Arts décoratifs anciens

Une offre trop abondante

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 6 décembre 2016 - 716 mots

Un très grand nombre de lots et des estimations parfois trop élevées n’ont pas permis au marché de tout absorber. Heureusement, les « after sales » vont bon train.

PARIS - Pour leurs sessions de prestige en mobilier et œuvres d’art ancien, Christie’s et Sotheby’s ont inondé le marché avec près de 900 lots proposés en quatre jours. Or, beaucoup de pièces sont restées sur le carreau et, dans un cas comme dans l’autre, les produits de ventes sont proches ou en dessous de l’estimation basse.

Chez Sotheby’s, la collection Qizilbash a atteint 2,3 millions d’euros (estimation 2 à 3 M€) avec 3 lots sur 9 restés invendus. L’œuvre phare, une garniture composée de trois pots-pourris en porcelaine de Chine, d’époque Kangxi (1662-1722) à monture en bronze doré d’époque Louis XV, a été adjugée 1,15 million d’euros, un chiffre proche de son estimation basse (1 M€). Il s’agit tout de même d’un record mondial pour une telle garniture. La vente a enregistré un autre record du monde, cette fois-ci pour une aiguière et son bassin en piqué d’écaille cédés 535 500 euros (dans l’estimation). D’après Mario Tavella, P.-D.G. de Sotheby’s France, « une vente qui a atteint 2,3 millions d’euros en seulement 9 lots dont deux records mondiaux, c’est énorme, surtout lorsque l’on sait que le domaine des arts décoratifs anciens n’est pas aussi chaud que celui de l’art contemporain par exemple ».

La collection Qizilbash a réalisé le même produit que l’autre vacation organisée dans la même spécialité par la maison de ventes. Mais celle-ci comprenait 275 lots et est restée sous son estimation basse (2,5 millions). Le taux d’invendus s’élève à plus de 40 % alors qu’en général il se situe aux alentours de 30-35 %. De plus, le lot phare, une paire de canapés en coin de feu estampillés « Nicolas Heurtaut », vers 1755, n’a pas trouvé preneur (est. 600 000 € à 1 M€). « Nous n’avions pas d’institutions intéressées et les particuliers ont sans doute été déroutés par leur forme », a commenté le chef du département mobilier et objets d’art, Brice Foisil. Avant d’ajouter : « Nous avons mis beaucoup de lots sur le marché ces derniers temps, avec notamment les collections Steinitz et Balkany. Or, le marché ne peut pas tout absorber. Il est en pleine mutation actuellement. Il faut continuer à réviser à la baisse les estimations, ce que les vendeurs acceptent encore difficilement, et revoir les critères classiques. Par exemple, les meubles se vendent moins facilement que les objets d’art. »

« Vente exceptionnelle » chez Christie’s
De son côté, Christie’s organisait deux ventes dont l’« Exceptional Sale ». Ce format, mis en place à Londres dès 2008, n’en est qu’à son deuxième opus à Paris. L’an passé, la vente avait récolté 6 millions d’euros en seulement 18 lots cédés (sur 30). Cette année, elle a totalisé 4 millions avec 30 lots vendus sur les 49 proposés, un chiffre en dessous de son estimation basse. La maison de ventes a pourtant vendu tous ses lots phares, comme le revolver avec lequel Verlaine a blessé Rimbaud en 1873. L’arme a été adjugée au téléphone à 434 500 euros, plus de six fois son estimation haute (70 000 euros), un montant hors de portée pour le Musée Arthur-Rimbaud de Charleville-Mézières, présent dans la salle. Déception cependant pour la statue équestre d’Henri IV en bronze de Barthélemy Prieur, vers 1600, qui à 458 500 euros n’a pas atteint son estimation basse.

La vacation « Le goût français », également chez Christie’s, n’a pas atteint son estimation basse fixée à 3,5 millions d’euros avec 509 lots livrés – mais 194 invendus. Là encore, il y a eu de la casse. « Nous avons pris le risque de presque submerger le marché mais, a contrario, nous donnons envie aux collectionneurs de se déplacer, ce qu’ils ne feraient pas si les vacations étaient dispersées », a expliqué Simon de Monicault, chef du département mobilier et objets d’art. Deux éléments positifs contrebalancent ces chiffres décevants, a indiqué le spécialiste : « Il y a eu davantage de collectionneurs américains qui se sont manifestés et les transactions après ventes ont été nombreuses, sur plusieurs dizaines de lots. » Les collectionneurs restent à l’affût de bonnes affaires…

Note

Estimations indiquées hors frais acheteur, résultats indiqués frais compris.

Sotheby’s, collection Qizilbash, le 28 novembre

Total : 2,3 M€
Estimation : 2 à 3 M€

Important mobilier…le 28 novembre
Total : 2,3 M€
Estimation : 2,5 à 3,5 M€

Christie’s, The Exceptional Sale 2016, le 30 novembre
Total : 4 M€
Estimation : 4 à 6 M€

Le Goût français, 30 nov.-1er décembre
Total : 3,5 M€
Estimation : 3,5 à 5,4 M€

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : Une offre trop abondante

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