Peinture

Viallat et le haricot magique

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 26 mars 2014 - 572 mots

Pour sa sixième exposition à la galerie Templon depuis 1998, Claude Viallat a posé son motif récurrent sur des toiles aux imprimés pop.

PARIS - On ne répétera jamais assez comment un artiste — Claude Viallat en l’occurrence – a pu tenir et développer aussi longtemps une œuvre variée et passionnante à partir d’un concept initial si simple, voire pauvre : soit, brièvement résumé, la répétition d’un haricot au pochoir.

Cela fait en effet plus de 45 ans que le peintre né à Nîmes (en 1936), où il vit toujours aujourd’hui, répète cette même forme, devenue sa signature. Depuis 1966 exactement, date où elle apparaît pour la première fois dans son travail et surtout depuis l’été 1969, saison où il devient l’un des fondateurs (avec Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Patrick Saytour, André Valensi…) du groupe Supports/Surfaces. Cette forme que certains au fil du temps ont rapprochée de celle d’un osselet, d’un rein, d’une palette, d’une éponge…

Alors certes, il l’a apposée et déclinée sur de multiples supports (stores, papiers peints, sacs de farine, bâches, parasols, toiles de tente militaire ou de camping, tauds de bateaux, rideaux transparents et doubles-rideaux opaques, dentelles et broderies, assises de chaises, descentes de lits, etc.) puisque tel a toujours été son propos. D’ailleurs tout tissu qui passe à sa portée de main, risque de se prendre un coup de peinture. Mais il a toujours su, à partir de ce strict canevas, renouveler son travail, ce qui n’était sans doute pas acquis au départ.

Le motif répété relève le défi du support imprimé
L’actuelle exposition en est une nouvelle fois la preuve et une magnifique démonstration. Ce n’est pourtant pas la première fois que Viallat travaille sur des supports imprimés : il l’a déjà fait au début des années 1970. Et même chez Daniel Templon en 1998, pour sa première exposition dans cette galerie. Mais cette fois, son assistant (et comptable en même temps), s’est fait un malin plaisir en lui rapportant du marché des fins de séries d’imprimés simili pop, pseudo-graffiti, d’inspiration de bandes dessinées américaines ou encore, comble du kitsch, cette nappe de Noël alsacienne avec motifs de houx rouge ! Il pensait en s’amusant ne pas lui faire de cadeau – en fait, si — avec ces tissus pour le moins improbables. Il ne se doutait pas que Viallat avait encore autant de réserves sous le pinceau, qu’il allait les travailler comme n’importe quel autre support, s’engouffrer avec avidité dans le guet-apens et s’en sortir avec l’intelligence et la sensibilité qui le caractérisent ; avec aussi cette capacité à mettre sa forme à l’épreuve, avec ce sens du rythme, de la composition et surtout de la couleur qui font de lui un grand coloriste. Cela donne une série, évidemment inédite, surprenante à plus d’un titre (l’une des toiles ressemble à un Warhol, une autre à un Villeglé !), gaie et d’une formidable fraîcheur.

Comme sa cote d’ailleurs, avec des prix qui oscillent ici entre 3 000 euros pour chacun des « échantillons » (92 x 93 cm) de l’œuvre organisée en azulejos, à 32 000 euros pour les grandes acryliques (environ 3 m x 2 m) sur tissus imprimés. Rien d’excessif pour un artiste de son âge et surtout de son importance qui, s’il était d’une autre nationalité, verrait le prix de ses toiles  augmenté d’un zéro. De ce point de vue économique, le support pourrait dépasser le niveau de la surface.

Claude Viallat. Nouvelles œuvres

Jusqu’au 5 avril, Galerie Daniel Templon, 30 rue Beaubourg, 75003 Paris
tél. 01 42 72 14 10
www.danieltemplon.com
lundi-samedi 10h-19h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°410 du 28 mars 2014, avec le titre suivant : Viallat et le haricot magique

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