Dessin

Une belle pioche pour Riopelle

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 11 mai 2016 - 682 mots

La Galerie Maeght présente des collages peu vus et un ensemble d’œuvres sur papier dans lesquelles l’artiste a usé de toutes les techniques.

PARIS - En 1947, Jean Paul Riopelle (1923, Montréal - 2002, Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues, près de Québec) fait partie de la cinquantaine d’artistes réunis par André Breton et Marcel Duchamp pour l’exposition « Surréalisme », organisée par Aimé Maeght. La galerie est toute récente, l’artiste, qui vient juste de s’installer à Paris, est jeune et encore inconnu. À l’occasion de cette manifestation, dont la couverture du catalogue est réalisée par Duchamp avec un sein en mousse, Riopelle rencontre le fils d’Aimé Maeght, Adrien. Les deux hommes vont se lier d’amitié, et, en 1967, Adrien Maeght incitera l’artiste à venir réaliser des lithographies rue Daguerre (Paris-14e), à l’imprimerie Arte qu’il a créée en 1964 et dont il est le le directeur.

L’artiste, qui à l’époque vit à Vétheuil dans le Vexin avec Joan Mitchell, n’a rejoint la galerie qu’un an auparavant, en 1966. Avec la lithographie, il découvre une nouvelle technique, fait des essais, récupère les planches des différents passages de couleur qu’il découpe. À partir des chutes, il réalise des collages, souvent à l’aide de cinq couches de papier juxtaposées, chevauchées, agrafées, retouchées au crayon et au final marouflées sur toile. Ces collages n’avaient, pour nombre d’entre eux, pas été montrés depuis 1968, pas plus d’ailleurs que la majorité des 35 papiers ici rassemblés, tous issus de la collection de la famille Maeght. La fille de l’artiste, Yseult, auteure d’une monographie, en a même découvert certains le soir du vernissage. Le premier intérêt de cette exposition tient donc à ces œuvres quasiment inédites. Un aspect moins connu de l’œuvre de Riopelle y est par ailleurs révélé. En effet, si ses grands et puissants tableaux des années 1950-1960, à fort empâtement, souvent réalisés au couteau ou à la spatule, sont régulièrement montrés, on connaît moins tout ce pan de son travail, exécuté sur papier. L’artiste lui accordait pourtant une grande importance, au point, comme le rappelle cette sélection, de travailler toutes les techniques, tels le pastel gras, l’aquarelle, le fusain, l’encre, la gravure.

Tout un bestiaire
Cette diversité se retrouve dans l’utilisation des couleurs et dans la gamme des noirs et blancs convoqués. On y voit aussi une grande variété de lignes et de traits, des plus fins aux plus épais, des plus longs aux plus courts comme des virgules, qui témoignent de la spontanéité et de la grande liberté autorisées par ces disciplines. Ces techniques lui offrent en outre différentes possibilités d’accrocher la lumière et la capacité d’expérimenter de nouvelles voies, à l’exemple des dessins de la série « Le Roi de Thulé III » (datés de 1973). Résultat d’une impression à l’encre sur papier du motif d’un tronc ou de la cime d’un arbre, ils évoquent aussi des masques Inuit. Ils esquissent parfaitement cette frontière poreuse entre abstraction et figuration perceptible dans de nombreux autres papiers où l’on peut débusquer, avec un peu d’attention, tout un bestiaire cher à l’artiste, ici un homard, là une poule faisane, une tortue ou un hippocampe, ailleurs encore un hibou ou un élan (souvenirs des forêts canadiennes) devenus mimétiques de leur environnement.
Compris entre 25 000 euros (pour un dessin de 65 x 50 cm de la série « Le Roi de Thulé III ») et 180 000 euros pour les plus grands collages, les prix sont justes, comparativement à ceux des toiles des années 1950, lesquels, selon la taille et le sujet, oscillent entre 750 000 euros et 1,5 million d’euros. Le record de l’artiste, établi chez Sotheby’s à Paris en 2015, est même de 1,7 million au marteau, pour une splendide toile de 1953 intitulée La Forêt. « Il faut savoir établir des échelles, précise Isabelle Maeght. La cote de ces dessins n’est pas plus élevée que celle, quelquefois, de jeunes artistes plus ou moins connus, alors que Riopelle est un artiste très important. » Elle n’a pas vraiment tort.

RIOPELLE

Nombre d’œuvres : Une soixantaine de dessins, collages, œuvres sur papier, et deux sculptures
Prix : entre 25 000 et 180 000 €

JEAN PAUL RIOPELLE, ŒUVRES SUR PAPIER

Jusqu’au 25 juin, Galerie Maeght, 42, rue du Bac, 75007 Paris, tél. 01 45 48 45 15, www.maeght.com, du mardi au samedi 9h30-19h, lundi 10h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°457 du 13 mai 2016, avec le titre suivant : Une belle pioche pour Riopelle

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