Un Carpeaux boudé

Lors de la vente Kahn-Sriber, les amateurs sont restés de marbre

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 24 octobre 2003 - 639 mots

Le buste en marbre de Carpeaux représentant le prince impérial, la pièce phare de la collection Didier Kahn-Sriber estimée 150 000 à 200 000 euros, n’a pas trouvé preneur le 2 octobre chez Sotheby’s. Un doute subsistait quant à sa date d’exécution.

 PARIS - Star de la vente de la collection Didier Kahn-Sriber le 2 octobre chez Sotheby’s à Paris, le buste en marbre blanc par Jean-Baptiste Carpeaux représentant le prince impérial Louis-Napoléon âgé de 8 ans, fils de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, estimé 150 000 à 200 000 euros, n’a pas convaincu les acheteurs. “Nous avons été trop optimistes sur l’estimation”, reconnaît Ulrike Goetz, spécialiste du département Sculpture et Objets d’art de la maison de ventes. En fait, un doute planait sur la date d’exécution. Des marchands circonspects soupçonnaient que le marbre soit une édition et non une réalisation de la main de l’artiste. Sotheby’s avait opté pour une œuvre d’art sculptée par l’artiste lui-même et avait avancé la date de 1865 dans son catalogue, sans pourtant en apporter la preuve. Même les opinions émises par plusieurs conservateurs et spécialistes pendant l’exposition, confirmant une date d’exécution entre 1865 et 1870, n’ont pas suffi à faire taire la rumeur. “Après 1870, les droits de reproduction du modèle sont devenus la propriété de l’État, et le buste fut édité en biscuit et en bronze, mais on ne connaît aucune édition en marbre”, précise Ulrike Goetz. Trois autres versions de ce buste en marbre, de tailles identiques, sont à l’heure actuelle connues,  conservées au Musée du Petit Palais à Paris, au Musée national du château de Compiègne ainsi que dans les collections du comte de Roseberry en Écosse. Le marbre proposé chez Sotheby’s, qui a laissé les enchérisseurs de glace, pourrait néanmoins faire l’objet d’un after sale (1). Quatre candidats dont un musée seraient partants, les récentes recherches de Sotheby’s confirmant l’hypothèse de l’œuvre originale. En effet, la lettre “A” apparaissant dans un cercle au dos du buste figure également sur un marbre de Carpeaux représentant la princesse Mathilde, une commande de la princesse au sculpteur datant de 1862. La pièce est aujourd’hui conservée au Musée d’Orsay. “Le fait que notre marbre est marqué de la lettre ‘A’ confirme sa date d’exécution autour de 1865 et semble aussi [corroborer] sa provenance de la collection de la princesse Mathilde. Notre sculpture et probablement celle conservée en Écosse marquée de la lettre ‘B’ doivent être les deux versions supplémentaires autorisées par Napoléon avant la cession des droits à l’État en 1870. Ce marbre est certainement une œuvre originale datée entre 1865 et 1870”, soutient l’expert de Sotheby’s.
Le reste de la vente, qui comprenait, de la fin du XIXe siècle, d’autres sculptures plus quelques meubles et objets, n’a pas particulièrement brillé par ses résultats, exception faite d’un remarquable tableau romantique de 1847 d’Hugues Merle, La Légende des Willis. Les quelques œuvres plus modernes ont incontestablement volé la vedette à cette vente annoncée comme incarnant l’esprit du Second Empire. Deux petites natures mortes sans prétention de Renoir se sont par exemple arrachées au-delà de leurs estimations, à 156 375 euros (la meilleure enchère de la vacation) et 134 275 euros, au bénéfice d’un collectionneur privé américain et d’un amateur japonais. Le bronze de Rodin L’Éternel Printemps, fondu vers 1898-1899, et L’Étreinte en marbre de Joseph Bernard, dont le style rappelle celui de Rodin, ont doublé leur estimation et atteint respectivement 84 975 et 68 525 euros. Enfin, le Musée d’Orsay a préempté pour 37 975 euros, un prix relativement élevé, une terre cuite originale figurant La Misère par Jules Desbois – qui fut collaborateur et ami de Rodin. In fine, 1,45 million d’euros, soit l’estimation basse de la vente, ont tout de même été enregistrés pour 69 % de lots vendus.

(1) c’est-à-dire d’un achat après la vente au prix de réserve.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°179 du 24 octobre 2003, avec le titre suivant : Un Carpeaux boudé

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque