avec succès des œuvres de jeunes artistes à des prix compris entre 4 000 et 6 000 euros. Dans le même temps, il serait judicieux que la profession s’organise pour établir un observatoire des ventes non publiques. De nombreux marchands s’inquiètent d’un éventuel déplacement des acheteurs vers les maisons de ventes. Par une mise en confiance des acheteurs, une meilleure visibilité sur leurs résultats ne pourrait que contribuer à ralentir ce supposé mouvement tout en permettant de mieux corréler l’activité de la profession avec l’actualité géopolitique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°190 du 2 avril 2004, avec le titre suivant : Y aura-t-il un « effet Madrid » ?

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