Un Carré plus tonique

La manifestation rajeunit et s’ouvre au XXe siècle

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 11 juin 1999 - 674 mots

L’ouverture de nouvelles galeries et quelques expositions portant sur des objets du XXe siècle ont réveillé l’intérêt des visiteurs et des collectionneurs, qui se sont montrés très actifs lors des Cinq jours de l’Objet extraordinaire organisés du 26 au 30 mai par l’Association des antiquaires et galeries d’art du Carré Rive Gauche.

PARIS - Un air de fête régnait dans les rues le soir du vernissage, un nombre croissant de galeries ayant choisi de participer à la manifestation : libérés de la contrainte imposée les années précédentes de respecter un thème, les 120 antiquaires ont retrouvé le plaisir de partager leurs découvertes avec le public. Jean-Pierre Gros avait sélectionné un lustre à dix bras en fer forgé et doré, orné de pendeloques, pampilles et plaquettes ; Laurent Chalvignac un secrétaire de voyage en placage de bois de rose, époque Louis XV ; la galerie Gosselin-Dubreuil une paire de sphères gravées des quatre continents, surmontées de doubles obélisques ; Antoine Broccardo (galerie Alb Antiquités) une vitrine de 1906 attribuée à Joseph-Maria Olbrich, réalisée pour le Pavillon des roses à Cologne, et quatre flacons de Paul Iribe aux bouchons ornés de roses.

Les expositions organisées lors de ce XXIIe Carré ont été saluées par des visiteurs particulièrement nombreux, notamment chez Jacques Lacoste où ils étaient séduits par les créations gaies et ludiques de Jean Royère. La plupart des meubles et objets d’art du décorateur ont été vendus, dont le canapé “ours polaire” (200 000 francs), la table “tour Eiffel” (100 000 francs) ou la lampe “sphère” (50 000 francs), le plus souvent à une clientèle française. Les prix affichés par Jacques Lacoste paraissent relativement peu élevés comparés aux 84 000 livres sterling (840 000 francs) payés chez Christie’s à Londres le 11 mai pour une paire de fauteuils “ours polaire”.

Forte affluence également pour les expositions de tapis du XXe siècle organisées chez Camoin-Demachy et Blondeel-Deroyan. Alain Demachy présentait ses tapis d’architectes (Mallet-Stevens, Hoffmann, Herbst), de décorateurs (Mare, Adnet, Groult) ou de peintres (Léger, Miró, Klee, Calder) sur un parterre de gravier et d’écorces de pin. Les pièces de Süe et Mare, Da Silva Bruhns, Marc du Plantier et Jules Leleu exposées par Bernard Blondeel et Armand Deroyan ont été très appréciées : six ont été vendues à des collectionneurs français, belges et américains, et deux ont été réservées. La présence de nouveaux marchands, avec les galeries Flore et Gosselin-Dubreuil, rue de Beaune, Didier Bénichou, Xavier Chollet (galerie Chollet-Vuaillat) et Didier-Jean Nénert, rue de Lille, ainsi que la belle sélection de mobilier des années quarante et cinquante chez Luc Debruille, Jacques Lacoste, Antoine Broccardo et Jean-Pierre Orinel, également rue de Lille, ont apporté un air de fraîcheur à une manifestation souvent très classique.

Il semblerait que la fréquentation ait été légèrement moins élevée que l’an passé, et les collectionneurs étrangers moins actifs, souvent relayés par des acheteurs français. “C’est une belle fête mais qui n’a pas suffisamment retenu l’attention du public. Nous n’avons pas rencontré de nouveaux clients”, déclaraient Luc Debruille et Didier Bénichou. Xavier Chollet, qui venait d’inaugurer sa galerie à l’angle des rues de Beaune et de Lille, ne partageait pas cet avis. Il a conclu des transactions avec de nouveaux collectionneurs venus des États-Unis, d’Amérique du Sud et d’Italie, soulignant que “de nombreux marchands étrangers [avaient] dû faire le déplacement en France pour assister à la vente de la collection  Beistegui au château de Groussay”. La plupart des marchands affichaient leur satisfaction : ainsi, Jean-Pierre Orinel a vendu plusieurs pièces importantes ; la galerie Chevalier s’est séparée de trois tapisseries et de deux tapis ; Jean-Gabriel Peyre et Jean-Claude Sibeth ont cédé leur encrier porte-montre en faïence polychrome de Lunéville du XVIIIe siècle. Il est cependant regrettable que tous les antiquaires n’aient pas réalisé les mêmes efforts en sélectionnant des objets rares ou insolites, et que certains n’aient pas respecté les horaires d’ouverture (11h-20h et 14h-20h le dimanche), pourtant peu contraignants. Le succès remporté par les expositions du Carré conduira peut-être un plus grand nombre de marchands à suivre cet exemple l’an prochain.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°85 du 11 juin 1999, avec le titre suivant : Un Carré plus tonique

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