Analyse

Une France en pente douce

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2005 - 707 mots

L’Hexagone a encore perdu du terrain en 2004 face au Royaume-Uni et aux États-Unis. En revanche, les exportations continuent à battre leur plein.

Dans un contexte de gloriole américaine, le bilan hexagonal pour 2004 fait grise mine. D’après Artprice, la cote des œuvres échangées en France s’enlise. En octobre 2004, les prix étaient de 11 % inférieurs au niveau atteint deux ans auparavant. Le nombre de ventes cataloguées en « Fine Art » a aussi chuté de 9,4 % en France, alors qu’il a progressé de 12,9 % en Grande-Bretagne et de 72,6 % aux États-Unis. Si ces derniers peuvent se targuer de 228 enchères millionnaires dans ce domaine, la France n’en recense que neuf. Comble du comble, l’œuvre la plus chère vendue en France en 2004 est... une voiture Bentley Speed Six adjugée 4,2 millions d’euros chez Christie’s en juillet ! Déjà en 2003 la palme revenait à une Mercedes cédée par Artcurial. Dans le domaine de l’art moderne et contemporain comme dans celui de la photographie, deux segments « porteurs » à l’international, la France est très nettement distancée par les places anglo-saxonnes. D’après Artprice, les parts de marché françaises en art moderne ont baissé de 9 % en 2003 à 6,7 % en 2004. La chute est plus vertigineuse pour la photographie, où elles ont régressé de 12,2 à 5,2 %.
L’année 2004 a confirmé la prédominance des auctioneers, alors que les intervenants français piétinent ou reculent. On peut d’ailleurs se demander si, trois ans après la réforme des ventes publiques et le bond spectaculaire enregistré en 2003 par Christie’s France, le marché hexagonal n’est pas atteint par le syndrome de Peter Pan, son seuil maximum de croissance. Le chiffre d’affaires des sept premières SVV du palmarès est de 322,7 millions d’euros en 2004 contre 366 millions en 2003. Si l’on retranche de ce score les 46 millions de la vente Breton, les résultats des deux années se révèlent alors équivalents. Faisant fi de toute perspective de stagnation, Christie’s n’exclut pas d’engranger 100 millions d’euros d’ici deux ou trois ans. Bien que dans certains domaines la France fasse figure de Petit Poucet, les maisons de ventes ne désespèrent pas, malgré la TVA à l’importation, d’y attirer des collections étrangères. Artcurial dispersera le 15 mars deux collections, l’une américaine de verreries venant de la société Seagram (est. 300 000-400 000 euros), l’autre italienne de majoliques (est. 3 millions d’euros). La manne étrangère représente 14,4 % du chiffre d’affaires de Christie’s France. Chez Tajan, elle a engrangé 19,7 millions d’euros sur les 65 millions d’euros de chiffre d’affaires, la Suisse et la Belgique comptant parmi les principaux fournisseurs européens de la maison. Il est aussi intéressant de noter que, hormis la vente Julien Levy, les œuvres importées des États-Unis ont représenté 2 millions d’euros sur le chiffre global de Tajan. Encore faut-il que les vendeurs américains ne cherchent pas à envoyer en France leurs fonds de tiroirs !

« Deux crabes »
Malgré le volontarisme général, Paris reste un foyer d’exportations. Ces dernières représentent environ le double du chiffre d’affaires de Sotheby’s en France, tandis que celles de Christie’s dépassent de 60 % son produit hexagonal. Lors de la vente d’art moderne du 3 novembre chez Christie’s à New York, près de 50 millions sur les 128,2 millions de dollars (100,7 millions d’euros) enregistrés venaient de France. Chez Sotheby’s, 48 % des œuvres exportées annuellement relèvent de l’art impressionniste et moderne. C’est le cas notamment des Deux crabes de Van Gogh, adjugés 5,1 millions de livres sterling (7,7 millions d’euros), le 21 juin 2004 ou des sept tableaux de Soutine issus de la collection Madeleine Castaing cédés pour 3,6 millions de livres (5,4 millions d’euros), en juin toujours. La collection d’art surréaliste de l’ancien conservateur de Beaubourg, Jean-Yves Mock, que Sotheby’s dispersera en février était à cheval entre la Grande-Bretagne et la France. Mais c’est Londres qui a été choisie pour sa dispersion. La maison enverra aussi à New York, siège des tableaux de grand genre, un Portrait de la maréchale de Lannes et de ses cinq enfants par le baron Gérard (est. 2,4-2,8 millions de dollars). Si la France peine à exporter ses valeurs contemporaines, un certain goût français fait toujours florès hors les murs...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°206 du 7 janvier 2005, avec le titre suivant : Une France en pente douce

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