Dubaï

Une première qui doit confirmer

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 625 mots

La Gulf Art Fair a davantage agi comme un forum de rencontres plutôt qu’une plate-forme commerciale pour les exposants occidentaux.

 DUBAI - « Dubaï sera-t-il juste un lounge de transit pour les étrangers ou pourra-t-il générer une sorte d’écosystème artistique local ? » Cette question posée par l’artiste indien Jitish Kallat résume les interrogations suscitées par la première édition de la Gulf Art Fair organisée à Dubaï (Émirats arabes unis) du 8 au 10 mars. Créer un creuset culturel dans une ville de passage, où seule 8 % de la population s’avère « locale », relève d’une vraie gageure. Poser les pierres d’une plate-forme commerciale ne l’est pas moins.
Le commerce, puisqu’on en parle, fut à deux vitesses sur le salon. Les collectionneurs indiens firent une razzia chez les galeries de leur cru. Il faut dire qu’une enseigne comme Bodhi Art possède déjà cent clients indiens, lesquels disposent d’une résidence secondaire ou permanente à Dubaï. Pour ce qui est des galeries occidentales, les ventes furent sporadiques, voire inexistantes, malgré la tenue simultanée d’un congrès de hedge-funders (fonds spéculatifs) dans les bâtiments de la foire. Cette mollesse commerciale n’a rien de surprenant pour une première. Pour leur baptême avec l’Orient, les galeries occidentales avaient misé sur des pièces identifiables, du Love de Robert Indiana au Butterfly painting de Damien Hirst. Certains pensaient tendre des perches aux Orientaux, via des broderies d’Alighiero e Boetti nanties de graphies arabes chez Ben Brown (Londres) ou une photo de Sugimoto représentant Yasser Arafat chez Albion (Londres). D’autres comme Continua (San Gimignano-Pékin), dont le beau stand était dominé par une œuvre murale de Buren, ont cherché à taquiner les pudeurs locales en matières religieuses avec un saint Sébastien de Kendell Geers. Histoire de pousser les limites, alors même que le projet extérieur de Moataz Nasr El Din, jugé trop politique, leur avait été refusé ! Aussi lourde soit-elle, cette artillerie n’avait rien d’appétissant pour les visiteurs occidentaux, majoritaires sur la foire. On aurait de loin préféré une vision plus élargie de l’art du Moyen-Orient, tout juste perceptible chez Sfeir Semler (Hambourg-Beyrouth) ou Thirdline (Dubaï).

Talents régionaux ?
S’il est difficile de jauger de l’intérêt des Émiratis sur la foire, l’envie locale pour les retombées économiques de l’art est patente. Un désir qui pousse à mettre en sourdine certaines pudeurs, comme en témoignent les photos osées du photographe égyptien Youssef Nabil chez Thirdline. « L’art et le commerce de l’art sont une chose pour laquelle nous n’avons pas de compétence, observe Omar Bin Sulaiman, gouverneur du Dubaï International Financial Center qui hébergera la foire l’an prochain. Vous pouvez nous éduquer et nous connecter au reste du monde. » Pour cela, il faudrait canaliser l’enthousiasme de cette ville, qui, malgré son gigantisme, n’a rien d’un Las Vegas des Sables, n’en déplaise aux amateurs de clichés. L’émirat ne deviendra pas un carrefour culturel aussi vite qu’il construit des gratte-ciel. Los Angeles s’est mue en capitale artistique, certes via l’argent injecté par l’industrie cinématographique, mais surtout grâce à sa communauté d’artistes et à ses figures de proue comme Mike Kelley. Or, de telles personnalités font défaut à Dubaï. À moins de méditer sur l’urbanisation galopante, difficile pour les créateurs de se raccrocher à des sources d’inspirations. Aussi, un artiste comme Jeffar Khaldi, fondateur de la galerie B21 (Dubaï), doit-il se ressourcer régulièrement en Europe. « Si on arrive à construire une plate-forme internationale ici, les artistes ressentiront moins le besoin de s’exiler ailleurs. On pourra développer des talents régionaux », espère John Martin, directeur de la Gulf Art Fair. Pour cela, il faut plus qu’une foire, mais des aides à la production, des résidences d’artistes et un développement à la fois de musées et d’activités pédagogiques. La balle est dans le camp des autorités locales.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°256 du 30 mars 2007, avec le titre suivant : Une première qui doit confirmer

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