Un Picasso période bleue à Drouot

Estimé 25 millions de francs, il sera mis en vente le 26 avril

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 16 mars 2001 - 803 mots

Cet énigmatique portrait d’une femme aux yeux fermés, peint dans un camaïeu de bleus profonds, sera l’une des vedettes des ventes parisiennes du printemps. Réalisé en 1903 par Picasso à Barcelone, il sera mis en vente le 26 avril à Drouot-Montaigne par Raymond de Nicolay. Deux autres ventes de tableaux modernes et contemporains se tiendront à Paris en ce début de printemps, les 20 et 21 mars chez Francis Briest et le 28 mars à l’Espace Tajan.

PARIS - “Le peintre se peint toujours lui-même”, confia un jour Picasso à William Rubin. Les yeux fermés du personnage, le camaïeu de bleus profonds de cette Tête de femme peinte en 1903, témoignent de la mélancolie du jeune peintre dans les années qui ont suivi le suicide de son ami Casagemas, à Paris en 1901. Éxécuté en 1903 alors que Picasso séjournait à Barcelone, ce portrait d’une “inquiétante étrangeté” pourrait, selon Pierre Caizergues, symboliser par sa puissance d’intériorisation, la nuit, la solitude ou le secret (25 millions de francs). Pour Sabartès, autre ami du peintre, “Picasso croit l’art fils de la tristesse et de la douleur”. Cette représentation “d’une infinie pudeur” provient de la collection Guillaume Apollinaire où elle est restée accrochée dans le salon-chambre à coucher du poète, au 202 bd Saint-Germain, jusqu’en 1967, année de la mort de Jacqueline Apollinaire. Le poète possédait une centaine d’œuvres de Picasso offertes par le peintre, dont deux de la période bleue.

Dans cette même vente du 26 avril à Drouot-Montaigne figureront également une aquarelle de Raoul Dufy (Promenade devant la plage, 200-250 000 francs), des œuvres de Zao Wou-ki de 1966 (200-250 000 francs pour chacune des deux toiles), de Hans Hartung (Composition en noir et jaune, 1976, 60-80 000 francs) et de Jean Degottex (L’Éphémère, 40-50 000 francs).

Deux autres ventes de tableaux modernes et impressionnistes se dérouleront à Paris en ce début de printemps. La première, organisée par Francis Briest, se tiendra les 20 et 21 mars à Drouot-Richelieu. Elle s’ouvrira avec quelques œuvres de la collection Alexandre Loewy comprenant une très belle huile de 1948 de Vieira da Silva (500-700 000 francs) et un dessin au crayon d’Édouard Vuillard, Déjeuner chez Vuillard, 1915 (50-70 000 francs). Suivront une vingtaine d’encres de Chine de Paul Colin d’un opuscule titré Le Tumulte noir. Le dessinateur, qui réalisa quelque 900 affiches pour le théâtre, eut une liaison avec Joséphine Baker. Lorsque cette dernière se produisit dans la “Revue Nègre”, il chercha à capter la folie de la danse, en une quarantaine de dessins qui montrent l’artiste nue ou vêtue dans le “style Poiret”. Ces feuilles sont estimées entre 3 000 et 12 000 francs. Dans la section des tableaux modernes figurent le Portrait d’une jeune femme par Francis Picabia (180-220 000 francs), deux aquarelles de Jongkind (30-50 000 francs l’une) et deux pastels de Guillaumin (40-55 000 francs chacun).

Un hommage à Cézanne
De la section art contemporain émergent sept Griffures sur papier de Jean Fautrier (3 000 à 15 000 francs l’une), une quinzaine d’encres et aquarelles de Lucio Fontana (20-25 000 francs l’unité), un grand Paysage à l’huile de Paul Rebeyrolle (160-180 000 francs), des affiches lacérées de 1963 de Mimmo Rotella, (La Flessione verticale, 60-80 000 francs). On remarquera également huit œuvres de Robert Combas dont une acrylique et collage sur toile de 1998, Les Mains de ma sœur (60-80 000 francs), plusieurs aquarelles de Maurice Estève estimées entre 30 000 et 80 000 francs, une toile de 1973 de Simon Hantaï (140-160 000 francs) et des créations de Peter Klasen, Alain Kirili, Bruce Nauman et Zoran Music. Une semaine plus tard, une quarantaine de tableaux et sculptures impressionnistes et modernes seront mis en vente à l’Espace Tajan. La vedette de la vacation sera un grand Georges Rouault de 1925, intitulé Hommage à Cézanne (106 x 75 cm, 2,5-3 millions de francs). Le peintre fera maintes fois l’éloge de Cézanne évoquant “ce solitaire, grand ouvrier qu’aucune consécration mondaine n’est venu rabaisser, pas même le plus petit bout de ruban rouge... quand bien des peinturiers ratés et d’obscurs comparses jouent du Chevalier au Commandeur”. À noter aussi une huile d’Henri de Toulouse-Lautrec, Nice sur la promenade des Anglais, 1880 (2-3 millions de francs), un tableau d’Henri Martin (Automne sur la Bastide du Vert, 500-600 000 francs), une vue d’un parc londonien exécutée en 1893 par Maximilien Luce (500-600 000 francs) et un charmant petit Marquet de 1898 montrant une Maison rose à Arcueil Cachan (300-400 000 francs). Tout aussi séduisant sont le nu à la sanguine d’André Derain (50-60 000 francs) et l’aquarelle gouachée de Raoul Dufy décrivant une Fenêtre au volet vert (200-300 000 francs). On remarquera aussi plusieurs sculptures dont un bronze de Chana Orloff, Dame à l’éventail (250-300 000 francs) et un ours brun en bronze de Rembrandt Bugatti (700-900 000 francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°123 du 16 mars 2001, avec le titre suivant : Un Picasso période bleue à Drouot

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