Un salon haut en couleurs

Aquarelles et gouaches très prisées des collectionneurs au Salon du dessin

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 30 avril 1999 - 1009 mots

Les collectionneurs européens et américains sont venus nombreux visiter le huitième Salon du dessin, qui a réuni dans les Salons Hoche, du 8 au 12 avril, vingt-cinq des meilleures galeries mondiales. La plupart des marchands déclarent avoir réalisé de bonnes ventes. Les dessins français, mais aussi les aquarelles et les gouaches, très présentes sur les stands, ont semble-t-il été particulièrement appréciés.

PARIS - Les visiteurs du Salon du dessin préfèrent la discrétion au clinquant. Dans les Salons Hoche, l’ambiance est feutrée, les conversations et les échanges se font à voix basse. Chaque année, depuis huit ans, le petit cercle des collectionneurs de dessins se retrouve, avec une visible satisfaction, pendant cinq jours, sur les stands des plus grands marchands de feuilles au monde. On se connaît et on se salue. Certains ont fait le voyage depuis New York, Milan ou Londres, uniquement pour assister à cette manifestation sans équivalent. Les conservateurs de nombreux musées étaient là, tels ceux du British Museum ou du Musée de Cleveland. D’autres accompagnaient des collectionneurs américains pour les conseiller et les conforter dans leurs choix. Dès l’ouverture du salon, c’est le rush. Les collectionneurs les plus avertis se précipitent vers les plus belles pièces qui partent en quelques minutes. “J’ai très bien travaillé pendant le vernissage. Par la suite, l’activité a été moins florissante”, indique Jean-François Baroni, qui a vendu huit dessins entre 15 000 et 250 000 francs.

Les dessins français exécutés par des artistes de premier rang semblent s’être mieux vendus que les feuilles italiennes, et les aquarelles et gouaches des XIXe et XXe siècles mieux que les œuvres anciennes, aux sujets plus exigeants. Ainsi, un Portrait de jeune femme d’Henri Gervex (galerie de Bayser) aux tons vert et jaune dominants, un Ker Xavier Roussel, Femme nue vue de dos, ou encore un petit Ten Cate, La plage à Trouville (galerie de La Scala), sont partis rapidement.

Un Giovanni Boldini charmant et sensuel
“C’est une clientèle très spécialisée composée de vrais amateurs”, soulignait Marie-Christine Carlioz, de la galerie de La Scala, qui, comme le marchand de Hambourg Thomas Le Claire Kunsthandel, se félicitait d’avoir pu rencontrer de nouveaux collectionneurs. La majeure partie des visiteurs était constituée d’Européens – Belges, Anglais, Italiens et Autrichiens, surtout – et d’Américains. “C’est un public de connaisseurs”, insistait de son côté la galeriste londonienne Yvonne Tan Bunzl, qui a cédé des œuvres essentiellement entre 40 000 et 70 000 francs. La plupart des transactions du salon ont porté sur des œuvres de 20 000 à 200 000 francs, bien que certains, comme Colnaghi, aient conclu plusieurs ventes à des prix nettement plus élevés : ainsi, une aquarelle charmante et sensuelle de Giovanni Boldini, Femme nue debout, est partie à plus de 500 000 francs. Le marchand anglais proposait également un petit Degas, Arbres au bord d’une rivière (700 000 francs), la galerie Paul Prouté une feuille du Guerchin, très douce et harmonieuse, La Vierge et l’Enfant entourés de saint François, saint Louis et sainte Catherine (450 000 francs), Yvonne Tan Bunzl un Carrache (700 000 francs), et la galerie François Perreau-Seaussine un Dufy, Le 14 juillet à Deauville (750 000 francs), mais aucune de ces œuvres n’était encore vendue le jour de clôture du salon.

La plupart des marchands se sont montrés satisfaits des affaires réalisées et de la qualité de la clientèle, comme Michèle Prouté qui s’est séparée d’une quinzaine de feuilles entre 15 000 et 450 000 francs, ou Jacques Fischer qui a vendu onze dessins à moins de 80 000 francs, dont un Louis-Auguste Legrand, Le quadrille. Éric Coatalem semblait plus réservé. “J’ai vendu des œuvres de moyenne importance entre 15 000 et 150 000 francs, indiquait-il, visiblement un peu déçu par cette première participation. Je m’attendais à rencontrer des visiteurs plus pointus, plus avertis. En outre, au-delà de 50 à 100 000 francs, les collectionneurs se révèlent frileux.”

Antoine Laurentin était d’un tout autre avis. “Plus c’est cher, plus les œuvres partent facilement”, affirmait le marchand, qui a notamment cédé un Marie Laurencin, Mme Sally. Femmes peintre, et un Armand Guillaumin, Femme endormie. On pouvait voir de belles aquarelles et gouaches sur de nombreux stands, comme chez Brame & Lorenceau qui ont vendu une douzaine d’œuvres, dont La Seine au Pont-Neuf de Franck Boggs, ou à la galerie Paul Prouté qui s’est séparée d’un saisissant autoportrait d’Albert Gleizes et d’un René Magritte, Armoire, armure.

Les Britanniques en tête

Dix exposants étrangers participaient cette année au Salon du dessin : six Britanniques, trois Allemands et un Suisse. Tous se sont félicités de la qualité et de la clientèle de la manifestation, ainsi que des affaires réalisées. “C’est le seul et unique salon de qualité au monde qui soit spécialisé dans le dessin. Il est très bien organisé et fréquenté. Il est indispensable d’être présent�?, souligne le Londonien David Jones, de Fine Art UK, dont c’était la première participation. “Les visiteurs connaissent particulièrement bien les dessins, ils sont très cultivés et curieux. Le salon nous offre aussi l’occasion de rencontrer des conservateurs de musées européens et américains que l’on ne voit pas forcément à Londres�?, insiste Gabriel Naughton, chez Agnew’s. Le prix de la location d’un stand étant relativement peu élevé (95 000 francs) et le niveau d’affaires souvent soutenu, le Salon du dessin semble constituer un investissement rentable pour les marchands étrangers. Jean-Luc Baroni et Stephen Ongpin, chez Colnaghi, indiquaient avoir vendu huit dessins, dont un à un musée américain, presque tous au-dessus de 300 000 francs. “Nous participons au salon depuis quatre ans et avons enregistré chaque année de très bons résultats�?, insiste Stephen Ongpin. De son côté, John Winter, de Trinity Fine Art, dont c’était la première participation, a cédé sept pièces, elles aussi au-dessus de 300 000 francs pour la plupart. Yvonne Tan Bunzl évoque une fourchette de prix de 40 à 120 000 francs, et Flavia Ormond de 75 000 à 300 000 francs. Pour sa part, la galerie munichoise Katrin Bellanger Kunsthandel a vendu dix œuvres entre 50 000 et 300 000 francs, dont un Natoire, un Fragonard et un Daumier.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°82 du 30 avril 1999, avec le titre suivant : Un salon haut en couleurs

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