Ventes aux enchères

Une page se tourne pour une partie des collections du musée de Saint-Cyprien 

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 18 décembre 2018 - 773 mots

SAINT-CYPRIEN

Reportée trois fois en 2017, la dispersion des malheureuses collections du musée de la ville de Saint-Cyprien a à peine atteint 500 000 €.

Saint-Cyprien Pyrénées-Orientales
Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales)

Fondé par Jean Olibo, ancien maire de la ville et alimentée par le legs en 1972 de la collection personnelle du peintre François Desnoyer, le musée de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales) avait été par la suite enrichie par l’achat d’œuvres d’art d’Afrique, d’Amérique du Sud, d’Asie et du Caucase. Souhaitant désormais recentrer ses collections autour de ses tableaux du XIXe, XXe et XXIe siècles, la commune a décidé de disperser aux enchères les objets issus de ces trois collections, ceux-là même entachés d’une sordide histoire de pots-de-vin et d’achats compulsifs d’œuvres d’art qui a coûté la vie au principal intéressé. 

L’histoire remonte aux années 2000 : entre 2003 et 2008, le maire de l’époque, Jacques Bouille, avait pris la mauvaise habitude de prendre une « petite commission » en espèces ou en œuvres d’art pour tout marché local ou permis de construire conclu par la municipalité. Il avait également fait acheter pour la « modique somme » de 10 millions d'euros des œuvres. Problème : ces achats, soi-disant réalisés pour le compte du musée de la ville, n’y ont jamais été déposés, le maire préférant les exposer chez lui. Placé en garde à vue en décembre 2008 puis incarcéré, Jacques Bouille s’est donné la mort en prison en 2009. L’affaire, portée devant le tribunal puis la Cour d’Appel, avait donné lieu à la condamnation de 11 prévenus (sur les 15 inquiétés) en 2015 - 4 d’entre eux avaient vu leur peine de prison ferme confirmée en appel en septembre 2016. 

Très endettée, la commune avait alors décidé de vendre une partie des collections du musée pour renflouer ses finances, puisqu’ayant le statut de fondation, le musée n’est pas soumis au principe d’inaliénabilité. Alors que la Commission scientifique nationale des collections s’était prononcée défavorablement pour ce déclassement - un avis purement consultatif - le conseil municipal avait finalement voté en octobre 2017 à la majorité la cession de 613 œuvres. Les vacations étaient prévues du 13 au 18 décembre 2017 à Drouot mais quelques jours avant la première vente, le nouveau maire de la ville, Thierry del Poso, avait décidé d’ajourner la vente suite à la contestation de 4 membres de l’opposition qui avaient déposé le 20 novembre 2017 un référé en suspension devant le tribunal administratif. Un 3e report - les ventes avaient déjà été déprogrammées en avril puis juin 2017 - que le commissaire-priseur Alexandre Millon, chargé des ventes avait déploré.
 
« Le référé devait être jugé entre la mi-décembre 2018 et le mois de mars 2019 mais tout a été vendu avant la décision du tribunal. Maintenant que tout a été dispersé, on ne peut plus revenir en arrière », se désole Pierre Rossignol, conseiller minoritaire de la ville.

Estimée 600 000 à 850 000 euros, la collection a récolté 640 000 euros frais compris (500 000 hors frais), donc très en deçà de son estimation basse. Un vase rituel de forme "gui" en bronze à patine verte et rouge, Chine, vers 1900 a cependant été adjugé 28 600 euros (est. 800 à 1 200 €), une statue anthropomorphe Mumuyé, Nigéria, provenant de l’ancienne collection Jacques Kerchache s’est vendu 59 800 euros tandis qu’une tapisserie de Jean Lurçat tissée à Aubusson est partie à 6 240 euros « Nous sommes déçus car ces œuvres ont été payées 3,5 millions d’euros au départ, soit 20 % de la valeur d’achat », regrette Pierre Rossignol et d’ajouter : « le maire voulait juste s’en débarrasser, tourner la page. Il prétextait que la commune n’avait pas les moyens de les conserver mais tout cela aurait coûté 20 000 euros donc ce n’est pas un argument. La ville aurait pu, depuis 2009, vendre ces œuvres à d’autres musées, il y aurait eu moins de casse »

Pour la maison de ventes, c’est aussi une page qui se tourne et « un soulagement pour le maire Thierry del Poso soumis à une grosse pression », commente Alexandre Millon.

En tout, 71 % des lots ont trouvé preneur. Les arts d’Asie ont le plus souffert (55 % des lots vendus), 72 % des objets africains ont été vendus tandis que les tapis sont presque tous partis. « Les œuvres non vendues seront remises en vente l’année prochaine », indique Alexandre Millon. Quoiqu’il en soit, « même si les estimations avaient triplé, nous n’aurions pas fait le 5e du prix d’achat car ces œuvres ont été surpayées. Le marché s’est exprimé, il a fait le tri et c’est cela qui doit être respecté », conclu le commissaire-priseur.

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