Bilan

Une Biennale revigorée

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 6 octobre 2006 - 1055 mots

Grâce au retour d’une belle clientèle étrangère, les marchands ont retrouvé le sourire.

 PARIS - Même les plus grincheux en conviennent : Paris sort de sa torpeur. Un réveil perceptible à la Biennale des antiquaires, organisée du 15 au 24 septembre au Grand Palais. On pourrait certes épingler un décor ennuyeux, bâclé aux entournures, des commodités négligées ou des infiltrations de pluie dans les stands de Robert Landau (Montréal) et Bernard Dulon (Paris) le soir du vernissage. Ces incidents n’ont toutefois pas entaché une bonne tenue générale et un effort notable de la plupart des exposants malgré l’absence de chefs-d’œuvre. Si le retour sous la verrière a attiré les grands marchands, la réouverture du Musée des arts décoratifs a quant à elle drainé les collectionneurs américains. Rappelons que ce musée compte quarante-cinq donateurs américains dont une trentaine s’est déplacée pour l’occasion. Christian Deydier, président du Syndicat national des antiquaires (SNA), revendique aussi sa part du mérite. « Nous avons fait un très gros travail grâce à Madame Kravis en direction des États-Unis, souligne-t-il. Environ deux cents Américains sont venus pour le dîner de gala contre une soixantaine voilà deux ans. » La clientèle acheteuse des premiers jours a dopé les ventes, sans forcément générer une effervescence comparable au dernier cru de Tefaf à Maastricht.

De belles transactions
De manière prévisible, le XXe siècle et les arts non occidentaux s’affirment comme les grands gagnants de cette édition. La galerie Vallois (Paris) a réparti entre quatre collectionneurs, dont deux Américains, son précieux ensemble de meubles de Jean-Michel Frank. Bien qu’exigus, les stands des années 1950 ont donné le change aux caciques du XVIIIe. Downtown (Paris) étant le plus esthétique. Spécialiste de la Sécession viennoise, Yves Macaux (Bruxelles) a fait feu de tout bois auprès d’une clientèle à 60 % américaine. Avant même l’ouverture du salon, la Galerie 54 (Paris) avait pour sa part négocié sa table de Jean Prouvé issue d’un ancien siège du Commissariat à l’énergie atomique.
Côté art moderne, les transactions ont été bonnes, mais moins déliées qu’à la Foire de Bâle, en juin dernier. Bien qu’elle ait promis un cabinet d’amateurs, la galerie L & M Arts (New York) s’est contentée d’un stand agressivement commercial, peu adapté à la place parisienne. Plus goûteux, l’accrochage de Landau a combiné un sublime Dubuffet issu de la collection Langen (5,5 millions d’euros) à une sculpture d’Henry Moore. L’esprit imprégnait aussi le stand du Minotaure (Paris), lequel, après un démarrage plutôt mou, a pu finalement tirer son épingle du jeu. Sans vendre aucune de ses trois pièces majeures, la galerie Jacques Barrère (Paris) a rempli 70 % de ses objectifs commerciaux. Bernard Dulon a quant à lui scellé le soir du vernissage la vente de ses deux pièces phares, une statue fang et une sculpture mbele.
Le secteur des tableaux anciens n’est pas en reste. Maurizio Canesso (Paris) a fait mouche avec trois beaux portraits par Pierre Subleyras, Giusto Sustermans et Guillaume Courtois. Chez Jacques Leegenhoek (Paris), un collectionneur français a jeté son dévolu sur une paire de toiles de Luca Giordano. De même, Sanct Lucas (Vienne) a cédé sa superbe Nature morte aux pêches de Louise Moillon (850 000 euros). Un collectionneur français d’art contemporain a quant à lui emporté le Ribera (1,8 million d’euros) que Colnaghi (Londres) avait déjà présenté en mars à Maastricht. Un achat qui conforte son alliance récente avec le poids lourd de l’art contemporain, Hauser & Wirth (Zurich-Londres).

« Quid » du SNA ?
Plus que les bons résultats économiques, cette édition a surtout confirmé les évolutions de goût. Avec un bonheur versatile, certains ont campé sur un accrochage XVIIIe corseté. D’aucuns, comme Hervé Aaron (Paris), ont lâché du lest. C’est aussi le cas de la galerie Aveline-Rossi (Paris), où les meubles serrés en rangs d’oignons contre le mur, attendaient sagement on ne sait quel miracle. Et le miracle vint, puisque le bureau attribué à André Charles Boulle vers 1720 issu de la collection Wildenstein a trouvé preneur malgré un prix corsé de 2,3 millions d’euros. En revanche les visiteurs ne pouvaient que bâiller face aux tableaux contemporains insipides prêtés par Pace-Wildenstein (New York). Le mélange des genres ne vaut que lorsque tout est de qualité irréprochable... Question ratage, la palme revenait néanmoins à Jean-Jacques Dutko (Paris), dont le treillis de poires ponctué de masques africains médiocres suscitait une question : prendrait-on les visiteurs pour des poires ! ?
Une autre question démange davantage le landernau. Christian Deydier restera-t-il président du SNA, alors qu’il a toujours prétendu se retirer au terme de cette édition ? « Je suis bien, je reste », nous a-t-il confié au terme du salon. Fort de la réussite de la Biennale, il entend mener des réformes statutaires conduisant à une présidence élargie à deux ans, renforcer le Salon du collectionneur, désormais sis au Grand Palais, et éconduire toute tentative d’annualisation de la Biennale. Des points sur lesquels il devra ferrailler avec certains membres du conseil d’administration…

Christie’s disposera d’un stand sur Tefaf Maastricht

La participation à la prochaine édition de Tefaf, en mars à Maastricht, de la galerie Robert Noortman (Maastricht), achetée en juin par Sotheby’s, agace la majorité de ses confrères. Ces derniers peuvent ressortir leurs munitions car Christie’s disposera elle aussi d’un stand sur la foire. « Il s’agira soit d’une société que nous possédons déjà et utilisons pour les ventes de gré à gré, soit d’une nouvelle entité que nous créerons spécialement pour Maastricht », nous a indiqué François Curiel, président de Christie’s France. L’écurie de François Pinault pourrait utiliser comme cheval de Troie la Leger Gallery (Londres). D’après nos informations, Christie’s, qui n’a pas vu d’un très bon œil la participation de Noortman-Sotheby’s à la foire, aurait menacé de porter plainte auprès de la Commission européenne à Bruxelles pour concurrence déloyale si elle ne bénéficiait pas elle aussi d’un stand. Son entrée au salon ne manquera pas d’irriter les très bonnes galeries remisées sur la liste d’attente ! De son côté, Robert Noortman ne désarme pas face à la vindicte de ses confrères. « On ne peut pas m’expulser légalement de Tefaf, déclare-t-il. J’en suis le fondateur, j’y participe depuis 32 ans. » Le vétéran a dû toutefois céder sa place stratégique à l’entrée de la foire à son confrère Richard Green (Londres). Installé dans un couloir parallèle, il aura désormais pour voisin… Christie’s !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°244 du 6 octobre 2006, avec le titre suivant : Une Biennale revigorée

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