Une vision du XIXe siècle

La galerie Talabardon & Gautier expose quarante œuvres

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 2000 - 681 mots

Bertrand Gautier et Bertrand Talabardon présentent dans leur nouvelle galerie du faubourg Saint-Honoré quarante œuvres d’artistes du XIXe siècle de Guillaume Lethière à Maurice Denis en passant par Jean-Baptiste Carpeaux. Une vision qu’ils veulent « résolument subjective, uniquement guidée par le plaisir, l’émotion et le goût de la découverte ».

PARIS - “Heureux bergers, continuez vos jeux et vos ouvrages, ces armes ne sont pas destinées à troubler l’innocence de vos travaux ni la douceur de vos chants”, lance Herminie à l’attention d’un vieillard qui tresse des corbeilles de jonc en écoutant chanter ses enfants, visiblement médusés par l’apparition de cette belle jeune femme. Ce tableau dû à Guillaume Lethière, exposé au Salon de 1795, est inspiré de la Jérusalem délivrée, un poème épique du Tasse, publié en 1581 relatant la prise de Jérusalem par les croisés. Troisième enfant naturel d’un père martiniquais et d’une mère guadeloupéenne esclave affranchie, Lethière d’ordinaire coutumier de sujets sanglants s’est, ici, laissé guider par une source d’inspiration romanesque qui lui est inhabituelle. Ce parcours se poursuit avec un tableau d’Horace Vernet de 1818, Portrait d’un Oriental, qui pourrait représenter Charles Ledieu, ancien lieutenant d’infanterie qui deviendra directeur du Mont-de-piété sous le Second Empire. Un tableau de son père Carle Vernet, Le Joueur de cornemuse, est accroché non loin. “Il fut un spectateur amusé de la folie qui régna dans les mœurs et l’habillement sous le Directoire, explique Bertrand Gautier. De la fin du XVIIIe siècle au règne de Louis-Philippe, il se fera l’écho de toutes les modes. L’anglomanie, le goût nouveau pour les sports équestres, sa grande passion, rien n’échappe à ce badaud. Notre dessin, gravé par Debucourt en 1822, illustre son talent de chroniqueur.”

Jean-Baptiste Mallet est, lui, connu pour ses chroniques de mœurs sous le Directoire et le Consulat auxquelles succèdent au début du XIXe siècle de petites huiles influencées par les tableaux intimistes hollandais du XVIIe siècle. Il s’est intéressé à Héloïse et Abélard dans cette toile intitulée Héloïse à l’abbaye du Paraclet. Nièce de Fulbert, chanoine de Notre-Dame, la belle et érudite jeune femme dut se réfugier à l’abbaye du Paraclet en Champagne. Vêtue d’une cape noire, Héloïse est représentée en train de déchiffrer une lettre d’Abélard tandis que près de la fenêtre trône une cassette où est classée la correspondance entre les amants. Le préromantisme sera représenté par une huile du baron Gros, Portrait de jeune homme, peinte vers 1825, figurant probablement un de ses élèves ou le fils d’un de ses amis. “La remarquable autorité de l’exécution confirme le sentiment de la critique qui, même dans les portraits tardifs de l’artiste, louait l’éclat du coloris, la touche libre, l’exécution franche et simple des vêtements et le rendu inimitable des carnations”, poursuit le marchand.

Victor Hugo par David d’Angers
 L’exposition ménagera une place à la sculpture avec des œuvres de David d’Angers et de Jean-Baptiste Carpeaux. Le premier, né à Angers, vouait une véritable admiration à Victor Hugo dont il exécuta plusieurs bustes le cheveu en bataille, la cravate négligemment nouée, le regard perdu dans une contemplation intérieure. L’original en terre cuite étant conservé au Musée d’Angers, c’est une version en plâtre qui est exposée rue du faubourg Saint-Honoré (730 000 francs), non loin d’une Pietà de Jean-Baptiste Carpeaux de 1864 où le sculpteur s’évertue à traduire l’expression de la douleur, le déchirement de la mère enveloppant le supplicié dans un geste de compassion. On retrouve la même énergie dans l’Étude d’homme nu de Thomas Couture, une huile préparatoire à La Vierge étoile des marins (650 000 francs). On admirera également quelques dessins dont un fusain et huile sur papier brun de Théodore Rousseau, Intérieur de forêt en hiver (260 000 francs). Cette traversée du siècle s’achève avec un petit Ten Cate de 1901 représentant la Côte normande et une huile de Maurice Denis de 1905, Une visite au Pouldu, montrant la famille du peintre devant l’annexe de l’hôtel Portier.

- Le XIXe siècle, tableaux, dessins, sculptures, jusqu’au 22 décembre, galerie Talabardon et Gautier, 143 faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. : 01 43 59 13 57. Du lundi au samedi, 15h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°116 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : Une vision du XIXe siècle

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