Binoche

Une somptueuse collection d’art précolombien

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 4 mars 2005 - 721 mots

L’expert Jacques Blazy et la SVV Binoche dispersent l’exceptionnel ensemble réuni par le collectionneur suisse Gerard Geiger.

 PARIS - Voilà exactement vingt ans que le marché parisien n’avait connu de collection majeure entièrement consacrée à l’art précolombien, spécialité tout aussi rare en Europe qu’aux États-Unis. La dernière remonte à 1985, année de la dispersion de la collection Eugène Pépin sous le marteau de Jean-Louis Picard. L’éditeur suisse Gerard Geiger, décédé brutalement en 2003, possédait un ensemble remarquable estimé autour de 3 millions d’euros que ni Christie’s ni Sotheby’s ne sont parvenues à capter. « Cette collection de 268 lots est très unitaire. Elle tourne autour d’objets extrêmement abstraits en pierre », souligne l’expert Jacques Blazy. Attiré par les pierres sculptées, Gerard Geiger s’était surtout pris de passion pour les figures des cultures Mezcala et Chontal de l’État du Guerrero au Mexique. « Ces objets taillés dans des pierres semi-précieuses dans des teintes gris-vert dérivent d’une hache fonctionnelle devenue anthropomorphe. Leur étrange style épuré et schématisé relève d’une volonté déterminée », précise l’expert. Les plus beaux modèles sont proposés dans une fourchette de 25 000 à 60 000 euros. Des maquettes miniatures de temples, seuls témoignages d’architectures dans cette région, et des masques des mêmes civilisations, toujours en pierre dure, complètent cet ensemble Guerrero.

Rarissime statue
Autres joyaux de la vente, deux masques de la cité Teotihuacan au Mexique central, l’un en albâtre et l’autre en pierre dure vert-noir, estimés 150 000 à 200 000 euros chacun. Tous deux, d’un extrême classicisme et d’une qualité et de dimensions exceptionnelles, attendent de nombreux amateurs, tout comme deux classiques jougs mexicains du Veracruz, représentation votive transposée dans la pierre de la ceinture utilisée dans le jeu de la balle. Estimés 120 000 à 150 000 euros, ils sont sculptés à l’image du crapaud jaguar pour l’un et aux trois visages pour l’autre. La collection ne fait pas l’impasse sur les aspects de la sculpture maya, comme l’illustrent deux somptueuses têtes de dignitaires en stuc, estimées 20 000 à 40 000 euros pièce, ni sur quelques morceaux de l’art aztèque, tels un singe araignée et un coyote dévorant un oiseau, façonnés dans la pierre volcanique et estimés 40 000 à 55 000 euros l’unité.
Le Pérou est par ailleurs à l’honneur, notamment à travers trois pagaies cérémonielles en bois, estimées très raisonnablement 20 000 euros chacune en l’absence de cote pour ce type d’objet. « Elles sont dans un état de conservation parfait et deux d’entre elles présentent de beaux restes de polychromie », commente Jacques Blazy. Parent pauvre de la vacation, la céramique sera tout de même représentée par une petite suite de pièces funéraires péruviennes Chancay, reconnaissables à leur fond crème à rehauts de peinture noire, autour de 2 500 à 4 000 euros, et  par un très grand vase globulaire surmonté par un personnage couché, jusqu’à 25 000 euros. « Elles sont superbes, en très bon état, sans repeint, ni cassé-collé, note Jacques Blazy. Les céramiques du Brésil sont aussi à retenir. C’est la première fois qu’une telle série passe en vente publique. » Ce sont des urnes dites de « deuxièmes funérailles » parce que les populations du Brésil y déposaient les os de leurs morts alors déterrés pour une seconde cérémonie. La plus belle, estimée 60 000 à 70 000 euros, est un exemplaire anthropomorphe de basse Amazonie ayant bien gardé sa polychromie et qui revêt des allures de personnage à la Botero. Enfin, le clou de la vente reste une rarissime statue en pierre Pucara du Pérou. Cet objet unique, estimé 700 000 à 800 000 euros, était jusqu’à très récemment exposé en prêt permanent au Musée de Denver, lequel pourrait bien l’acheter in fine. Pour le reste, les estimations ont été fixées « normalement, sans exagération et sans prix de réserve », insiste l’expert, qui a rédigé un luxueux catalogue illustré bilingue français-anglais et organisé une exposition à New York. Cette vente n’aura finalement qu’une seule faiblesse : celle du billet vert qui, une fois converti en euros, va forcer les collectionneurs américains à casser leur tirelire.

COLLECTION GERARD GEIGER

Vente les 14 et 15 mars, SVV Binoche, Drouot, 9, rue Drouot, 75009 Paris, tél. 01 47 42 78 01, expert Jacques Blazy, tél. 01 43 35 28 05, exposition le 12 mars, 11h-18h, et le 14 mars, 11h-12h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°210 du 4 mars 2005, avec le titre suivant : Une somptueuse collection d’art précolombien

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