Analyse

Velléité d’indépendance

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 6 septembre 2011 - 501 mots

Si le monde de l’art possède aussi son mercato, tous les artistes n’y participent pas. Certains créateurs français choisissent même de ne plus avoir de galerie dans l’Hexagone pendant un temps.

Deux ans après avoir quitté Anne de Villepoix (Paris), Kader Attia, qui vit désormais à Berlin, a choisi de conserver ses seules représentations étrangères, à savoir Ursula Krinzinger (Vienne), Christian Nagel (Cologne) et Continua (San Gimignano, Pékin). « J’ai beaucoup plus de travail en dehors de la France, notamment en Allemagne, alors que cela devrait être normalement l’inverse », explique l’artiste. Après s’être séparé de la galerie Jennifer Flay (Paris), Xavier Veilhan a mis cinq ans avant de rejoindre une enseigne française, en l’occurrence Emmanuel Perrotin (Paris). « Je voyais les choses différemment. J’ai bien plus conscience maintenant que mon activité a été ralentie en n’ayant pas de galerie à Paris, indique-t-il. Mais, en même temps, j’étais plus présent sur des projets à l’étranger et dans l’espace public à Lyon, à Tours ou à Bordeaux. »

Nommé pour le prix Marcel Duchamp, Samuel Rousseau dispose pour sa part d’une galerie à Clermont-Ferrand (Claire Gastaud), mais pas de vitrine parisienne. « Ce n’est pas un problème, cela ne m’empêche pas de vivre. Pour mes galeries étrangères, ce n’est pas un souci non plus, car elles vendent à des Français plus facilement. À choisir entre une bonne galerie française et une bonne galerie coréenne, je retiendrais plutôt la seconde, car je veux toucher le monde et mon réseau est international, constate Rousseau. J’aimerais bien sûr avoir une galerie à Paris, mais je ne suis pas pris à la gorge. Je voudrais une enseigne qui me donne des ailes. » 

Autonomie difficile
Bien souvent, les artistes s’octroient un temps de réflexion, car ils aspirent à une alchimie. Séparé de Chez Valentin (Paris) depuis 2008, Mathieu Mercier, qui est représenté par trois galeries à l’étranger, n’a pas encore tranché : « Il n’y a pas tant de choix que cela. Il y a trois possibilités : prendre une jeune galerie qui a ouvert ces cinq dernières années et qui a l’ambition d’être internationale, ou une galerie de taille moyenne, mais pour quel travail, ou encore une très grosse galerie. Deux galeries importantes m’ont approché mais sur des modes qui ne me convenaient pas. »
Ces créateurs reconnaissent toutefois que l’absence d’une plateforme parisienne peut se révéler handicapante. « Il y a un rapport avec le “milieu de l’art” français qu’on ne peut avoir tout seul, admet Kader Attia. La galerie vous accompagne, vous permet d’intégrer des sphères inaccessibles sans elle. » Comme le souligne Mathieu Mercier, le système français n’admet pas l’autonomie des artistes. Celui-ci confie qu’il choisira une galerie parisienne, sans doute en 2012 à l’occasion de ses deux expositions au Credac (Ivry-sur-Seine) et à la Fondation d’entreprise Ricard (Paris). « Même si cela marchait bien pour moi sur le plan financier, mon activité hors galerie ne me donnait pas la même visibilité, déclare Xavier Veilhan. Je suis un artiste à galerie. »     

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°352 du 9 septembre 2011, avec le titre suivant : Velléité d’indépendance

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