Frieze

Une foire en quête de maturité

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 7 octobre 2005 - 813 mots

La manifestation londonienne continue à miser sur les très jeunes galeries et les grosses pointures.

 LONDRES - Un zeste de cool, mâtiné d’un doigt de hype, le tout saupoudré d’une pincée de vulgarité : tel était le cocktail qu’offrait Frieze Art Fair l’an passé. Après avoir (ab)usé des ressorts de la fashion, la foire londonienne révise son centre de gravité. Car « branchitude » ne rime pas avec avant-garde ! « J’ai eu des échos de collectionneurs internationaux et de musées qui avaient été déçus l’an dernier de n’avoir que des jeunes artistes dans le coup, remarque la nouvelle recrue Pietro Sparta (Chagny, Saône-et-Loire). Les Américains avaient beaucoup d’argent à dépenser, mais il n’y avait pas assez d’œuvres conséquentes. » Pour leur donner du grain à moudre, Sparta jouera la carte du contemporain classique, avec son arsenal de Mario Merz, Daniel Buren ou Robert Morris à partir de 100 000 euros.

Grand oral pour Art Basel
Cette amorce de maturité explique sans doute l’arrivée de quelques galeries qui, a priori, ne se coulent pas dans un marché « paillettes ». « Je n’étais pas forcément le plus éligible par rapport à d’autres galeries parisiennes, convient Grégoire Maisonneuve (Paris). C’est une forme de reconnaissance mélangée à une certaine surprise, car je ne me vois pas dans la tendance market anglo-saxonne. » Dans une perspective pas plus market, le galeriste Jan Mot (Bruxelles) s’affiche avec des œuvres du jeune artiste Mario Garcia Torres, « à mi-chemin entre Pierre Bismuth et Jonathan Monk », entre 250 et 4 500 euros, et des certificats d’anciennes discussions d’Ian Wilson autour de l’Absolu, de 18 000 à 24 000 dollars. Dans la foulée, la foire cherche à renouer avec l’esprit curatorial de sa première édition. Pour cela, le nombre de projets d’artistes sera révisé à la hausse (douze contre huit l’an passé). « La première année, les projets étaient très visibles. L’an dernier, on avait souhaité qu’ils soient plus intégrés dans le tissu de la foire, plus cachés. On sera cette année entre les deux », indique Amanda Sharp, codirectrice de la manifestation.
La foire ne renonce toutefois pas à sa noria de jeunes pousses branchées. En essayant de ménager la chèvre et le chou, le sérieux et le jeunisme, elle tourne le dos à de bonnes galeries à l’image plus bourgeoise, à l’exemple de Rodolphe Janssen (Bruxelles), dont le stand a été attribué à Anne de Villepoix (Paris). Celle-ci affiche des œuvres familières pour le public londonien, comme un tirage noir et blanc de l’Anglais Craigie Horsfield (25 000 dollars) ou des pièces du Suisse Christoph Draeger. De son côté, Nathalie Obadia (Paris) offre un avant-goût des nouveaux artistes de sa galerie avec les Américains Rosson Crow (15 000 euros le diptyque) et Cameron Jamie (4 000 à 6 000 euros pour les dessins). La galerie Art : Concept (Paris) profite de la foire pour marquer son territoire face aux enseignes locales. Elle se concentre notamment sur Jeremy Deller, à l’affiche de Modern Institute (Glasgow), et Andrew Lewis, bientôt introduit chez Gimpel Fils (Londres). Pour les enseignes françaises, la participation à Frieze est d’autant plus stratégique qu’elles y passent le grand oral pour Art Basel ! Car le sévère comité de sélection de Bâle fonde aussi ses verdicts sur
les accrochages dans les foires étrangères.

Niveaux de prix limités
Le succès de Frieze tient pour une bonne part à la bonne santé du marché britannique. D’après Artprice, la Grande-Bretagne détenait 35,3 % de parts du marché pour l’art contemporain en ventes publiques au premier semestre 2005 contre 29,1 % sur la même période en 2004. Cette énergie ne repose toutefois pas sur un quelconque vivier local. Au vu du budget d’acquisition de 1,5 million de livres sterling (2,3 millions d’euros) de la Tate, la manne institutionnelle y est bien maigre. Le nombre de collectionneurs ne l’est pas moins. « On avait quelques clients britanniques avant d’ouvrir la galerie à Londres. On en a de nouveaux, mais cela reste limité, convient Marc Payot, codirecteur de la galerie Hauser& Wirth (Londres, Zurich). Londres est une place importante pour capter les Américains et Européens qui s’y rendent régulièrement. » Malgré le mimétisme poussé avec le second étage d’Art Basel, Frieze ne jouit pas d’une clientèle similaire. « Frieze est une foire beaucoup plus jeune que Bâle, axée sur des niveaux de prix jusqu’à 50 000-100 000 euros, alors qu’à Bâle il n’y a pas de limite, remarque Marc Payot. Le niveau de collectionneurs et d’institutionnels qui y transitent n’est pas comparable. » Si Art Basel dépasse Frieze de plusieurs coudées, la manifestation londonienne n’empiète pas moins sur les plates-bandes d’Art Basel Miami Beach, qui tire sur des ficelles similaires. Il est urgent que l’une des deux revoie son positionnement !

Frieze Art Fair

21-24 octobre, South Side, Regent’s Park, Londres, tél. 44 207 025 3970, www.friezeartfair.com , du 21 au 23 11h-19h, le 24 11h-17h

Frieze Art Fair

- Directeurs : Amanda Sharp et Matthew Slotover - Nombre d’exposants : 160 - Nombre de visiteurs en 2004 : 42 000 - Tarif : 200 livres sterling (295 euros) HT le m2

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°222 du 7 octobre 2005, avec le titre suivant : Une foire en quête de maturité

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