Bruxelles

Voies de passage

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 23 juin 2006 - 509 mots

De (re)lectures en (re)découvertes, plusieurs galeries bruxelloises proposent une exploration des interstices laissés vacants par le temps, la mémoire ou la transformation.

 BRUXELLES - Mario Garcia Torres aime les failles temporelles qui ouvrent des voies de passage entre passé et présent. Jan Mot expose (jusqu’au 8 juillet) deux diaporamas de l’artiste mexicain. Son travail très conceptuel est porté par une sécheresse plastique qui n’exclut nullement la poésie. What Happens in Halifax Stays in Halifax (in 36 Slides) (2004-2006) documente, à partir des souvenirs de plusieurs protagonistes, un projet de l’été 1969, lorsque l’artiste David Askevold demanda à Robert Barry de lui délivrer des « instructions » à faire exécuter par sa classe au Nova Scotia College of Art and Design de Halifax. Une fois le protocole connu, l’enquête se révèle passionnante. Non loin de là, jouant toujours avec les idées de manque et de construction mentale, Moonwalk at Rigo’s Pace (2006) assemble une centaine de petites ampoules au mur. Elles clignotent au rythme d’une musique – inaudible au public – de Rigo Tovar.
À la galerie Dépendance, Tobias Rehberger se livre à une étrange et non moins amusante relecture du passé. Toutes les œuvres de l’exposition sont des réinterprétations de travaux exécutés il y a plusieurs années à l’école d’art de Francfort-sur-le-Main par Michael Callies, copropriétaire de la galerie et alors camarade de classe de l’artiste (jusqu’au 7 juillet). En termes de redécouverte, la galerie Rodolphe Janssen exhume les clichés nets et sans bavures du photographe américain Mitch Epstein, qui utilisa la couleur dès le début des années 1970. La série Recreation (1973-1988) illustre, avec une réjouissante absence d’anecdotes, une american way of life où, de New York au Texas en passant par la Californie et la Floride, prévaut une osmose entre l’humain et le paysage (jusqu’au 15 juillet).
Deux expositions évoquent transformation et manipulation. Adam Fuss, chez Xavier Hufkens (jusqu’au 8 juillet), réutilise dans sa série Ark (2005) des méthodes anciennes afin de fixer les effets d’une goutte tombée sur une flaque d’eau. Les cercles concentriques qui en résultent possèdent une étonnante valeur plastique. À la galerie Taché-Lévy, c’est Nicole Tran Ba Vang qui brouille les pistes avec ses Icônes (1997-2006). Prenant à rebours un travail antérieur de retouche photographique, elle poursuit son questionnement sur la fascination de la société contemporaine pour l’image et l’apparence. Et « déshabille », sur des pages découpées dans des magazines, des modèles à l’aide d’une intervention picturale (jusqu’au 15 juillet).
Chez Erna Hécey, dans un remarquable triptyque vidéo, Jana Sterbak laisse errer à Venise un chien dont le regard sur la ville nous est retransmis grâce à une caméra fixée sur la tête de l’animal (Waiting for High Water, 2004). Assez fascinante, sa délicate vidéo Février (2005) joue, elle aussi, de la mémoire mentale et des souvenirs rétiniens. Tourné dans une patinoire en plein air, dans un parc de Montréal, le film à la temporalité comme étirée reprend la structure du célèbre Paysage d’hiver avec patineurs et piège à oiseaux (1565) de Bruegel l’Ancien, générant une bien curieuse résonance (jusqu’au 1er juillet).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°240 du 23 juin 2006, avec le titre suivant : Voies de passage

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