Brocantes

Vacances en chine

Une centaine de manifestations à travers toute la France

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 731 mots

Les vacances d’été permettent à chacun de faire ce qu’il n’a pas le temps de faire au long de l’année, comme par exemple, la tournée des brocantes. Voilà pourquoi, de juillet à août, fleurissent tant de foires et salons en régions touristiques. Si, à vrai dire, ils ne sont pas plus nombreux qu’en temps normal, ils sont davantage ciblés 'grand public', alors que les déballages de l’automne, les salons de prestige d’hiver et de printemps, sont plutôt destinés aux professionnels et aux collectionneurs.

PARIS - On compte cet été plus d’une centaine de manifestations dans toute la France, parmi lesquelles une petite quarantaine est vraiment valable, inégalement répartie entre le Nord et le Sud. La meilleure part se situe en Provence et dans le grand Sud-Ouest, suivis par la Bretagne et la Normandie. Mais la France profonde, loin des bords de mer, compte aussi quelques bonnes manifestations estivales.

Chaque province possède, en effet, ses produits de terroir en meubles, faïences, art populaire… dont le "résident secondaire" aime à décorer sa maison. Mais, en dépit du reflux, depuis près de dix ans, de la "rusticomania" des années 70, le beau mobilier régional reste rare et demeure cher. Il faut compter autour de 80/100 000 francs pour une grosse commode bordelaise d’acajou ou une arlésienne en noyer sculpté, 30/40 000 francs pour une belle armoire de mariage, qu’elle soit normande ou provençale, des meubles que l’on voit davantage sur les salons de prestige que sur les brocantes estivales. En dépit de leurs accents régionaux respectifs, ces dernières ont de nombreux points communs. La foire vacancière type est un mini-salon de 30 à 40 exposants, dans une petite ville chef-lieu de canton (jamais dans la capitale régionale, et rarement en rase campagne), organisée et composée par des antiquaires locaux. Ce type d’organisation est un gage de crédibilité par rapport à certains "cirques" montés par des loueurs d’espace avec des marchands venus d’un peu partout.

Les brocantes méridionales
Le visiteur y trouve ce qu’il vient y chercher : des meubles pour sa maison, entre 3 000 et 30 000 francs maximum, de "style" rustico-régional facile à caser : bonnetières, armoires, buffets bas ou à gradin, commodes, bibliothèques, tables à volets et allonges, tables de ferme, ou de nuit, sièges paillés. Du Louis XV tardif (le décalage est d’environ 50 ans entre les styles parisiens et ceux de la province) au Louis-Philippe prolongé Napoléon III. Avec une dominante pour le fruitier (noyer, merisier…) au Sud, et pour le chêne au Nord, mais avec des caractères régionaux peu marqués ; plus de galbe dans le Midi, et beaucoup de petits meubles. Meubles volumineux au Nord, où la commode reste rare. Dominante "Louis XIII", jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, dans les régions Centre et Sud-Ouest, avec des silhouettes angulaires et des décors géométriques (armoires, buffets deux-corps, coffres, grosses bonnetières).

Mais la note régionale réside plutôt dans les objets, des faïences grotesques genre Moustiers aux assiettes de Quimper, dans les poteries rustiques : terres-vernissées au Sud, grès plus austères au Nord. Les brocantes méridionales regorgent de petits objets de bois : la panetière à barreaux tournés, la boîte à sel, la farinière… Le tout à des prix variant entre quelques centaines de francs pour une poterie banale, à 3/4 000 francs une jolie faïence XVIIIe, et plus de 10 000 francs s’il s’agit d’une pièce exceptionnelle. Moins typés, mais non moins répandus : les verreries, la lingerie, les bijoux, et un certain Art-Déco moyenne gamme, en perte de vitesse depuis trois ans, forment la base de la brocante. Quant à la peinture, régionale ou non, elle se fait de plus en plus absente.

Attention aux pièges toujours possibles, et aux faux. Un objet modeste est plus facile à imiter qu’un meuble travaillé. Se méfier des bonnetières et confituriers fabriqués autour d’une porte, des vaisseliers composés d’une étagère sur un buffet, des tables de ferme artificiellement patinées. Les bons salons, forts de dix ou vingt ans d’ancienneté et d’une image à défendre, offrent une certaine garantie, et les services gratuits d’un expert qu’il ne faut pas hésiter à mettre à contribution. On se méfiera, en revanche, des foires sauvages et autres vide-greniers qui poussent comme du chiendent sur le chemin des vacances. Ils sont composés de non-professionnels, sans garanties, ni patente, ni registres du commerce, ils sont truffés d’objets récents… ou volés, et néanmoins encouragés par des municipalités peu regardantes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Vacances en chine

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